samedi 6 mai 2017

Ruwen Ogien, philosophe (France Inter et France Culture)

Ruwen Ogien en 2012 Crédits : Foc Kan/WireImage - Getty




Ruwen Ogien, décédé le 4 mai 2017



vendredi 5 mai 2017, par Laure Adler

Intimement vôtre avec Patrick Autréaux et Ruwen Ogien

L’un, refait à l’envers le chemin qui l’a conduit de la médecine, puis de la maladie, à la littérature. L’autre se demande si l’on peut philosopher en souffrant d’un cancer.





France Inter



En hommage au philosophe Ruwen Ogien, nous vous rediffusons l'émission du 17 mars 2017, dans laquelle nous recevions Ruwen Ogien et Patrick Autréaux.

Choix musical de Ruwen Ogien : Grand Corps Malade avec Funambule

Archives :

Archive Ina (non datée) : Gaston Bachelard s’exprime sur les relations entre la philosophie et la science
Archive Ina du 4 janvier 2001 : Susan Sontag parle des intentions d’écriture de son livre "La maladie comme métaphore" au micro de Chantal Thomas
Générique : Veridis Quo, Daft Punk


Ecouter aussi sur France Culture

ICI


Ruwen Ogien avait fait de son "cancer capricieux, chaotique" le point de départ de son dernier essai, Mes Mille et Une Nuits (Albin Michel), publié début 2017. Cette maladie qu'il décrivait comme une "bouffonnerie sociale" a fini par le tuer, le philosophe moral élève de Jacques Bouveresse en est mort ce jeudi après une vie marquée par la pensée de la liberté.

Jusqu'au bout, Ruwen Ogien aura lutté contre ce "dolorisme" qu'il critiquait dans son livre, décrivant la maladie comme tension entre un drame intime et une comédie sociale, refusant les injonctions morales faites au patient, assigné à la souffrance, à la quête intime voire à la résilience. Cet essai intime, original, mêle description du quotidien haché par la douleur et analyse des relations mises en scène, faussées par la maladie. Avec, toujours, cet humour joyeux qui accompagne la réelle liberté. Il était l'invité de la Grande table en février dernier, pour l'un de ses derniers passages dans les médias.


Lire aussi dans Télérama





« Faire durer le suspense comme Shéhérazade, en évitant de me mettre à dos les soignants, c'est le mieux que je puisse espérer, si j'ai bien compris la nature de ma maladie. »


J'ai commandé ce livre que j'ai grande hâte de lire , FR


La Grande Librairie






mercredi 3 mai 2017

Mon nouveau recueil, Chorégraphie de cendres

Je l'avais annoncé plusieurs fois, il est arrivé !
Mon nouveau recueil : Chorégraphie de cendres, éditions épingle à nourrice

Chorégraphie de cendres










Pour le commander, vous pouvez le faire ici, en m'envoyant un mail (contact) . Vous pouvez aussi vous adresser à la maison d'édition (liens ci-dessus).

lundi 1 mai 2017

La mort viendra et elle aura tes yeux, Cesare Pavese







Cesare Pavese (1908-1950)

La mort viendra et elle aura tes yeux –
Cette mort 
qui nous escorte
Du matin au soir, et jamais ne s'endort,
Aussi sourde qu'un remords ancien
Ou un vice absurde. Tes yeux
Seront une parole vaine,
Un cri étouffé, un silence.
Ainsi les vois-tu chaque matin
Quand sur toi seule tu te penches
Dans le miroir. Ô chère espérance,
Ce jour-là nous saurons nous aussi
Que tu es la vie et que tu es le néant.
Pour tous la mort a un regard.

La mort viendra et elle aura tes yeux.
Ce sera comme répudier un vice,
Comme voir dans le miroir
Resurgir un visage mort,
Comme écouter des lèvres closes.

Nous descendrons au fond du gouffre, muets.

Traduit de l'italien par Joël GAYRAUD





PAVESE, Cesare - La mort viendra et elle aura... par Gilles-Claude



Le métier de vivre de Pavese, par Jean-François Foulon ICI


Poèmes



Je passerai par la place d’Espagne.
Le ciel sera limpide.
Les rues s’ouvriront
sur la colline de pins et de pierre.
Le tumulte des rues
ne changera pas cet air immobile.
Les fleurs éclaboussées
de couleurs aux fontaines
feront des clins d’oeil
comme des femmes gaies.
Escaliers et terrasses
et les hirondelles
chanteront au soleil.
Cette rue s’ouvrira,
les pierres chanteront,
le coeur en tressaillant battra,
comme l’eau des fontaines.
Ce sera cette voix
qui montera chez toi.
Les fenêtres sauront
le parfum de la pierre
et de l’air du matin.
Une porte s’ouvrira.
Les tumultes des rues
sera le tumulte du coeur
dans la lumière hagarde.
Tu seras là – immobile et limpide.

28 mars 1950.

Cesare Pavese
 (Santo Stefano Belbo, Cuneo, 9 septembre 1908 – Turin, 27 août 1950),
in, le recueil Travailler fatigue.



Poème retrouvé sur la table de chevet de Cesare Pavese (9 septembre 1908 – 26 août 1950) après son suicide.

La mort viendra et elle aura tes yeux -
cette mort qui est notre compagne
du matin jusqu’au soir, sans sommeil,
sourde, comme un vieux remords
ou un vice absurde. Tes yeux
seront une vaine parole,
un cri réprimé, un silence.
Ainsi les vois-tu le matin
quand sur toi seule tu te penches
au miroir. O chère espérance,
ce jour-là nous saurons nous aussi
que tu es la vie et que tu es le néant.

La mort a pour tous un regard.
La mort viendra et elle aura tes yeux.
Ce sera comme cesser un vice,
comme voir resurgir
au miroir un visage défunt,
comme écouter des lèvres closes.

Nous descendrons dans le gouffre muets.




Verrà la morte e avrà i tuoi occhi-
questa morte che ci accompagna
dal mattino alla sera, insonne,
sorda, come un vecchio rimorso
o un vizio assurdo. I tuoi occhi
saranno una vana parola,
un grido taciuto, un silenzio.
Così li vedi ogni mattina
quando su te sola ti pieghi
nello specchio. O cara speranza,
quel giorno sapremo anche noi
che sei la vita e sei il nulla

Per tutti la morte ha uno sguardo.
Verrà la morte e avrà i tuoi occhi.
Sarà come smettere un vizio,
come vedere nello specchio
riemergere un viso morto,
come ascoltare un labbro chiuso.

Scenderemo nel gorgo muti.




Article de Catherine Réault-Crosnier (1998), extrait

Cesare Pavese est plus connu comme romancier et auteur noir mais il s’est voulu d’abord poète : son premier et son dernier livre sont des livres de poésie, un peu comme si la poésie pouvait cerner toute sa vie.

On comprend très bien le pessimisme de l’auteur lorsque l’on sait qu’il a perdu son père quand il avait six ans, qu’il a été élevé par sa mère, femme très stricte. Cesare Pavese a toujours eu du mal à vivre et on retrouve cette tendance dans tous ses écrits.

Il aurait pu perdre son pessimisme s’il avait pu trouver l’amour de sa vie mais il a seulement cru le trouver en la personne d’une actrice américaine qu’il a rencontrée à Rome en 1950, Constance Dowling. Celle-ci l’abandonne et il se suicidera la même année, en 1950, après avoir écrit sa dernière œuvre, "La mort viendra et elle aura tes yeux", recueil poétique dont le titre est très explicite et Cesare Pavese ne fera pas que de dire qu’il veut mourir ; il mettra son projet à exécution.

Son premier livre publié "Travailler fatigue", est paru en 1936. C’est une sorte d’autobiographie stylisée où les silences eux-mêmes nous parlent. Pour l’auteur, il faut travailler pour vivre mais il n’est pas sûr de tenir à la vie. Il assimile le travail à une tâche ingrate qui fatigue.



Ses œuvres poétiques :

Avant la parution de ce livre, Cesare Pavese avait déjà écrit des poèmes à l’âge de 21 ans (1928-1929). Ce sont des poèmes du désamour. Il a choisi d’abord d’écrire en vers libres puis il façonne son propre vers, à sa manière (13 syllabes, 4 accents).

Il publie ensuite "Le métier de poète" en 1934 puis "Travailler fatigue" en 1936 puis un recueil qui s’échelonne sur dix ans (1930-1940), "Le métier de vivre".

Son dernier recueil "La mort viendra et elle aura tes yeux" sera publié à titre posthume, un an après sa mort, c’est-à-dire en 1951. Ce livre n’a été écrit que pour Constance Dowling.

Comme je l’ai déjà signalé, Cesare Pavese est surtout romancier. Il a en particulier écrit "Le bel été" (1940), "Le diable dans les collines" (1948), "Entre femmes seules" (1949). On retrouve aussi dans ses romans, l’importance des paysages, l’enfance révolue et le pessimisme latent.

Catherine RÉAULT-CROSNIER a obtenu pour cet article, le prix international de l’essai Cesare Pavese de l’Union Mondiale des Écrivains Médecins, en 1999.

.Voir l'article entier  ICI


dimanche 30 avril 2017

Que faire...

Que faire...
Continuer le p'tit train-train habituel autour de la Poésie ?
Poster de belles photos, de belles musiques ?
Ne plus parler de ces élections ?
Avoir envie de vomir en faisant défiler à vive allure un fil d'actualité ?
Faire une longue pause ? Fermer définitivement ce compte ?
Tout cela me trotte dans la tête...
Et puis, je me dis que ce serait lâche, alors que la France est au bord du gouffre.
Alors que les abstentionnistes et les bulletins blancs persistent et signent.
Oui, je me moque des menaces, des insultes, des "amis" qui me virent.
Oui, je le redis : JE VOTERAI MACRON, sans plaisir mais sans la moindre hésitation !
Non, Le Pen et Macron ce n'est pas bonnet blanc et blanc bonnet !
Ce qui se dessine à l'horizon, les nihilistes, les populistes, de tous poils, l'ignorent - font semblant de l'ignorer - lorsque ça les arrange.
Je le comprends chez les plus jeunes qui ne connaissent pas l'Histoire.
Je le comprends chez les plus démunis, abandonnés depuis des années, qui croient aux "bonnes paroles" de ceux qui ne sont intéressés que par le pouvoir.
Je le condamne chez tous ceux qui savent, qui manipulent, qui se moquent des défavorisés comme ils se moquent des réfugiés.
Ces mots écrits d'un seul jet (pas le temps de rédiger un bel article ! ) pour exprimer ma profonde tristesse, ma colère, mon cri de femme libre.


fruban, 29 avril 2017