vendredi 15 juin 2018

Alejandra Pizarnik, in Textes d'ombre










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En cette nuit, en ce monde



à Martha Isabel Moia




en cette nuit en ce monde
les mots du rêve de l'enfance de la mort
ce n'est jamais cela qu'on veut dire
la langue natale castre
la langue est un organe de connaissance
de l'échec de tout poème
castré par sa propre langue
qui est l'organe de la re-création
de la re-connaissance
mais non celui de la résurrection
d'une chose en guise de négation
de mon horizon de maldoror avec son chien
et rien n'est promesse
dans le dicible
qui revient à mentir
(tout ce qu'on peut dire est mensonge)
le reste est silence
sauf que le silence n'existe pas
non
les mots
ne font pas l'amour
ils font l'absence
si je dis eau boirai-je ?
si je dis pain mangerai-je ?



en cette nuit en ce monde
extraordinaire silence que celui de cette nuit
le problème avec l'âme c'est qu'elle ne se voit pas
le problème avec l'esprit c'est qu'il ne se voit pas
d'où vient cette conspiration d'invisibilités ?
aucun mot n'est visible



ombres
enceintes visqueuses où s'occulte
la pierre de la folie
corridors noirs
je les ai tous parcourus
oh reste encore un peu parmi nous !


ma personne est blessée
ma première personne du singulier



j'écris comme celui qui un couteau levé dans l'obscurité
j'écris comme en disant
la sincérité absolue continuerait à être
l'impossible
oh reste encore un peu parmi nous !



les dégradations des mots
déshabitant le palais du langage
la connaissance entre les jambes
qu'as-tu fait du don du sexe ?
oh mes morts
je les ai mangés je me suis étouffée
je n'en peux plus de ne plus pouvoir



mots camouflés
tout glisse
vers la noire liquéfaction



et le chien de maldoror
en cette nuit en ce monde
où tout est possible
hormis
le poème



je parle
sachant qu'il ne s'agit pas de cela
toujours il ne s'agit pas de cela
aujourd'hui aide-moi à écrire le poème le plus dispensable
                   celui qui ne sert pas même
                   à ne servir à rien
aide-moi à écrire des mots
en cette nuit en ce monde




Alejandra Pizarnik

in Textes d'Ombre
(extrait d'un long poème)
trad Etienne Dobenesque
YpSilon.éditeur p 29-32 et suivantes



Derniers écrits d'Alejandra Pizarnik (entre 1970-1972). Recherche désespérée de l'autre par l'écriture. Sortes de dialogues dont Ombre est l'objet ou l'interlocuteur.

"Je veux exister au-delà de moi-même : avec les apparitions.
 Je veux exister comme ce que je suis : une idée fixe. Je veux hurler, non célébrer le silence de l'espace auquel on naît."









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mercredi 13 juin 2018

Quelques poèmes d'Elie B - Céliande


"Naître au monde entre révolte et utopie 

 Écrire. S'écrire. 

 N'être plus qu' horizons et cormorans."

                                                                                                        Elie










J’écoute l'immuable cliquetis sonore de touches inanimées qui berce les silences de mots abandonnés, de ceux laissés pour compte, de lettres esseulées dont les blessures rares à l'étoffe de peau, labours de mémoire, fleuries de mots, de mots tout simples, de mots désargentés, des mots de pauvres gens, où les grandes émotions se fardent de pudeur, leurs nudités appauvrissent les peurs, et éclaboussent de clarté les plus profondes abysses quand trépignent nos cœurs fatigués, fiers et entêtés les ailes déployées tout au bord de l'abîme.   

Un vent frais souffle sur nos vies de labeurs,
un bouquet de lumière à l’arôme de fleurs,
des éclaircies sereines dans ta main de Septembre:
-mets ta main sur mon cœur.
-entends-tu le tambour qui rythme les saisons
faisant jaillir l'aurore d'un jour inanimé,
un pays sous tempête, un lieu désaffecté?

J'habite dans mon corps,
j'ai conquis tout l'espace,
des racines au ciel.
Et dans chaque recoin,
je cherche ta présence
qu'ébranle le silence
qui obscurcit mon ciel
quand l'acide du temps
de ses morsures fauves
réclame ton soleil.

 Mon rêve
 est né
 entre mémoires
 inutiles
 et celles inachevées.

 Elie

le 13 juin 2018

© tous droits réservés







j'ai rêvé d'horizons, d'océans,
de nuits insondables
et de retours
de retour vers les eaux
de retour vers ta peau
et de nuées d'oiseaux
se mirant depuis les hauts plateaux
dans des eaux amniotiques
je suis la déchirure
l'envers du décor,
un cri d'amour
une cicatrice

et lui, lui
se diluant
à l'infini
dans des abysses extatiques...


3 avril 2018



photo du Net



 nuit des rites
 nuit orphique
 d'une éclipse de lumière
 émerge
 la voix du poème
 pour rendre à l'amour
 l'absence de jour





 au delà
 des ciels, des soleils,
 des satellites aveugles
 lourds de chairs
 d'humus et de mers
 dans une orgie de lumière
 en quête d'un nouvel archipel
 le silence s’invente une autre dialectique
 par mille et mille viendra le vent...

 le souffle, son enfant.

 des millions de ciels à venir
 et tout autant de soleils
 prophétisent de nouveaux horizons,,.






 depuis les hautes altitudes
 les sentiments
 puisses-tu être mon ange
 le souffle de l'espace
 l’âme du vent
 redevenir la ligne
 la ligne d'horizon
 et derrière
 -tellement-
 de rêves
 de vagues de lumières
 de mots à l'unisson
 redevenir la ligne
 la ligne de tes mains
 l'encre d'un poème...

 ...

 puisses-tu être mon ange
 le mouvement
 le souffle de l'espace
 l'âme du vent"






Traversée d'errance
de pierre et d'arbres
de migrations d'oiseaux
de plumes et de peau
depuis l'inerte au vivant
depuis le souffle au vent
un cri d'oiseau dans l'éclat
du premier matin
fait écho au silence
mélopée de pierre
traversée d'errance
traversée de vie...

l'infini coule à travers l'arbre










Je me perds en vol de nuit

pour un effluve de romance,

une idée de l'infini et puis une autre

de la France.

En apnée

Ce vertige qui me hante ...

Ciel d'oiseaux
terre d'éther
mer des nues
Pierre solaire
couleur de mousse
Zèbre de quartz
arche de lune
Mémoire...

" Unakite "






photo du Net





cette nuit-là
mots -et-
notes incendiées
à colorer de rêves délavés
l'absence des étoiles

j'entre dans la nuit
-et-
je me veux silence

à toi, à nous,
-mon amour-
à l' aube flamboyante










sous ma peau de cendres
en transparence
la lueur d une étoile
naissante
dans le noir,
l'espoir
je viendrai avec ma révolte,
mon cœur amoureux
tutoyer les anges
et conquérir les dieux.
j'ai poussé comme un arbre
attendu par le ciel...











- où vont les étoiles quand elles meurent ?
- dans les recoins de nos rêves chrysalides; elles sont partout éparpillées comme des pluies en transparence de cendres illuminées...

 il est un parterre d'étoiles
 sur les vertèbres du ciel
 quelques traces d'amour
 sur les parois du monde

 J'aurais voulu ...

 t'écrire un ciel gorgé de lumière,
 un paysage plein et clair
 de sentinelles alanguies,
 de romarin et de bruyère...



 dessiner autour de tes doigts, toi,
 des gouttes d'eau en forme de rêves
 sous tes paupières de cobalt, toi,
 il y a toujours une comète,
 un battement de cœur, toi,
 dans l'urgence d'une tempête...





 au plus noir
 du noir de la nuit
 grandes étoiles,
 sombre beauté
 comme autant
 de soleils habités
 madones lumineuses
 dans le creuset du ciel
 ô compagnes, oracles
 destinées
 naître dans un cri
 écho perpétuel
 tendu vers l'infini
 naitre d'un désir violent
 de bouleversements.
 depuis l'autre
 versant des
 temples ensoleillés
 la chevelure déifiée
 d'une comète mystique
 écrit sa poésie
 en lettres sibylliques...







Où vont-ils ces soleils qui tous les soirs s'effondrent
 leurs longues solitudes habillent l'infini
 où vont-ils ces soleils essoufflés criant leurs espérances
 et s'inclinant toujours dans une lente agonie

 les horizons perdus accueillent le silence
 au cœur de la lumière s'écrit la poésie
 un soleil qui se meurt devient un incendie
 et laisse en souvenir quelques étoiles filantes

 comme un écho d'amour murmuré à la nuit
 les soleils du futur ont un parfum d'enfance
 qui s'en iront mourir au bout de l'infini
 ...





et les hommes perdus
 de leurs plumes d'errances
 jettent au ciel endeuillé
 l'exil des galaxies.
 le cœur en équilibre
 tantôt l'or,
 tantôt la pluie
 disparut un certain soir de décembre
 dans le fracas d'un incendie ...

 le soleil nous fut tendre

 la nuit...une amie





au plus près d'un visage
 des horizons lointains
 ton œil comme un calice
 ourlé de velours noir
 étale, magnifique
 oraison et espoir
 puisqu'une étoile apatride
 dans son ultime ciel
 grignote les nuits sombres
 en chimère de soleils





Face à Face
 parole et silence
 l'être-
l'absence
 l'écrire-
la présence.

 mots épars
 écrire- le souffle
 s'écrire-l'instant
 vision prophétique
 du devenir

 l'être poème
 du dehors au dedans
 réhabiliter le néant
 après le silence
 le firmament

                                                                                     Elie


Textes et photos Elie B - Céliande

(sauf deux photos prises sur le Net)

© Tous droits réservés






lundi 11 juin 2018

Choeurs, album musical











Chœurs est un album musical de Bertrand Cantat, Pascal Humbert, Bernard Falaise et Alexander MacSween publié sur les plates-formes de téléchargement le 21 novembre 2011 et sur support physique le 16 décembre 2011 aux éditions Actes Sud © 2011 Au Carré de l'Hypoténuse

Les 17 chansons composées par le quatuor musical sur les textes du tragique grec Sophocle, traduits par Robert Davreu, constituent les chœurs antiques de la trilogie théâtrale « Des femmes » du metteur en scène libano-québécois Wajdi Mouawad créée en juin 2011. 

Date de sortie : 5 décembre 2011

1 - Dithyrambe au soleil 00:00
2 - Déjanire 3:18
3 - Le Chœur joie 7:23
4- La Puissance de Cypris 10:19
5 - Les Mouillages 12:24
6 - Révélation de l'oracle 15:23
7 - Puisse un vent violent se lever 19:01
8 - La Victoire de Thèbes 23:12
9 - Rien n'est plus redoutable que l'Homme 28:38
10 - Heureux sont ceux qui du malheur 33:30
11 - Eros 35:53
12 - Bury Me Now 37:46
13 - Dionysos 40:46
14 - Elle viendra l'Erinys 44:59
15 - Courir sous la pluie 46:42
16 - Le Chœur des oiseaux 50:05
17 - Les Serviteurs d'Arès 52:25



















Dans Télérama

( par Fabienne Pascaud,, 27/07/2011)

Sans Bertrand Cantat, l'interminable trilogie de Wajdi Mouawad tourne à vide

Le metteur en scène libano-québécois Wajdi Mouawad, qui fut artiste associé du Festival d'Avignon en 2009, y propose, jusqu'à ce lundi soir 25 juillet 2011 une trilogie d'après Sophocle, “Des femmes”. Un spectacle de plus de sept heures tout entier articulé autour d'un chœur réduit à la seule voix rock de Bertrand Cantat… absent d'Avignon afin de ne pas alimenter les polémiques. Le projet en perd son sens.


lire l'article intégral ICI


lire aussi la très belle lettre de Wajdi Mouawad à sa fille ICI


extrait :

Aimée, ma petite chérie

(...) Cet homme, dans l'aujourd'hui dont je te parle, est libre pour avoir purgé sa peine tel que les institutions judiciaires l'ont décidé. Il demeure à jamais celui qui tua, mais il est devenu aussi celui qui fit face à la justice. Il est donc multiple. Dans sa multiplicité, il est mon ami, il est aussi un artiste et parce que son art correspondait le mieux à l'aventure artistique dans laquelle je suis plongé, j'ai choisi de l'inviter à prendre la part la plus humble du spectacle, non pas celle du héros mais celle du choeur, et de faire face à sa vie tant ces trois pièces, si tu les lis, racontent son désastre. L'art est miroir des souffrances et des douleurs. (....)

publiée dans Le Devoir, le 16 avril 2011