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... des mots, des images, des rythmes, au gré des émotions

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mercredi 31 décembre 2014

Je hais le Nouvel An, Antonio Gramsci



http://dormirajamais.org/gramsci-2/


JE HAIS LE NOUVEL AN, PAR ANTONIO GRAMSCI.


Chaque matin, à me réveiller encore sous la voûte céleste, je sens que c’est pour moi la nouvelle année. C’est pourquoi je hais ces nouvel an à échéance fixe qui font de la vie et de l’esprit humain une entreprise commerciale avec ses entrées et sorties en bonne et due forme, son bilan et son budget pour l’exercice à venir. Ils font perdre le sens de la continuité de la vie et de l’esprit. On finit par croire sérieusement que d’une année à l’autre existe une solution de continuité et que commence une nouvelle histoire, on fait des résolutions et l’on regrette ses erreurs etc. etc. C’est un travers des dates en général. On dit que la chronologie est l’ossature de l’Histoire; on peut l’admettre. Mais il faut admettre aussi qu’il y a quatre ou cinq dates fondamentales que toute personne bien élevée conserve fichée dans un coin de son cerveau et qui ont joué de vilains tours à l’Histoire. Elles aussi sont des nouvel an. Le nouvel an de l’Histoire romaine, ou du Moyen Âge, ou de l’Époque moderne. Et elles sont devenues tellement envahissantes et fossilisantes que nous nous surprenons nous-mêmes à penser quelquefois que la vie en Italie a commencé en 752, et que 1490 ou 1492 sont comme des montagnes que l’humanité a franchies d’un seul coup en se retrouvant dans un nouveau monde, en entrant dans une nouvelle vie. Ainsi la  date devient un obstacle, un parapet qui empêche de voir que l’histoire continue de se dérouler avec la même ligne fondamentale et inchangée, sans arrêts brusques, comme lorsque au cinéma la pellicule se déchire et laisse place à un intervalle de lumière éblouissante.Voilà pourquoi je déteste le nouvel an. Je veux que chaque matin soit pour moi une année nouvelle. Chaque jour je veux faire les comptes avec moi-même, et me renouveler chaque jour. Aucun jour prévu pour le repos. Les pauses je les choisis moi-même, quand je me sens ivre de vie intense et que je veux faire un plongeon dans l’animalité pour en retirer une vigueur nouvelle. Pas de ronds-de-cuir spirituels. Chaque heure de ma vie je la voudrais neuve, fût-ce en la rattachant à celles déjà parcourues. Pas de jour de jubilation aux rimes obligées collectives, à partager avec des étrangers qui ne m’intéressent pas. Parce qu’ont jubilé les grands-parents de nos grands parents etc., nous devrions nous aussi ressentir le besoin de la jubilation. Tout cela est écœurant.
Antonio Gramsci, 1er janvier 1916 sur l’Avanti!, édition de Turin, rubrique « Sotto la Mole »
Traduit par Olivier Favier.



Odio il capodanno

Ogni mattino, quando mi risveglio ancora sotto la cappa del cielo, sento che per me è capodanno.Perciò odio questi capodanni a scadenza fissa che fanno della vita e dello spirito umano un’azienda commerciale col suo bravo consuntivo, e il suo bilancio e il preventivo per la nuova gestione. Essi fanno perdere il senso della continuità della vita e dello spirito. Si finisce per credere sul serio che tra anno e anno ci sia una soluzione di continuità e che incominci una novella istoria, e si fanno propositi e ci si pente degli spropositi, ecc. ecc. È un torto in genere delle date.Dicono che la cronologia è l’ossatura della storia; e si può ammettere. Ma bisogna anche ammettere che ci sono quattro o cinque date fondamentali, che ogni persona per bene conserva conficcate nel cervello, che hanno giocato dei brutti tiri alla storia. Sono anch’essi capodanni. Il capodanno della storia romana, o del Medioevo, o dell’età moderna. E sono diventati cosí invadenti e cosí fossilizzanti che ci sorprendiamo noi stessi a pensare talvolta che la vita in Italia sia incominciata nel 752, e che il 1490 0 il 1492 siano come montagne che l’umanità ha valicato di colpo ritrovandosi in un nuovo mondo, entrando in una nuova vita. Così la data diventa un ingombro, un parapetto che impedisce di vedere che la storia continua a svolgersi con la stessa linea fondamentale immutata, senza bruschi arresti, come quando al cinematografo si strappa la film e si ha un intervallo di luce abbarbagliante.Perciò odio il capodanno. Voglio che ogni mattino sia per me un capodanno. Ogni giorno voglio fare i conti con me stesso, e rinnovarmi ogni giorno. Nessun giorno preventivato per il riposo. Le soste me le scelgo da me, quando mi sento ubriaco di vita intensa e voglio fare un tuffo nell’animalità per ritrarne nuovo vigore. Nessun travettismo(1). Ogni ora della mia vita vorrei fosse nuova, pur riallacciandosi a quelle trascorse. Nessun giorno di tripudio a rime obbligate collettive, da spartire con tutti gli estranei che non mi interessano. Perché hanno tripudiato i nonni dei nostri nonni ecc., dovremmo anche noi sentire il bisogno del tripudio. Tutto ciò stomaca.
Antonio Gramsci, 1° Gennaio 1916 su l’Avanti!, edizione torinese, rubrica « Sotto la Mole »

La voce « travettismo » è derivata dal piemontesismo « travet » che designa un « impiegato di basso livello e mal retribuito che svolge scrupolosamente un lavoro monotono e, anche, poco gratificante (e, con valore ironico, ne indica la mancanza di personalità, di iniziativa e di motivazioni) » (Grande Dizionario della Lingua Italiana). Si tratta del nome del protagonista della commedia piemontese di Vittorio Bersezio Le miserie di Monsù Travet (1862) divenuto il paradigma dell’impiegato dalla vita grigia e con prospettive limitate. [↩]

Françoise R à 20:31 Aucun commentaire:
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mardi 30 décembre 2014

Nicolas le Riche, soirée exceptionnelle à l'Opéra Garnier ( 9 juillet 2014 )





photo zimbio.com
http://www.zimbio.com/pictures/xLR16HFKVCL/English+National+Ballet+Rehearsal/qmGQkWiNIIH/Nicolas+Le+Riche

Lors de sa soirée de départ, le 9 juillet à Garnier, le danseur étoile de l’Opéra a transmis avec brio le flambeau aux jeunes générations (lundi 29 décembre à 22h30 sur Arte)
Il arrive tel qu’en lui-même. Tranquille, impérial, sans ostentation. De cette extrême simplicité qui sied au vrai talent et à la virtuosité. Il ? Cet homme en pantalon et chemise noirs en train d’étirer des arabesques comme on se réveille le matin, c’est Nicolas Le Riche, danseur étoile de l’Opéra national de Paris et star internationale. Sauf que cette mise en jambes douce et sensuelle a introduit, mercredi 9 juillet, au Palais Garnier, à Paris, le spectacle d’adieux du danseur. A 42 ans, Nicolas Le Riche a atteint l’âge de la retraite. Et peu importent le talent et la puissance de l’interprète, il faut partir.
Nicolas Le Riche est une espèce rare. Pour preuve. C’est la première fois, dans le contexte de l’Opéra national de Paris, qu’il a pu monter une soirée comme il l’entendait et non, comme ses collègues, quitter la maison en interprétant un de ses ballets de prédilection. C’est dire le statut de Le Riche et sa stature. Il a ainsi conçu ce programme de luxe en « l’ouvrant à des amis » comme Guillaume Gallienne ou Mathieu Chedid, mais surtout avec un éventail de ballets sélectionnés sur le volet du bon goût et de son histoire personnelle de danseur.
La voie ouverte aux jeunes
En ouverture de cette soirée saluée par une trentaine de minutes d’applaudissements à tout rompre, un extrait des Forains, chorégraphié par Roland Petit, dans lequel Le Riche semble ouvrir la voie aux jeunes de l’école de danse de l’Opéra. Une belle manière de jeter une passerelle sur un parcours d’exception en servant de courroie de transmission aux nouvelles générations. « Ma présence dans cette maison a duré trente-quatre ans au total, précise-t-il. J’avais envie de regarder cette jeunesse les yeux dans les yeux, de m’en émerveiller en montrant combien ils travaillent déjà sur un accomplissement d’eux-mêmes. »
Deux fois choisi par Nicolas Le Riche, Roland Petit occupe une place de prédilection dans sa carrière. Le voir et revoir dans Le Jeune Homme et la mort (1946),pièce de choc exigeant une virtuosité affûtée au point de passer pour de la spontanéité, est toujours une révélation. L’interprétation d’un rôle au sens fort prend avec lui une évidence aiguisée : appropriation d’une écriture et respect de l’œuvre étroitement mêlés.
Des ballets de format court
Avec finesse, Nicolas Le Riche a réussi à éviter l’enfilage d’extraits, façon collier de perles, grâce à l’articulation esthétique forte des différentes pièces. Une séquence d’Appartement (2000), chorégraphié par le Suédois Mats Ek, avec lequel il a souvent collaboré, interprété en duo avec Sylvie Guillem, emporte le morceau par sa concision dramaturgique. Certains ballets, de formats courts, comme L’Après-midi d’un faune (1912), de Vaslav Nijinski, et évidemment Boléro, de Maurice Béjart, permettent de déjouer le piège du « best of » en offrant le tour d’une œuvre. Et quels monuments que ces deux pièces historiques !
C’est dans Boléro, en 2008,que Le Riche avait fait se lever comme un seul homme les 2 700 personnes de l’Opéra Bastille, faisant fonctionner à plein l’effet catharsis sans jamais enfoncer la pédale de l’appel au public. « J’aime que, sur le plateau, on assiste à une sorte de naissance théâtrale, racontait-il à propos de cette pièce en 2010. La beauté de la scène réside dans la révélation intime qu’elle permet. A une condition : que l’acteur ou le danseur y soit pour ça, pour aller jusqu’au bout de cet exercice de dévoilement. Pas question de se cacher le plaisir immense d’être sur un plateau. Je ne supporte pas les danseurs qui s’excusent presque de leur présence. »
Et il est là Nicolas, entouré serré par la troupe et quelques-uns de ses amis danseurs étoiles comme Karl Paquette et Joshua Hoffalt. « J’aime défendre la danse masculine et aussi cette compagnie qu’est le Ballet de l’Opéra, glisse-t-il. On parle souvent de la compétition des étoiles mais des amitiés existent aussi. »
Une troupe éphémère
C’est d’ailleurs avec quelques étoiles-amies, comme Isabelle Ciaravola et Eleonora Abbagnato, qu’il a monté une troupe éphémère et un spectacle intitulé Itinérances, dans lequel il danse aussi avec sa femme, la danseuse étoile de l’Opéra de Paris Clairemarie Osta. Itinérances a tourné avec succès dans toute la France cette année. Parallèlement à cette production, toujours très concerné par la transmission, il a participé au remontage, en complicité avec la chorégraphe contemporaine et chercheuse Dominique Brun, de L’Après-midi d’un faune d’après la partition notée par Nijinski lui-même. En janvier, il va collaborer avec le Japonais Saburo Teshigawara pour l’opéra Solaris, à l’affiche en mars du Théâtre des Champs-Elysées, à Paris, et chorégraphie un nouveau ballet pour lui et Clairemarie Osta.
Le final de la soirée du 9 juillet a levé une tempête de papiers dorés sur la tête de Nicolas Le Riche. Lui, qui se sentait « comme une machine à laver émotionnelle » deux semaines auparavant, n’a pas craqué. « J’ai très bien vécu ce moment, j’étais simplement très heureux, confie-t-il. Parce qu’au-delà de moi, il célébrait cette maison qu’est l’Opéra sans aucune nostalgie. »

Rosita Boisseau
Journaliste au Monde
http://www.lemonde.fr/televisions-radio/article/2014/12/29/l-adieu-magistral-de-nicolas-le-riche_4546896_1655027.html
Françoise R à 13:01 2 commentaires:
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dimanche 28 décembre 2014

Quand le rêve devient cauchemar

Van Gogh, La Nuit étoilée




Il est très rare que je me souvienne de mes rêves. Celui-ci (en fait un cauchemar) m'a hantée toute la journée, à un point tel, que j'espère m'en débarrasser en le racontant par écrit.
Une mystérieuse créature que je savais être une jeune femme, sans même l'apercevoir, inoculait dans les aliments de l'homme que j'aimais (là encore, non aperçu, non identifié). Je ne voyais que de vagues choses cylindriques, couleur miel, censées être les aliments. Je ne vois rien d'autre.
Je savais qu'elle cherchait à paralyser (tuer ?) cet homme. Il m'apparaissait sans vie, sans le voir.
Je cherchai à m'interposer, à la chasser... criant, gesticulant, balayant l'air de mes bras, avec une énergie féroce. Elle s'en prit à moi, chercha à me faire subir le même sort. M'inoculer son poison.
Prise de panique, je multipliais les gestes pour la chasser, la balayer. Je me mis à hurler de plus belle (je m'entends encore). Insultes, grossiéretés... Pourquoi ? Sans doute l'effrayer, la faire fuir. Tant ma peur était immense. Une lutte, un combat violent, contre une forme aérienne, qui paraissait voltiger autour de moi. Sorte de "Fée Clochette" machiavélique ! D'où les moulinets que je faisais avec mes bras, mes cris, mes insultes. L'obliger à fuir, coûte que coûte, la neutraliser, l'empêcher de nous anéantir.
Ensuite, certainement pour exorciser cette scène, me libérer du cauchemar, je "décidai" de me réveiller. Je me voyais allongée dans mon lit, essayant d'ouvrir les yeux... en vain. Je ressens encore physiquement les paupières closes, lourdes, presque collées, refusant de s'ouvrir. Prise de panique et d'angoisse, je cherchai à m'asseoir, me lever. Impossible. Tout en moi était comme paralysé. Et je luttais, me débattant, moulinant l'air de mes bras .Etais-je encore dans mon sommeil, dans mon cauchemar ? Etais-je à moitié réveillée ?
Quand enfin, j'ai réussi à allumer la lampe de chevet, ouvrir très péniblement les yeux, m'asseoir m'était impossible. Rêve ? Etat conscient ? J'ignore toujours où s'est trouvée la "frontière"...
Lorsque j'ai repris pleinement conscience, que tout avait l'air familier et bien réel autour de moi, je tremblais, l'angoisse m'oppressait. Mon coeur battait très fort. Je ne cessais de regarder autour de moi.
Je me suis levée, presque titubante. J'ai marché. J'ai allumé la radio.
Il me fallut beaucoup de temps avant d'oser me recoucher. Une crainte terrible que le cauchemar ne reprenne.
Je me suis enfin rendormie. Sans qu'il ne se passe quoi que ce soit.
A mon vrai réveil, et tout au long de la journée, j'entendais encore mes cris, je ressentais les séquelles de cette nuit d'épouvante. Je me suis interrogée. J'avais (j'ai encore) l'impression que quelque chose de grave était arrivé. Que me disait ce cauchemar ? Quelle menace, quelle prémonition, quel avertissement ?
La sensation que j'ai failli passer de l'Autre Côté...

Samedi 27 décembre 2014

F.Ruban
Françoise R à 00:15 2 commentaires:
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vendredi 26 décembre 2014

A l'orée de l'hiver, de F.Ruban

crédit photo fruban
             


Déjà bien fatiguée
lire écrire un peu   __  plonger
dans les méandres de la poésie
partager avec l'écran froid émotions noctambules
Un poème instinctivement choisi
parle d'étoiles à l'aube
d'une montagne hostile sous le froid et la neige

Dehors la pluie le vent immobilisés
lune à peine voilée  __  drapée
d'une aura d'opaline orangée
Vega étincelle de mille feux
L'hiver raidit le corps qui crie
écrire écrire dos meurtri

Soudain surgi de l'ombre je te vois
tu es là près de moi
sourire timide deviné
tes yeux si doux
                  Bonne nuit je t'aime
Ô caresser tes lèvres frôler tes doigts
Heures propices de ma vie à cet instant complices


Quand le soleil ferme la Nuit
sensuels les mots dessinent la tendresse
Amour et monde en liesse
Dans la pénombre du jour naissant  __  recroquevillée
vent en rafales dehors dedans flammes brûlantes
réfugiée auprès de l'âtre crépitant
enveloppée d'un lourd engourdissement


Je songe  __  Fil si rouge parfois si noir
fil magique déroulé de toi à moi
L'aurais-je imaginé tissé avec les fibres de mon coeur ?
Frapper aux vitres du Ciel comme
frappent mes doigts sur le clavier ___ sempiternel et mécanique
Interroger le Cosmos infini si proche
Lune à portée de mes paumes

Quand le ciel épouse la terre
lune empreinte de Vie et pourtant
pâles lueurs du Soleil
La Nuit noire a avalé les arbres engloutis de ténèbres
lugubres hululent les hiboux
En l'absence de dieux et de croyances
façonner seule le cours de l'amour les rives de la vie de la mort


Quand le Ciel est vide
mon âme se nourrit de Toi  __  là-haut
mon étoile aux boucles blondes
Mon souffle ma respiration
je les puise en Toi   __  ici-bas
tes yeux mélancoliques ta mer turquoise
pour moi incommensurable force

fruban

23 décembre 2014

©Tous droits réservés
Protégé par copyright

in, Chorégraphie de cendres (ene), 2017


Françoise R à 23:46 4 commentaires:
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Poème de Yannis Stiggas


XIII

Nous sommes enlacés
       elle a la vision du vide
c'est une paix aveugle
qui surveille la poitrine
épingles à cheveux aux lèvres


J'ai vécu ainsi le spasme
qui argente les choses
     et je n'aime plus la lune
     et je n'aime plus la mer


je veux des craquements nus dans le sang
mon destin telle une vigne
ayant où elle peut pour fruit
le soleil à genoux
se tordant aux grillages


Pas question que je rouvre jamais
la porte
j'allumerai seulement mon ouïe
pour vous transmettre des sanglots
et l'amour
stagnera dans les tasses


Être enlacé veut dire
parfumer le vide



Traduction: Michel Volkovitch

Yànnis Stìggas, né en 1977, est l’un des plus talentueux poètes grecs d’aujourd’hui. Il a fait des études de médecine.


Ses poèmes sont traduits en français, anglais, allemand, suédois, espagnol, bulgare et serbe.

Α retenir parmi  ses titres: Vagabondages du sang (2004), La vue recommencera (2006), Blessure ex æquo (2010), Le chemin vers le kiosque (2012), Je vois le cube Rubik dévoré (2014).

Yànnis Stiggas a parlé à GrèceHebdo.


Peut-on parler aujourd’hui en Grèce à propos des jeunes poètes d’une «génération de la crise»?

Je ne suis pas d’ accord avec le terme «génération». Oui, la crise est visible autour de nous, mais si quelqu’un veut parler du présent, c’est mieux d’utiliser une polaroid! La poésie avance autrement et ne cède pas aux regroupements faciles. Elle parle du présent avec les termes d’une éternité éclatée, elle parle de la nature de la douleur et c’est pour cela que la poésie c’est le feu lui-même. C’est pourquoi les poètes demeurent peu nombreux. D’ ailleurs chaque poète reste unique comme l’âme de chacun. La poésie est avant tout un phénomène psychique.

La réalité des «collectivités digitales» de masse (Ιnternet etc.) facilite les contacts du «grand nombre» avec la poésie?

Je ne crois pas. Les contacts dont vous parlez présupposent une certaine disponibilité intérieure. Ce n’est pas une question d’accès technologique. Les poèmes demandent un effort considèrable de la part du lecteur. Je vous rappelle les paroles de Jorge Luis Borges: «on trouve plus facilement un bon poète qu’un bon lecteur». Je partage son point de vue. Parfois la solitude des poèmes est  terrifiante et un “like” sur “facebook” ne parvient pas à faire face à cette solitude.

Εst-ce qu’il y a de la place pour l’humour au sein de l’univers énigmatique de la poésie?

Tsezare Pavese affirme dans son «métier de vivre», ce journal intime étonnant, que la grande poésie est de l'ordre ironique. Je partage cette approche. Je vous rappelle que NikosKarouzos a intégré une blague entière dans l’un de ses poèmes. Α noter également l’ironie subtile d’ Engonopoulos ou l’autosarcasme désespéré de Livaditis. L’humour est la santé du regard, l’antidote à l’égotisme et au sentimentalisme nocif. L’humour est sans doute notre seul luxe dans ce monde.




http://www.grecehebdo.gr/2014/12/interview-de-yannis-stiggas-la-poesie.html
Françoise R à 01:23 3 commentaires:
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mercredi 24 décembre 2014

Nuits de fête, de Spyros K


crédit photo Spyros K
Les nuits de fête sont différentes
Si Père Noël se manifeste
Il sait être horrible peste
Ou généreux et bienveillant...
               **
Il peut être une seule personne
Illuminant une nuit si blanche
Seul un soleil l' a transporté
Et ses rayons  ont confondu
Les chaleurs si proches
Du temps et de l'Amour...
                  **
Un sourire qui peut être repas
Ou main ferme comme l'espoir...
Une promesse qui sonne en soi
Si on a la force encore d'y croire
Un signe aussi qu'on a senti
Et dont son empreinte rassure....
                   **
Père Noël est imposture
Si il est dans une zone à risque
Ainsi nommée par ceux qui tirent
Sur les âmes de tant d'enfants...
                   **
Père Noël est aussi ordure
Car les mensonges sont éloquents
Il est difficile de s'en sortir
Face à des yeux innocents
Qui se lavent rien qu' en pleurant...
                  **
Père Noël cherche des chemins
Pour expliquer dans toutes les langues
Que son rouge n'est pas de sang
Sa barbe et sage et gentille
Ses cadeaux des livres savants
Qui permettront à d'autres enfants
D'espérer pouvoir transmettre
Les ferments des esprits
Pour que dansent un jour les guenilles
                   **
Père Noël a autant d'allures
Que la bonté a d'utopies
Il ressemble à une fêlure
Dont nous ne sommes qu'une pâle copie...


Spyros K

23 décembre 2014

Tous droits réservés
Protégé par copyright

photo du web 

Françoise R à 20:38 Aucun commentaire:
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samedi 20 décembre 2014

Charlotte, de David Foenkinos ( Gallimard )







http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Blanche/Charlotte



DAVID FOENKINOS
Charlotte
Collection Blanche, Gallimard
Parution : 21-08-2014
Ce roman retrace la vie de Charlotte Salomon, artiste peintre morte à vingt-six ans alors qu'elle était enceinte. Après une enfance à Berlin marquée par une tragédie familiale, Charlotte est exclue progressivement par les nazis de toutes les sphères de la société allemande. Elle vit une passion amoureuse fondatrice, avant de devoir tout quitter pour se réfugier en France. Exilée, elle entreprend la composition d'une œuvre picturale autobiographique d'une modernité fascinante. Se sachant en danger, elle confie ses dessins à son médecin en lui disant : «C'est toute ma vie.» Portrait saisissant d'une femme exceptionnelle, évocation d'un destin tragique, Charlotte est aussi le récit d'une quête. Celle d'un écrivain hanté par une artiste, et qui part à sa recherche.


Lien actif vers le feuilleteur ci-dessous

Charlotte






Gallimard livre d'art


feuilleteur :

A14979_extrait
















Nouveau 


Les éditions Le Tripode publient "Vie ? Ou Théâtre ?", un ensemble qui comprend peintures, textes et musiques, composé en une année, juste avant sa déportation à Auschwitz en 1943, par Charlotte Salomon. Cette grande œuvre, ancêtre du roman graphique, raconte l'histoire tragique de sa famille. Un récit bouleversant, rassemblé dans un projet artistique total, d'une beauté extraordinaire.
Culturebox


Charlotte Salomon, Vie ? ou Théâtre ? traduit par Anne Hélène Hoog et Michel Roubinet (Le Tripode - 820 pages -28x28 cm - plus de 1100 reproductions - 4 600 grammes - Relié par une toile - 95€)

Le Tripode
Françoise R à 18:10 Aucun commentaire:
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vendredi 19 décembre 2014

Solstice d'hiver, de F.Ruban - extrait de "L'Âme des marées"


                                                                       "Fuir ! là-bas fuir ! Je sens que des oiseaux sont ivres
                                                                         D'être parmi l'écume inconnue et les cieux !"
                                                                                                                  Stéphane Mallarmé

                                                                                                                                 
                                                                                                                                                           
                                                                                                                     
crédit photo fruban
 
Solstice d'hiver                                                                                                                                                                                                                                                     
 Âme égarée emprisonnée
Tes barreaux   les bras nus décharnés
des arbres bien-aimés
Ta cage           le ciel brouillé les oppressantes nuées
balayées de mornes échappées
Tes chaînes     des souvenirs enracinés
pathétiques lambeaux
trop vite éparpillés déchiquetés
douloureusement vivants

Âme égarée désordonnée
La Poésie t'ennuie    les mots s'enfuient
L' Ave Maria de Caccini  te séduit
   - Tout est dit...
Voile déchiré
Fenêtre ouverte au passé
Ton regard luit comme ébloui
 - Ah briser sous la neige
 la Mort    les sortilèges
Quand
il devient impossible d'arrêter   cet oeil intérieur

Âme égarée presque ensorcelée
Vois    les flammes      s'élancent
les bûches saignent et pleurent
gémissements sourds
cris   brefs     saccadés
Triste triste lamento
allegro   crescendo      crescendo
  - Ah crever les yeux des ténèbres
Sur la Lumière
Planter l'ancre fière
Fouetter le glas   litanie funèbre
    qui retentit d'heure en heure
    de gong en gong

Un sapin dressé
par  tendresse et amour  revêtu
par contrainte par dépit aussi
-   Qu'attendre de cette inutile liesse...
Le miracle de Noël
   d'énergie en énergie
   de chute en chute
Tu n'y crois plus
Tu ne peux plus
Imaginer
un seul instant
minuscule et précieux
une voie  un chemin   un sentier

Âme égarée abandonnée
Ton horizon cadenassé
Verrouillé sur le passé
Demain
Sur l'Océan
Ses lourdes chaînes brisera   éclatera
Alors tu verras
Plus puissante que l'espérance
Ton Etoile
Te guidera
Dans l'Infini bleu
Tu voleras

F.R
©  le 22 décembre 2012

Tous droits réservés
Protégé par copyright

poème extrait de "L'Âme des marées"
épingle à nourrice éditions (2014)
http://editozap.jimdo.com/


Françoise R à 17:56 2 commentaires:
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jeudi 18 décembre 2014

Les mots des premiers lecteurs de "L'Âme des marées", mon recueil de poèmes

Livres - Site de editozap !


Livres - Site de editozap ! | Poésie mes amours | Scoop.it




From editozap.jimdo.com - Today, 3:46 PM

http://editozap.jimdo.com/livres/

Lorsque Robert Desnos écrit : «  Ce cœur qui ne battait qu’au rythme des marées, à celui des saisons, à celui des heures du jour et de la nuit », Françoise Ruban dessine en résonance « L’histoire des Hommes dans le flux et le reflux des marées océanes ».
Ils ont en commun le bruit de la mer à l’assaut des falaises, un engagement sans faille pour la Liberté, l’Honneur des poètes, la mise à nu et l’écoute de leurs cœurs.

En vers libres à la fois lyriques et pudiques, le champ lexical de Françoise Ruban nous rappelle sans cesse qu’amour et âme sont liés comme les marées aux saisons.

Elle récuse et accepte dans le même temps l’écho de la mort et la nécessité de vivre, elle incite aux métaphores de l’aube embellissant la réalité d’un jour nouveau, elle met en évidence l’implication de l’espoir face au paradoxe du temps. Sa démarche touche la sensibilité pour convaincre et diffuse des valeurs implicites : réfléchir, résister, sortir de l’ombre, laisser place à la lumière… Françoise Ruban nous offre avec ce recueil un sentiment d’universalité capable de métamorphoser l’instant avec plaisir et complicité.

C’est dire combien il est important et bouleversant de le lire absolument.

Véronique SAUGER ( éditrice)

                                          ************

 Les premiers lecteurs de mon recueil « L'Âme des marées » m'ont fait part de leur ressenti, je les remercie chaleureusement. Il est important pour moi, d'avoir un retour des impressions nées à la lecture de mes poèmes. J'invite d'autres lecteurs à m'écrire également.  ( FR )

                                                     *******

Chère Françoise,
Les mots dont tu t'empares te sont des armes pour lutter contre ce qui
a fondu sur toi. Ils m'ont profondément ému car je ne te connaissais
évidemment pas sous ce jour-là. La vie m'a jusqu'à maintenant épargné
une épreuve indélébile comme celle que tu as subie et aussi sans doute
quelques autres que je puis entrevoir et qui t'ont cruellement
guettée. Le plaisir que j'ai eu de te retrouver s'est doublé d'une
découverte, celle d'une femme extrêmement vivante malgré les noirceurs
qui l'environnent et qui, comme moi, a goûté aux merveilles des mots.
Merci de nous avoir fait la confiance de nous permettre de te lire.Ivan K






Déjà ce petit recueil bleu circule sur les chemins de la poésie , un vrai nectar . On le reçoit comme une grâce, en résonance avec l'Univers entier. Souffrance transcendée , révolte osée, , cris silencieux mais transfiguration par l'espérance secrète et ...dans l'Amour, toujours. C'est l'Amour qui est le plus fort (comme nous le dit St Paul) Tes mots sont éblouissants . Merci Françoise d'avoir bouleversé mon cœur. MFZ


 C'est vrai Françoise, ta poésie est belle , douce et en même temps rebelle; une étoile guide et illumine l'ensemble de ton recueil, elle t'accompagne et te sourit, des superbes morceaux de piano à deux qui me ravissent car plein d'espoir et d'humanité, même si la souffrance est présente, Je t'embrasse  IC


Déjà je trouve "l'emballage" très réussi. Je parle du point de vue formel, de la première de couverture et de la 4ème avec le texte très élégant et plein de retenue de Véronique. J'apprécie aussi, pour l'avoir feuilleté le soin qu'elle a apporté à la maquette dépouillée, sans ostentation aucune, laissant la place au texte de prendre sa juste mesure et agrémentée de marges équilibrées et d'une typographie soignée. Tu voudras bien la complimenter de ma part à ce sujet et pour tous ces points. 
Il me reste maintenant, ah ah mon amie, à m'introduire dans le contenu dont je connais plus d'un poème m'a-t-il semblé, mais je ferai comme si.
CR

Merci pour ton fils qui te tend encore la main PK


Un livre profondément humain ! Et comme toujours en poésie il faut savoir entrer dans un monde et nous laisser guider et se rendre « libre » dans sa tête pour accepter, accueillir et comprendre celle ou celui qui nous parle ! JLG




    Ma chère Françoise, comme tu le sais je suis un lecteur régulier (plus ou moins) de ton blog "Au rythme des marées de l'âme". Je suis bien désolé d'en être le seul commentateur, me semble-t-il. Et je te remercie pour m'avoir hébergé au titre de contributeur. En recevant ton livre, juste reflet de ton blog, je ne me suis bien évidemment pas senti dépaysé. Ton livre confié aux bons soins de Véronique est à l'image de ton blog empreint d'une subtile et discrète élégance. Je n'y vois rien de triste si tant est qu'une douce mélancolie d'un coeur apaisé, davantage qu'on ne pourrait le penser, mélancolie au souffle chaleureux et confidentiel. C'est le monde qui est triste. Ce sont souvent les gens qui sont de plus en plus tristes. Cette tristesse est contagieuse. Et bien prétentieux ou inconscient ou encore égotiste, celui qui peut dire qu'il y échappe. Bien sûr tu n'y échappes pas mais tu sublimes cette tristesse avec, là aussi, une élégance rare, presque une excuse de nous interrompre dans notre infinie tristesse. Tes textes sont d'une grande délicatesse, sonnent justes et résonnent dans les coeurs et les âmes qui sont à ton diapason. Bref, pour une fois, je vais me laisser aller à dire cette phrase convenue qui me hérisse souvent le poil: C'est beau et j'aime! CR

Tout est beau : l'écriture, les images, les sons de ta voix , les regards et les baisers envoyés à ton fils, lui qui maintenant est les yeux de ton âme . c'est merveilleux que tu ais pu ainsi t'arracher de l'anéantissement pour goûter ce chant d'Amour ! 
 Quelle beauté d’écriture ! poésie incandescente, élan d’amour et de révolte, tu réussis l’indicible.  Comme une prière intérieure, « tes mots s’échappent presque incontrôlés de ton âme »,  se calligraphient dans cet espace d’intimité dévoilée, pudiquement mais réellement habitée. Chaque vers est musique et chaque  note a sa couleur, un sens, un souffle, comme l’inépuisable force de ton cœur. 
Face à ta souffrance de mère qui ne cesse de percer le mystère de notre propre existence, …les goélands eux.. savent..  au-delà de la mer éternelle… Ils nous prennent à témoin devant l’océan, ton ami, ton amant,  de ce voyage intime au gré des vagues et des marées. Et je pleure ..

Poésie rédemptrice ! tu as trouvé en elle un espace neuf, une vie nouvelle, une Etoile dans la nuit, ton Etoile, la plus belle de la constellation.  Comme Job, souffrant et  questionnant Dieu, tu partages ton humanité.
Et quand je cherche à faire mien tes mots magiques, je me surprends à  les citer tous…Impossible. Il me  reste alors un goût de sel, de mer, d’odeurs d’embrun,  les sons fracassants des vagues en fureur  et surtout… le fil d’Ariane du cordon ombilical, le cordon d’Or.
 Couleurs d’automne ou  d’hiver printanier : 
 « Sur le sable mouillé Sur les embruns nacrés,
     Sur les ailes des goélands Sur les nuages au firmament
 Tu existes » 
Tu es libre …

MFZ

Tu sais je n'ai pas pu attendre, j'avais trop hâte de feuilleter et de découvrir ton recueil aussi j'ai entamé la lecture le soir même de son arrivée ! 
J'ai donc lu, découvert et ma lecture m'a beaucoup rapproché de toi....Puis j'ai voyagé avec l'âme des marées dans les mains puis dans le 
cœur. Tes poèmes sont très beaux, ils sont le reflet d'une femme humaine, poétesse qui croit en l'Amour, en la Vie, en l'humanité et qui espère. Plusieurs poèmes expriment les sentiments que j'ai éprouvé et cela me touche beaucoup.. ."On me dit...."   Il y en a que j'aime plus particulièrement comme "Vivre ton héritage", j'aime beaucoup la musique également qui émane de tes poèmes. Saches que l'âme des marées ne me quitte pas, je relis au hasard quelques poèmes, souvent le soir et redécouvre d'autres tonalités, d'autres couleurs et d'autres sentiments.

Ton petit mot m'a comblé également Françoise et pour tout cela je te remercie du fond du cœur. Je t'embrasse et surtout continue d'écrire ne t'arrête pas...........SM

Françoise, grand merci pour ton recueil de poésie. Comme tu as bien su, par les mots, transposer entre l'immensité de l'océan, de l'univers, l'immensité de l'absence. Comme je partage tes pensées. J'aime te lire, le soir, dans mon lit; que de mots justes... Que sept petites notes de musique t'ont aidée à retrouver la joie de vivre et d'écrire. Je comprends ton besoin de solitude. Peut-être à bientôt. Je t'embrasse. OB

J'adore tes poèmes... parce que j'aime penser à Lui et que l'océan, les étoiles et la musique sont des éléments qui me touchent profondément. Mille merci. LG

Bonjour Françoise,
J'ai lu ton livre. Tes poèmes. Ce n'est jamais facile de reprendre ses notes de lecture...alors te dire que j'ai pensé à ce poème que je t'envoie (...)
"Mon étoile la plus lumineuse de toutes", écris-tu à la fin d'un poème.
Tes mots sont beaux, mais ce qui s'en dégage porte aux larmes et fait presque oublier leur beauté.
Souvent je reposais le livre : c'est trop lourd à porter les souffrances des poèmes !
J'ai pris ce recueil comme lorsqu'un ami nous fait des confidences. Oui c'est bien cela ton livre ! Confidences et joie, malgré tout.
"Ariane ma soeur j'aperçois une lueur..."
Oui, finir par regarder le ciel; en fait cela lorsqu'on tombe au fond du puits ! Tes textes portent l 'espoir et te tiennent. C'est la lampe du poète !
La force de cette mère qui puise
        à la souffrance
        promesse de vivre
        promesse de vie
                 promesse.
Chantons "la saveur pétillante du chèvrefeuille" !

SP


J'ai pu lire votre recueil, Laurence vous l'a peu-être dit et j'ai beaucoup aimé. Je me retrouve complètement dans votre poésie. Tant au plan de la forme que du fond... Je n'écris pas que des poèmes à contrainte, loin de là. J'ai un spectacle autour de mes poésies, mises en musique avec un partenaire saxophoniste (moi à la guitare). Entre jazz et ballades. J'aime dire la poésie... de plus en plus. En musique de préférence, avec un véritable mélange de la musique et des mots. Pas d'accompagnement, c'est inutile selon moi. Seulement une véritable fusion des mots et des notes.

Je serais intéressé pour dire votre poésie, en musique. Pourquoi pas lors d'un événement que l'on pourrait peut-être créer, autour d'une présentation de votre recueil, quelque chose comme ça. J'aime dire les mots des autres.

YP

J'aimerai pouvoir dire vos poèmes sur ma musique (comme nous l'avons déjà évoqué) dans un cadre semi-public et j'ai pensé que vous seriez peut-être intéressée pour le faire chez vous en invitant des gens de votre entourage, vos lecteurs, peut-être pourrais je en inviter quelques uns de mon propre entourage. Cela pourrait se faire en plein air, dans votre jardin (Laurence m'a dit que vous en aviez un ) ou dans un autre lieu qui vous tient à cœur. En été ou un peu avant ou après. A vous de voir si cela vous inspire. Ceci a l'avantage de ne pas nécessiter de logistique particulière, ni d'organisation trop lourde. Ce pourrait être une première étape vers quelque chose de plus "officiel" par la suite.

Je pense que je peux impliquer mon ami saxophoniste William. J'ai déjà quelques idées de nouvelles compositions sur lesquelles dire vos poèmes.

YP


 C’est un grand plaisir que tu m’aies donné ton livre, j’espérais discerner quelle personne tu étais aujourd’hui. Mes questions se sont trouvées balayées par la qualité de tes poèmes. Emotion, puissance et beauté ont été une magnifique découverte  A la lecture des premiers mots, j’étais en attente des autres et j’ai été portée de  page en page. C’est simple, musical et profond, et parfois bouleversant aussi. Tu es une vraie belle poétesse. Tes amies ont été bien inspirées de t’inciter à publier.

MK

Françoise R à 21:47 3 commentaires:
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jeudi 11 décembre 2014

Sous les étoiles, de Olav H.Hauge, in Nord profond

Sous les étoiles


Qu'est-ce qui m'a poussé à aller dehors
sous le ciel inhospitalier de l'aube ?
Les étoiles bleues, obstinées,
que veulent-elles ?

Les montagnes n'ont rien à promettre,
et s'écartent seulement,
laissant le fjord à sa plénitude
et les torrents se jeter en lui.
Les montagnes restent là,
insensibles et dures sous la neige.

Mais les pentes boisées,
les pentes boisées
se sont jetées face contre terre,
mettent à nu leur misère sous les étoiles.

crédit photo fruban
C'est ma peine,
c'est ma souffrance, écorchées et vives,
qui sont là, étendues,
noires comme le fer et sanglantes,
mais jurant par tous les dieux
d'à nouveau verdir et chanter.

Olav H.Hauge
Nord profond
trad François Monnet
Françoise R à 11:58 Aucun commentaire:
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mardi 9 décembre 2014

Lettre de Maria Casarès à Albert Camus



http://www.deslettres.fr/lettre-maria-casares-albert-camus-instant-venir-mest-doux-car-il-se-trouve-mon-chemin-vers-toi/

31 juillet – Je me réveille avec un petit mot de toi. Oh la la la ! Un autre mot vient d’arriver. Damnée mécanique. Je me rends compte que je n’aurais pas pu tenir un mois et demi (c’est long !) sans lettres de toi. Non je n’aurais pas pu mon amour, mon chéri, je t’aime fort, fort. […]
Je me sens tout entourée par toi. Alors qu’ai-je à souhaiter d’autre ? Non. Il faut que je dorme.
Dors toi aussi. Que fais-tu en ce moment ?
Je vais dormir c’est mieux.
Bonsoir. Pense à moi.
[sans date] Voilà quelques jours déjà que je ne t’ai pas écrit et pourtant je n’ai pas cessé de penser à toi.
Mais pour être transparente et puisque tu ne liras tout cela qu’un jour lointain et à condition que tu me le demandes, je pense pouvoir te dire sans danger de t’apporter la moindre inquiétude ni le plus petit souci.
Ces derniers jours ont été assez pénibles malgré tous les efforts que j’ai faits pour vaincre les doutes et répondre à toutes les questions qui se sont présentées à mon esprit.
J’ai passé des heures dures de mélancolie et de révolte successivement à en perdre haleine. J’ai eu beau me dire que ça ne pouvait pas, qu’il ne pouvait en être autrement, qu’après tous les jours de bonheur inespérés et suffocants que tu m’avais donnés il fallait de toute évidence qu’une fois seule et loin de toi, trop brusquement après avoir été avec et en toi d’une façon surprenante, il fallait me suis-je répété avec un entêtement de vraie galicienne, une réaction et une réaction qui devait m’emmener vers des pensées et des sentiments injustes, illogiques et sots.
Je ne devrais donc pas leur porter aucune [sic] attention. Je t’en fiche ! J’avais tout simplement oublié que l’état dans lequel je me trouvais venait justement du fait de me trouver seule, un peu perdue, déséquilibrée (« désépaulée ») et par conséquent en dehors de toute sagesse et tout raisonnement.
À ce vide que ton départ a laissé en moi est venu s’ajouter l’accomplissement de la promesse que je t’avais faite de dire à JS [Jean Servais] clairement où j’en étais.
Tout a été fait ou presque tout. Il connaît mes sentiments vis-à-vis de toi bien qu’il ignore encore notre vie depuis un mois. Je ne lui en parlerai d’ailleurs que si tu l’exiges car je considère qu’il en est étranger et que cela ne regarde en rien.
Tout s’est passé facilement et doucement. Trop bien. Dès qu’il a su il s’est incliné. Mais de quelle façon !
Aussitôt que j’ai pu me retrouver seule une foule d’idées contradictoires me noya. Des idées dont je te parlerai un jour si tu veux les connaître mais que je n’ai pas le courage d’écrire. En tous cas ce que je peux te dire c’est que tout se révélait contre nous sauf une chose : mon amour tout neuf pour toi, une sorte d’avalanche qui est prête à tout broyer, à tout casser par le seul fait qu’elle se sent trop puissante et qu’il faut de la place pour s’y installer et prendre ses aises.
Le bric-à-brac intérieur mêlé aux dernières choses à faire et aux préparations de départ m’ont privé d’un temps précieux dans lequel j’aurais pu te dire que je t’aime. […]
Bonsoir mon chéri, mon amour, serre moi comme je t’aime, je t’en prie.
Mardi 3 août — Deux jours entiers de passés sans t’écrire mais pas une heure, une pensée, une tristesse vague, un plaisir quelconque, une lecture, une promenade, un lever, un coucher qui ne mènent directement à toi. Est-ce que je souffre de ton absence ? Oui. Est-ce que je suis malheureuse ? Non.
Avec une patience dont je ne me serais crue capable, j’attends. J’emploie chaque jour, chaque seconde qui s’écoule à m’approcher de toi. Tout instant fini me comble de joie par le fait qu’il ne se pose plus entre toi et moi. Tout instant à venir m’est doux car il se trouve dans mon chemin vers toi.
Ce n’est pas je t’assure fausse littérature. C’est en moi comme la faim et le soleil. Ce n’est pas non plus romantisme. Je ne suis pas le moins du monde altérée et toute ma vie de vacances s’écoule dans un calme de corps et d’esprit qui est nouveau pour moi.
C’est tout simplement que je t’aime et que tu sois près ou loin, tu es toujours là partout et que le seul fait que tu existes me rend pleinement heureuse. […]
Ah ! Mon chéri, ne me laisse plus jamais. Maintenant c’est très grave. Je veux me faire, je peux devenir quelque chose si tu es là. Seule je me sens incapable du moindre effort. Et ce sont là les dernières choses que je te dirai sur moi. Mon sort est désormais réglé. […]
31 juillet — […] Je passe mon temps à essayer d’inventer des moyens d’attendre sans t’ennuyer et j’espère de tout mon cœur qu’à chaque fois que j’en trouverai un, même le plus bête, tu comprendras et tu ne m’en voudras pas.
Je t’aime. Je te demande pardon pour toutes ces histoires. Mais rends-toi compte que je suis loin et seule et toute tournée vers toi.
Je t’aime" Maria Casarès


Je vous recommande cette correspondance amoureuse tellement sensuelle et passionnée FR


ICI 







Françoise R à 16:57 2 commentaires:
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lundi 8 décembre 2014

Discours de Patrick Modiano, Prix Nobel de Littérature, à Stockholm le 7 décembre 2014

Patrick Modiano (sipa)



Je voudrais vous dire tout simplement combien je suis heureux d’être parmi vous et combien je suis ému de l’honneur que vous m’avez fait en me décernant ce prix Nobel de Littérature.
C’est la première fois que je dois prononcer un discours devant une si nombreuse assemblée et j’en éprouve une certaine appréhension. On serait tenté de croire que pour un écrivain, il est naturel et facile de se livrer à cet exercice. Mais un écrivain – ou tout au moins un romancier – a souvent des rapports difficiles avec la parole. Et si l’on se rappelle cette distinction scolaire entre l’écrit et l’oral, un romancier est plus doué pour l’écrit que pour l’oral. Il a l’habitude de se taire et s’il veut se pénétrer d’une atmosphère, il doit se fondre dans la foule. Il écoute les conversations sans en avoir l’air, et s’il intervient dans celles-ci, c’est toujours pour poser quelques questions discrètes afin de mieux comprendre les femmes et les hommes qui l’entourent. Il a une parole hésitante, à cause de son habitude de raturer ses écrits. Bien sûr, après de multiples ratures, son style peut paraître limpide. Mais quand il prend la parole, il n’a plus la ressource de corriger ses hésitations.
Et puis j’appartiens à une génération où on ne laissait pas parler les enfants, sauf en certaines occasions assez rares et s’ils en demandaient la permission. Mais on ne les écoutait pas et bien souvent on leur coupait la parole. Voilà ce qui explique la difficulté d’élocution de certains d’entre nous, tantôt hésitante, tantôt trop rapide, comme s’ils craignaient à chaque instant d’être interrompus. D’où, sans doute, ce désir d’écrire qui m’a pris, comme beaucoup d’autres, au sortir de l’enfance. Vous espérez que les adultes vous liront. Ils seront obligés ainsi de vous écouter sans vous interrompre et ils sauront une fois pour toutes ce que vous avez sur le cœur.
« Un romancier ne peut jamais être son lecteur »
L’annonce de ce prix m’a paru irréelle et j’avais hâte de savoir pourquoi vous m’aviez choisi. Ce jour-là, je crois n’avoir jamais ressenti de manière aussi forte combien un romancier est aveugle vis-à-vis de ses propres livres et combien les lecteurs en savent plus long que lui sur ce qu’il a écrit. Un romancier ne peut jamais être son lecteur, sauf pour corriger dans son manuscrit des fautes de syntaxe, des répétitions ou supprimer un paragraphe de trop. Il n’a qu’une représentation confuse et partielle de ses livres, comme un peintre occupé à faire une fresque au plafond et qui, allongé sur un échafaudage, travaille dans les détails, de trop près, sans vision d’ensemble.
Curieuse activité solitaire que celle d’écrire. Vous passez par des moments de découragement quand vous rédigez les premières pages d’un roman. Vous avez, chaque jour, l’impression de faire fausse route. Et alors, la tentation est grande de revenir en arrière et de vous engager dans un autre chemin. Il ne faut pas succomber à cette tentation mais suivre la même route. C’est un peu comme d’être au volant d’une voiture, la nuit, en hiver et rouler sur le verglas, sans aucune visibilité. Vous n’avez pas le choix, vous ne pouvez pas faire marche arrière, vous devez continuer d’avancer en vous disant que la route finira bien par être plus stable et que le brouillard se dissipera.
Sur le point d’achever un livre, il vous semble que celui-ci commence à se détacher de vous et qu’il respire déjà l’air de la liberté, comme les enfants, dans la classe, la veille des grandes vacances. Ils sont distraits et bruyants et n’écoutent plus leur professeur. Je dirais même qu’au moment où vous écrivez les derniers paragraphes, le livre vous témoigne une certaine hostilité dans sa hâte de se libérer de vous. Et il vous quitte à peine avez-vous tracé le dernier mot. C’est fini, il n’a plus besoin de vous, il vous a déjà oublié. Ce sont les lecteurs désormais qui le révéleront à lui-même. Vous éprouvez à ce moment-là un grand vide et le sentiment d’avoir été abandonné. Et aussi une sorte d’insatisfaction à cause de ce lien entre le livre et vous, qui a été tranché trop vite. Cette insatisfaction et ce sentiment de quelque chose d’inaccompli vous poussent à écrire le livre suivant pour rétablir l’équilibre, sans que vous y parveniez jamais. à mesure que les années passent, les livres se succèdent et les lecteurs parleront d’une « œuvre ». Mais vous aurez le sentiment qu’il ne s’agissait que d’une longue fuite en avant.
Oui, le lecteur en sait plus long sur un livre que son auteur lui-même. Il se passe, entre un roman et son lecteur, un phénomène analogue à celui du développement des photos, tel qu’on le pratiquait avant l’ère du numérique. Au moment de son tirage dans la chambre noire, la photo devenait peu à peu visible. à mesure que l’on avance dans la lecture d’un roman, il se déroule le même processus chimique. Mais pour qu’il existe un tel accord entre l’auteur et son lecteur, il est nécessaire que le romancier ne force jamais son lecteur – au sens où l’on dit d’un chanteur qu’il force sa voix – mais l’entraîne imperceptiblement et lui laisse une marge suffisante pour que le livre l’imprègne peu à peu, et cela par un art qui ressemble à l’acupuncture où il suffit de piquer l’aiguille à un endroit très précis et le flux se propage dans le système nerveux.
« Chaque nouveau livre, au moment de l’écrire, efface le précédent »
Cette relation intime et complémentaire entre le romancier et son lecteur, je crois que l’on en retrouve l’équivalent dans le domaine musical. J’ai toujours pensé que l’écriture était proche de la musique mais beaucoup moins pure que celle-ci et j’ai toujours envié les musiciens qui me semblaient pratiquer un art supérieur au roman – et les poètes, qui sont plus proches des musiciens que les romanciers. J’ai commencé à écrire des poèmes dans mon enfance et c’est sans doute grâce à cela que j’ai mieux compris la réflexion que j’ai lue quelque part : « C’est avec de mauvais poètes que l’on fait des prosateurs. » Et puis, en ce qui concerne la musique, il s’agit souvent pour un romancier d’entraîner toutes les personnes, les paysages, les rues qu’il a pu observer dans une partition musicale où l’on retrouve les mêmes fragments mélodiques d’un livre à l’autre, mais une partition musicale qui lui semblera imparfaite. Il y aura, chez le romancier, le regret de n’avoir pas été un pur musicien et de n’avoir pas composé Les Nocturnes de Chopin.
Le manque de lucidité et de recul critique d’un romancier vis-à-vis de l’ensemble de ses propres livres tient aussi à un phénomène que j’ai remarqué dans mon cas et dans celui de beaucoup d’autres : chaque nouveau livre, au moment de l’écrire, efface le précédent au point que j’ai l’impression de l’avoir oublié. Je croyais les avoir écrits les uns après les autres de manière discontinue, à coups d’oublis successifs, mais souvent les mêmes visages, les mêmes noms, les mêmes lieux, les mêmes phrases reviennent de l’un à l’autre, comme les motifs d’une tapisserie que l’on aurait tissée dans un demi-sommeil. Un demi-sommeil ou bien un rêve éveillé. Un romancier est souvent un somnambule, tant il est pénétré par ce qu’il doit écrire, et l’on peut craindre qu’il se fasse écraser quand il traverse une rue. Mais l’on oublie cette extrême précision des somnambules qui marchent sur les toits sans jamais tomber.
Dans la déclaration qui a suivi l’annonce de ce prix Nobel, j’ai retenu la phrase suivante, qui était une allusion à la dernière guerre mondiale : « Il a dévoilé le monde de l’Occupation. » Je suis comme toutes celles et ceux nés en 1945, un enfant de la guerre, et plus précisément, puisque je suis né à Paris, un enfant qui a dû sa naissance au Paris de l’Occupation. Les personnes qui ont vécu dans ce Paris-là ont voulu très vite l’oublier, ou bien ne se souvenir que de détails quotidiens, de ceux qui donnaient l’illusion qu’après tout la vie de chaque jour n’avait pas été si différente de celle qu’ils menaient en temps normal. Un mauvais rêve et aussi un vague remords d’avoir été en quelque sorte des survivants. Et lorsque leurs enfants les interrogeaient plus tard sur cette période et sur ce Paris-là, leurs réponses étaient évasives. Ou bien ils gardaient le silence comme s’ils voulaient rayer de leur mémoire ces années sombres et nous cacher quelque chose. Mais devant les silences de nos parents, nous avons tout deviné, comme si nous l’avions vécu.
Paris sous l’Occupation, une ville qui « semblait absente d’elle-même »
Ville étrange que ce Paris de l’Occupation. En apparence, la vie continuait, « comme avant » : les théâtres, les cinémas, les salles de music-hall, les restaurants étaient ouverts. On entendait des chansons à la radio. Il y avait même dans les théâtres et les cinémas beaucoup plus de monde qu’avant-guerre, comme si ces lieux étaient des abris où les gens se rassemblaient et se serraient les uns contre les autres pour se rassurer. Mais des détails insolites indiquaient que Paris n’était plus le même qu’autrefois. à cause de l’absence des voitures, c’était une ville silencieuse – un silence où l’on entendait le bruissement des arbres, le claquement de sabots des chevaux, le bruit des pas de la foule sur les boulevards et le brouhaha des voix. Dans le silence des rues et du black-out qui tombait en hiver vers cinq heures du soir et pendant lequel la moindre lumière aux fenêtres était interdite, cette ville semblait absente à elle-même – la ville « sans regard », comme disaient les occupants nazis. Les adultes et les enfants pouvaient disparaître d’un instant à l’autre, sans laisser aucune trace, et même entre amis, on se parlait à demi-mot et les conversations n’étaient jamais franches, parce qu’on sentait une menace planer dans l’air.
Dans ce Paris de mauvais rêve, où l’on risquait d’être victime d’une dénonciation et d’une rafle à la sortie d’une station de métro, des rencontres hasardeuses se faisaient entre des personnes qui ne se seraient jamais croisées en temps de paix, des amours précaires naissaient à l’ombre du couvre-feu sans que l’on soit sûr de se retrouver les jours suivants. Et c’est à la suite de ces rencontres souvent sans lendemain, et parfois de ces mauvaises rencontres, que des enfants sont nés plus tard. Voilà pourquoi le Paris de l’Occupation a toujours été pour moi comme une nuit originelle. Sans lui je ne serais jamais né. Ce Paris-là n’a cessé de me hanter et sa lumière voilée baigne parfois mes livres.
Voilà aussi la preuve qu’un écrivain est marqué d’une manière indélébile par sa date de naissance et par son temps, même s’il n’a pas participé d’une manière directe à l’action politique, même s’il donne l’impression d’être un solitaire, replié dans ce qu’on appelle « sa tour d’ivoire ». Et s’il écrit des poèmes, ils sont à l’image du temps où il vit et n’auraient pas pu être écrits à une autre époque.
Ainsi le poème de Yeats, ce grand écrivain irlandais, dont la lecture m’a toujours profondément ému : Les cygnes sauvages à Coole. Dans un parc, Yeats observe des cygnes qui glissent sur l’eau :

Le dix-neuvième automne est descendu sur moi
Depuis que je les ai comptés pour la première fois ;
Je les vis, avant d'en avoir pu finir le compte
Ils s'élevaient soudain
Et s'égayaient en tournoyant en grands cercles brisés
Sur leurs ailes tumultueuses
Mais maintenant ils glissent sur les eaux tranquilles
Majestueux et pleins de beauté.
Parmi quels joncs feront-ils leur nid,
Sur la rive de quel lac, de quel étang
Enchanteront-ils d'autres yeux lorsque je m'éveillerai
Et trouverai, un jour, qu'ils se sont envolés ?

Les cygnes apparaissent souvent dans la poésie du XIXe siècle – chez Baudelaire ou chez Mallarmé. Mais ce poème de Yeats n’aurait pas pu être écrit au XIXe siècle. Par son rythme particulier et sa mélancolie, il appartient au XXe siècle et même à l’année où il a été écrit.
Il arrive aussi qu’un écrivain du XXIe siècle se sente, par moments, prisonnier de son temps et que la lecture des grands romanciers du XIXe siècle – Balzac, Dickens, Tolstoï, Dostoïevski – lui inspire une certaine nostalgie. À cette époque-là, le temps s’écoulait d’une manière plus lente qu’aujourd’hui et cette lenteur s’accordait au travail du romancier car il pouvait mieux concentrer son énergie et son attention. Depuis, le temps s’est accéléré et avance par saccades, ce qui explique la différence entre les grands massifs romanesques du passé, aux architectures de cathédrales, et les œuvres discontinues et morcelées d’aujourd’hui. Dans cette perspective, j’appartiens à une génération intermédiaire et je serais curieux de savoir comment les générations suivantes qui sont nées avec l’internet, le portable, les mails et les tweets exprimeront par la littérature ce monde auquel chacun est « connecté » en permanence et où les « réseaux sociaux » entament la part d’intimité et de secret qui était encore notre bien jusqu’à une époque récente – le secret qui donnait de la profondeur aux personnes et pouvait être un grand thème romanesque. Mais je veux rester optimiste concernant l’avenir de la littérature et je suis persuadé que les écrivains du futur assureront la relève comme l’a fait chaque génération depuis Homère…
Et d’ailleurs, un écrivain, comme tout autre artiste, a beau être lié à son époque de manière si étroite qu’il n’y échappe pas et que le seul air qu’il respire, c’est ce qu’on appelle « l’air du temps », il exprime toujours dans ses œuvres quelque chose d’intemporel. Dans les mises en scène des pièces de Racine ou de Shakespeare, peu importe que les personnages soient vêtus à l’antique ou qu’un metteur en scène veuille les habiller en bluejeans et en veste de cuir. Ce sont des détails sans importance. On oublie, en lisant Tolstoï, qu’Anna Karénine porte des robes de 1870 tant elle nous est proche après un siècle et demi. Et puis certains écrivains, comme Edgar Poe, Melville ou Stendhal, sont mieux compris deux cents ans après leur mort que par ceux qui étaient leurs contemporains.
« Tolstoï se confondait avec le ciel et le paysage qu’il décrivait »
En définitive, à quelle distance exacte se tient un romancier ? En marge de la vie pour la décrire, car si vous êtes plongé en elle – dans l’action – vous en avez une image confuse. Mais cette légère distance n’empêche pas le pouvoir d’identification qui est le sien vis-à-vis de ses personnages et celles et ceux qui les ont inspirés dans la vie réelle. Flaubert a dit : « Madame Bovary, c’est moi ». Et Tolstoï s’est identifié tout de suite à celle qu’il avait vue se jeter sous un train une nuit, dans une gare de Russie. Et ce don d’identification allait si loin que Tolstoï se confondait avec le ciel et le paysage qu’il décrivait et qu’il absorbait tout, jusqu’au plus léger battement de cil d’Anna Karénine. Cet état second est le contraire du narcissisme car il suppose à la fois un oubli de soi-même et une très forte concentration, afin d’être réceptif au moindre détail. Cela suppose aussi une certaine solitude. Elle n’est pas un repli sur soi-même, mais elle permet d’atteindre à un degré d’attention et d’hyper-lucidité vis-à-vis du monde extérieur pour le transposer dans un roman.
J’ai toujours cru que le poète et le romancier donnaient du mystère aux êtres qui semblent submergés par la vie quotidienne, aux choses en apparence banales, – et cela à force de les observer avec une attention soutenue et de façon presque hypnotique. Sous leur regard, la vie courante finit par s’envelopper de mystère et par prendre une sorte de phosphorescence qu’elle n’avait pas à première vue mais qui était cachée en profondeur. C’est le rôle du poète et du romancier, et du peintre aussi, de dévoiler ce mystère et cette phosphorescence qui se trouvent au fond de chaque personne. Je pense à mon cousin lointain, le peintre Amedeo Modigliani dont les toiles les plus émouvantes sont celles où il a choisi pour modèles des anonymes, des enfants et des filles des rues, des servantes, de petits paysans, de jeunes apprentis. Il les a peints d’un trait aigu qui rappelle la grande tradition toscane, celle de Botticelli et des peintres siennois du Quattrocento. Il leur a donné ainsi – ou plutôt il a dévoilé – toute la grâce et la noblesse qui étaient en eux sous leur humble apparence. Le travail du romancier doit aller dans ce sens-là. Son imagination, loin de déformer la réalité, doit la pénétrer en profondeur et révéler cette réalité à elle-même, avec la force des infrarouges et des ultraviolets pour détecter ce qui se cache derrière les apparences. Et je ne serais pas loin de croire que dans le meilleur des cas le romancier est une sorte de voyant et même de visionnaire. Et aussi un sismographe, prêt à enregistrer les mouvements les plus imperceptibles.
J’ai toujours hésité avant de lire la biographie de tel ou tel écrivain que j’admirais. Les biographes s’attachent parfois à de petits détails, à des témoignages pas toujours exacts, à des traits de caractère qui paraissent déconcertants ou décevants et tout cela m’évoque ces grésillements qui brouillent certaines émissions de radio et rendent inaudibles les musiques ou les voix. Seule la lecture de ses livres nous fait entrer dans l’intimité d’un écrivain et c’est là qu’il est au meilleur de lui-même et qu’il nous parle à voix basse sans que sa voix soit brouillée par le moindre parasite.
Mais en lisant la biographie d’un écrivain, on découvre parfois un événement marquant de son enfance qui a été comme une matrice de son œuvre future et sans qu’il en ait eu toujours une claire conscience, cet événement marquant est revenu, sous diverses formes, hanter ses livres. Aujourd’hui, je pense à Alfred Hitchcock, qui n’était pas un écrivain mais dont les films ont pourtant la force et la cohésion d’une œuvre romanesque. Quand son fils avait cinq ans, le père d’Hitchcock l’avait chargé d’apporter une lettre à un ami à lui, commissaire de police. L’enfant lui avait remis la lettre et le commissaire l’avait enfermé dans cette partie grillagée du commissariat qui fait office de cellule et où l’on garde pendant la nuit les délinquants les plus divers. L’enfant, terrorisé, avait attendu pendant une heure, avant que le commissaire ne le délivre et ne lui dise : « Si tu te conduis mal dans la vie, tu sais maintenant ce qui t’attend. » Ce commissaire de police, qui avait vraiment de drôles de principes d’éducation, est sans doute à l’origine du climat de suspense et d’inquiétude que l’on retrouve dans tous les films d’Alfred Hitchcock.
« C’est beaucoup plus tard que mon enfance m’a paru énigmatique »
Je ne voudrais pas vous ennuyer avec mon cas personnel mais je crois que certains épisodes de mon enfance ont servi de matrice à mes livres, plus tard. Je me trouvais le plus souvent loin de mes parents, chez des amis auxquels ils me confiaient et dont je ne savais rien, et dans des lieux et des maisons qui se succédaient. Sur le moment, un enfant ne s’étonne de rien, et même s’il se trouve dans des situations insolites, cela lui semble parfaitement naturel. C’est beaucoup plus tard que mon enfance m’a paru énigmatique et que j’ai essayé d’en savoir plus sur ces différentes personnes auxquelles mes parents m’avaient confié et ces différents lieux qui changeaient sans cesse. Mais je n’ai pas réussi à identifier la plupart de ces gens ni à situer avec une précision topographique tous ces lieux et ces maisons du passé. Cette volonté de résoudre des énigmes sans y réussir vraiment et de tenter de percer un mystère m’a donné l’envie d’écrire, comme si l’écriture et l’imaginaire pourraient m’aider à résoudre enfin ces énigmes et ces mystères.
Et puisqu’il est question de « mystères », je pense, par une association d’idées, au titre d’un roman français du XIXe siècle : Les mystères de Paris. La grande ville, en l’occurrence Paris, ma ville natale, est liée à mes premières impressions d’enfance et ces impressions étaient si fortes que, depuis, je n’ai jamais cessé d’explorer les « mystères de Paris ». Il m’arrivait, vers neuf ou dix ans, de me promener seul, et malgré la crainte de me perdre, d’aller de plus en plus loin, dans des quartiers que je ne connaissais pas, sur la rive droite de la Seine. C’était en plein jour et cela me rassurait. Au début de l’adolescence, je m’efforçais de vaincre ma peur et de m’aventurer la nuit, vers des quartiers encore plus lointains, par le métro. C’est ainsi que l’on fait l’apprentissage de la ville et, en cela, j’ai suivi l’exemple de la plupart des romanciers que j’admirais et pour lesquels, depuis le XIXe siècle, la grande ville – qu’elle se nomme Paris, Londres, Saint-Pétersbourg, Stockholm – a été le décor et l’un des thèmes principaux de leurs livres.
Edgar Poe dans sa nouvelle L’homme des foules a été l’un des premiers à évoquer toutes ces vagues humaines qu’il observe derrière les vitres d’un café et qui se succèdent interminablement sur les trottoirs. Il repère un vieil homme à l’aspect étrange et il le suit pendant la nuit dans différents quartiers de Londres pour en savoir plus long sur lui. Mais l’inconnu est « l’homme des foules » et il est vain de le suivre, car il restera toujours un anonyme, et l’on n’apprendra jamais rien sur lui. Il n’a pas d’existence individuelle, il fait tout simplement partie de cette masse de passants qui marchent en rangs serrés ou bien se bousculent et se perdent dans les rues.
« Grâce à la topographie d’une ville, c’est toute votre vie qui vous revient à la mémoire »
Et je pense aussi à un épisode de la jeunesse du poète Thomas De Quincey, qui l’a marqué pour toujours. À Londres, dans la foule d’Oxford Street, il s’était lié avec une jeune fille, l’une de ces rencontres de hasard que l’on fait dans une grande ville. Il avait passé plusieurs jours en sa compagnie et il avait dû quitter Londres pour quelque temps. Ils étaient convenus qu’au bout d’une semaine, elle l’attendrait tous les soirs à la même heure au coin de Tichfield Street. Mais ils ne se sont jamais retrouvés. « Certainement nous avons été bien des fois à la recherche l’un de l’autre, au même moment, à travers l’énorme labyrinthe de Londres ; peut-être n’avons-nous été séparés que par quelque 18 mètres – il n’en faut pas davantage pour aboutir à une séparation éternelle. »
Pour ceux qui y sont nés et y ont vécu, à mesure que les années passent, chaque quartier, chaque rue d’une ville, évoque un souvenir, une rencontre, un chagrin, un moment de bonheur. Et souvent la même rue est liée pour vous à des souvenirs successifs, si bien que grâce à la topographie d’une ville, c’est toute votre vie qui vous revient à la mémoire par couches successives, comme si vous pouviez déchiffrer les écritures superposées d’un palimpseste. Et aussi la vie des autres, de ces milliers et milliers d’inconnus, croisés dans les rues ou dans les couloirs du métro aux heures de pointe.
C’est ainsi que dans ma jeunesse, pour m’aider à écrire, j’essayais de retrouver de vieux annuaires de Paris, surtout ceux où les noms sont répertoriés par rues avec les numéros des immeubles. J’avais l’impression, page après page, d’avoir sous les yeux une radiographie de la ville, mais d’une ville engloutie, comme l’Atlantide, et de respirer l’odeur du temps. à cause des années qui s’étaient écoulées, les seules traces qu’avaient laissées ces milliers et ces milliers d’inconnus, c’était leurs noms, leurs adresses et leurs numéros de téléphone. Quelquefois, un nom disparaissait, d’une année à l’autre. Il y avait quelque chose de vertigineux à feuilleter ces anciens annuaires en pensant que désormais les numéros de téléphone ne répondraient pas. Plus tard, je devais être frappé par les vers d’un poème d’Ossip Mandelstam :

Je suis revenu dans ma ville familière jusqu'aux sanglots
Jusqu'aux ganglions de l'enfance, jusqu'aux nervures sous la peau.
Pétersbourg ! [...]
De mes téléphones, tu as les numéros.
Pétersbourg ! J'ai les adresses d'autrefois
Où je reconnais les morts à leurs voix.

Oui, il me semble que c’est en consultant ces anciens annuaires de Paris que j’ai eu envie d’écrire mes premiers livres. Il suffisait de souligner au crayon le nom d’un inconnu, son adresse et son numéro de téléphone et d’imaginer quelle avait été sa vie, parmi ces centaines et ces centaines de milliers de noms.
On peut se perdre ou disparaître dans une grande ville. On peut même changer d’identité et vivre une nouvelle vie. On peut se livrer à une très longue enquête pour retrouver les traces de quelqu’un, en n’ayant au départ qu’une ou deux adresses dans un quartier perdu. La brève indication qui figure quelquefois sur les fiches de recherche a toujours trouvé un écho chez moi : Dernier domicile connu. Les thèmes de la disparition, de l’identité, du temps qui passe sont étroitement liés à la topographie des grandes villes. Voilà pourquoi, depuis le XIXe siècle, elles ont été souvent le domaine des romanciers et quelques-uns des plus grands d’entre eux sont associés à une ville : Balzac et Paris, Dickens et Londres, Dostoïevski et Saint-Pétersbourg, Tokyo et Nagaï Kafû, Stockholm et Hjalmar Söderberg.
J’appartiens à une génération qui a subi l’influence de ces romanciers et qui a voulu, à son tour, explorer ce que Baudelaire appelait « les plis sinueux des grandes capitales ». Bien sûr, depuis cinquante ans, c’est-à-dire l’époque où les adolescents de mon âge éprouvaient des sensations très fortes en découvrant leur ville, celles-ci ont changé. Quelques-unes, en Amérique et dans ce qu’on appelait le tiers-monde, sont devenues des « mégapoles » aux dimensions inquiétantes. Leurs habitants y sont cloisonnés dans des quartiers souvent à l’abandon, et dans un climat de guerre sociale. Les bidonvilles sont de plus en plus nombreux et de plus en plus tentaculaires. Jusqu’au XXe siècle, les romanciers gardaient une vision en quelque sorte « romantique » de la ville, pas si différente de celle de Dickens ou de Baudelaire. Et c’est pourquoi j’aimerais savoir comment les romanciers de l’avenir évoqueront ces gigantesques concentrations urbaines dans des œuvres de fiction.
Être né en 1945 « m’a rendu plus sensible aux thèmes de la mémoire et de l’oubli »
Vous avez eu l’indulgence de faire allusion concernant mes livres à « l’art de la mémoire avec lequel sont évoquées les destinées humaines les plus insaisissables ». Mais ce compliment dépasse ma personne. Cette mémoire particulière qui tente de recueillir quelques bribes du passé et le peu de traces qu’ont laissé sur terre des anonymes et des inconnus est elle aussi liée à ma date de naissance : 1945. D’être né en 1945, après que des villes furent détruites et que des populations entières eurent disparu, m’a sans doute, comme ceux de mon âge, rendu plus sensible aux thèmes de la mémoire et de l’oubli.
Il me semble, malheureusement, que la recherche du temps perdu ne peut plus se faire avec la force et la franchise de Marcel Proust. La société qu’il décrivait était encore stable, une société du XIXe siècle. La mémoire de Proust fait ressurgir le passé dans ses moindres détails, comme un tableau vivant. J’ai l’impression qu’aujourd’hui la mémoire est beaucoup moins sûre d’elle-même et qu’elle doit lutter sans cesse contre l’amnésie et contre l’oubli. À cause de cette couche, de cette masse d’oubli qui recouvre tout, on ne parvient à capter que des fragments du passé, des traces interrompues, des destinées humaines fuyantes et presque insaisissables.
Mais c’est sans doute la vocation du romancier, devant cette grande page blanche de l’oubli, de faire ressurgir quelques mots à moitié effacés, comme ces icebergs perdus qui dérivent à la surface de l’océan.

http://www.lemonde.fr/prix-nobel/article/2014/12/07/verbatim-le-discours-de-reception-du-prix-nobel-de-patrick-modiano_4536162_1772031.html





Le 11 octobre 2014, Patrick Modiano était invité à France Culture


http://www.franceculture.fr/emission-l-evenement-modiano-1-entretien-exclusif-patrick-modiano-par-christophe-ono-dit-biot-2014-1
Françoise R à 10:20 3 commentaires:
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