jeudi 21 août 2014

Lettre de Georges Brassens à son ami Roger Toussenot

Brassens, TNP 1966


Georges Brassens (22 octobre 1921-  29 octobre 1981) célèbre poète-auteur-compositeur et interprète français, entretint une correspondance fournie avec son ami philosophe Roger Toussenot entre 1946 et 1950. Dans cette lettre intime et amicale, Brassens offre un visage méconnu, dissertant philosophie et poésie : pourquoi ne pas chanter plutôt que raisonner?




Mardi 31 août 1948
Paris, mardi 31 août 1948
Mon cher ami,
Nous avons longuement discuté avec toi ce dernier dimanche. Corne d'Auroch s'obstinait à te vouloir fait pour la philosophie. J'ai gueulé. Je lui ai dit qu'aider un ami à tout abandonner pour suivre la voie de la poésie ne pouvait jamais être une faute. Car un poète est à la fois philosophe, philologue, moraliste, historien, physicien, jardinier et même marchand de maisons. De plus, on ne trouve la quadrature du cercle que par la poésie. Emile a trop réfléchi et inutilement. Moi, je sens que si tu persévères dans tes recherches métaphysiques, tu te perdras dans une forêt. Nom de Dieu, j'insiste ! Sans doute, ta récente définition de l'art est très belle, mais pourquoi ne pas la remplacer par des ailes de moulin ? Il faut que ça bouge, comme sur l'écran. Le reste se fait tout seul. Ce n'est pas à toi d'expliquer les mécanismes ; c'est aux autres de les deviner et de les démonter eux-mêmes. Tu perds ta force et ton temps à faire le travail des imbéciles. Oui, je sais : Bergson est quand même un poète. Et toute la poésie de Valéry est faite d'opérations critiques. Et tu ne le sais que trop, toi. Mais il me semble que tu t'exténues en t'imposant déjà, par goût de la cérébralité, des exigences qui ne tarderont pas à devenir surhumaines. Que veux-tu que cela me fasse, à moi, que tout « fond apparent représente ce que la forme n'a pas pu exprimer » ? Suis-je plus avancé maintenant que tu me l'as fait savoir ? Non, je sais une pensée de plus.
Je ne connais pas un homme de plus (j'espère que tu ne vois pas du paternalisme ou de la prétention pédagogique dans mes propos…). Je suis né pour aimer, pour passer dans la vie comme un étranger et pour être indifférent à ce que l'on me raconte. Rien de toi ne me laisse insensible, mais comme ton cher Gide, comme toi et comme moi-même, je ne t'estime que dans ce que tu pourrais faire. Et j'ai tort de te redire ces choses, de même que tu as tort d'expliquer d'autres choses à d'autres êtres. Tout ce que tu peux me faire comprendre, je l'ai déjà entendu dans un concert. Montre-nous des gens qui marchent, qui s'aiment, qui font des choses charmantes et bêtes comme la vie, des moulins qui tournent… Sers-toi de l'absurde comme d'un bloc de marbre. Crée des images. Elles contiennent toutes les pensées, tous les axiomes possibles, tous les aphorismes. Bien sûr, tu me diras qu'un aphorisme est une image intérieure, et je le conçois fort bien. Mais 200 aphorismes font un traité de philosophie ou un livre de haute morale. Même Gide est un moraliste. Il énonce des idées, des justifications, il transforme la notion de plaisir en une notion de devoir ; il se croit obligé (noblesse oblige) de critiquer, de comparer, de créer des critères. Or, je l'aime mieux quand il s'agenouille au hasard et ne cherche plus Dieu, se disant que Dieu est partout. Rimbaud nous bouleverse plus qu'André Breton. Pourquoi ? Parce qu'il chante et n'apprend rien à personne. Si révélation il y a dans sa poésie, il ne s'en préoccupe pas d'une façon dialecticienne. Tu disais toi-même : « Les fruits nous consolent et les idées nous désespèrent. » Alors, nous sommes d'accord ? Excuse-moi, mon vieux, de te donner des conseils.
C'est Bonafé et les études littéraires et grammaticales qui remontent comme un mets que l'on a mal digéré. Tes erreurs sont certainement fructueuses. Nous raisonnons trop. Et moi je raisonne quand je te reproche de raisonner. Nous sommes des enfants pour qui le monde entier est un école. Mais nous sommes encore trop studieux. Il faudrait pouvoir crier avec Rimbaud: « Oh là là ! que d'amours splendides j'ai rêvées ! » Dans tous nos gestes et dans chacune de nos pensées, tu occupes la plus grande place, la seule possible. Nous t'embrassons.
Georges

mercredi 20 août 2014

Chansons éphémères, poèmes de Jean-Louis Garac

http://espacecreationjeanlouis.blogspot.fr/search/label/POESIE%20JEAN%20LOUIS%20GARAC

Je vous invite à visiter ce blog fait de musique, de poésie, d'Art, d'articles riches et passionnants...


Photo JL Garac

En rythme lent, des pas s'effacent sous l'écume.
La mer dentelle va, douce sonorité,
Polir des granits noirs...Lassant l'éternité,
Un sablier d'espoirs s'écoule dans ses brumes.
Toi, tu es passé là, un jour d'un bel été,
Entre le monde et son aveugle immensité.

Vivre aura pris le goût d'une étrange amertume,
Mille masques brillants nous tourneront autour!
Mais que restera-t'il, une fois que le jour
Révèlera le vide où nos corps se consument?
Tout perdra sens et vie; nous mêmes à rebours
Disparaîtrons, d'aimer sans trouver notre amour...

Le soleil est demain ce que mon coeur veut vivre!
Sur une autre journée m'appuyer par passion
Et toucher à ces mots, notes et partitions
Qui jouent de liberté et portent dans leurs livres
La mort de la douleur, la fin des illusions,
Et pour tout l'impossible : la renonciation.


Photo JL Garac

mardi 19 août 2014

Cantique des Cantiques












Le Cantique des Cantiques

 Le Cantique des Cantiques, dit aussi Cantique de Salomon ou Chant de Salomon, est un livre de la Bible. Son titre en hébreu est שיר השירים, Chir ha-chirim.

Illustration du 1er verset


1:1 Cantique des cantiques, de Salomon.
1:2 Qu'il me baise des baisers de sa bouche!
Car ton amour vaut mieux que le vin,
1:3 Tes parfums ont une odeur suave;
Ton nom est un parfum qui se répand;
C'est pourquoi les jeunes filles t'aiment.
1:4 Entraîne-moi après toi!
Nous courrons!
Le roi m'introduit dans ses appartements...
Nous nous égaierons, nous nous réjouirons à cause de toi;
Nous célébrerons ton amour plus que le vin.
C'est avec raison que l'on t'aime.
1:5 Je suis noire, mais je suis belle, filles de Jérusalem,
Comme les tentes de Kédar, comme les pavillons de Salomon.
1:6 Ne prenez pas garde à mon teint noir:
C'est le soleil qui m'a brûlée.
Les fils de ma mère se sont irrités contre moi,
Ils m'ont faite gardienne des vignes.
Ma vigne, à moi, je ne l'ai pas gardée.
1:7 Dis-moi, ô toi que mon cœur aime,
Où tu fais paître tes brebis,
Où tu les fais reposer à midi;
Car pourquoi serais-je comme une égarée
Près des troupeaux de tes compagnons?
1:8 Si tu ne le sais pas, ô la plus belle des femmes,
Sors sur les traces des brebis,
Et fais paître tes chevreaux
Près des demeures des bergers.
1:9 A ma jument qu'on attelle aux chars de Pharaon
Je te compare, ô mon amie.
1:10 Tes joues sont belles au milieu des colliers,
Ton cou est beau au milieu des rangées de perles.
1:11 Nous te ferons des colliers d'or,
Avec des points d'argent.
1:12 Tandis que le roi est dans son entourage,
Mon nard exhale son parfum.
1:13 Mon bien-aimé est pour moi un bouquet de myrrhe,
Qui repose entre mes seins.
1:14 Mon bien-aimé est pour moi une grappe de troëne
Des vignes d'En-Guédi.
1:15 Que tu es belle, mon amie, que tu es belle!
Tes yeux sont des colombes.
1:16 Que tu es beau, mon bien-aimé, que tu es aimable!
Notre lit, c'est la verdure.
1:17 Les solives de nos maisons sont des cèdres,
Nos lambris sont des cyprès.
2:1 Je suis un narcisse de Saron,
Un lis des vallées.
2:2 Comme un lis au milieu des épines,
Telle est mon amie parmi les jeunes filles.
2:3 Comme un pommier au milieu des arbres de la forêt,
Tel est mon bien-aimé parmi les jeunes hommes.
J'ai désiré m'asseoir à son ombre,
Et son fruit est doux à mon palais.
2:4 Il m'a fait entrer dans la maison du vin;
Et la bannière qu'il déploie sur moi, c'est l'amour.
2:5 Soutenez-moi avec des gâteaux de raisins,
Fortifiez-moi avec des pommes;
Car je suis malade d'amour.
2:6 Que sa main gauche soit sous ma tête,
Et que sa droite m'embrasse!
2:7 Je vous en conjure, filles de Jérusalem,
Par les gazelles et les biches des champs,
Ne réveillez pas, ne réveillez pas l'amour,
Avant qu'elle le veuille.
2:8 C'est la voix de mon bien-aimé!
Le voici, il vient,
Sautant sur les montagnes,
Bondissant sur les collines.
2:9 Mon bien-aimé est semblable à la gazelle
Ou au faon des biches.
Le voici, il est derrière notre mur,
Il regarde par la fenêtre,
Il regarde par le treillis.
2:10 Mon bien-aimé parle et me dit:
Lève-toi, mon amie, ma belle, et viens!
2:11 Car voici, l'hiver est passé;
La pluie a cessé, elle s'en est allée.
2:12 Les fleurs paraissent sur la terre,
Le temps de chanter est arrivé,
Et la voix de la tourterelle se fait entendre dans nos campagnes.
2:13 Le figuier embaume ses fruits,
Et les vignes en fleur exhalent leur parfum.
Lève-toi, mon amie, ma belle, et viens!
2:14 Ma colombe, qui te tiens dans les fentes du rocher,
Qui te caches dans les parois escarpées,
Fais-moi voir ta figure,
Fais-moi entendre ta voix;
Car ta voix est douce, et ta figure est agréable.
2:15 Prenez-nous les renards,
Les petits renards qui ravagent les vignes;
Car nos vignes sont en fleur.
2:16 Mon bien-aimé est à moi, et je suis à lui;
Il fait paître son troupeau parmi les lis.
2:17 Avant que le jour se rafraîchisse,
Et que les ombres fuient,
Reviens!... sois semblable, mon bien-aimé,
A la gazelle ou au faon des biches,
Sur les montagnes qui nous séparent.
3:1 Sur ma couche, pendant les nuits,
J'ai cherché celui que mon cœur aime;
Je l'ai cherché, et je ne l'ai point trouvé...
3:2 Je me lèverai, et je ferai le tour de la ville,
Dans les rues et sur les places;
Je chercherai celui que mon cœur aime...
Je l'ai cherché, et je ne l'ai point trouvé.
3:3 Les gardes qui font la ronde dans la ville m'ont rencontrée:
Avez-vous vu celui que mon cœur aime?
3:4 A peine les avais-je passés,
Que j'ai trouvé celui que mon cœur aime;
Je l'ai saisi, et je ne l'ai point lâché
Jusqu'à ce que je l'aie amené dans la maison de ma mère,
Dans la chambre de celle qui m'a conçue.
3:5 Je vous en conjure, filles de Jérusalem,
Par les gazelles et les biches des champs,
Ne réveillez pas, ne réveillez pas l'amour,
Avant qu'elle le veuille.
3:6 Qui est celle qui monte du désert,
Comme des colonnes de fumée,
Au milieu des vapeurs de myrrhe et d'encens
Et de tous les aromates des marchands?
3:7 Voici la litière de Salomon,
Et autour d'elle soixante vaillants hommes,
Des plus vaillants d'Israël.
3:8 Tous sont armés de l'épée,
Sont exercés au combat;
Chacun porte l'épée sur sa hanche,
En vue des alarmes nocturnes.
3:9 Le roi Salomon s'est fait une litière
De bois du Liban.
3:10 Il en a fait les colonnes d'argent,
Le dossier d'or,
Le siège de pourpre;
Au milieu est une broderie, œuvre d'amour
Des filles de Jérusalem.
3:11 Sortez, filles de Sion, regardez
Le roi Salomon,
Avec la couronne dont sa mère l'a couronné
Le jour de ses fiançailles,
Le jour de la joie de son cœur.
4:1 Que tu es belle, mon amie, que tu es belle!
Tes yeux sont des colombes,
Derrière ton voile.
Tes cheveux sont comme un troupeau de chèvres,
Suspendues aux flancs de la montagne de Galaad.
4:2 Tes dents sont comme un troupeau de brebis tondues,
Qui remontent de l'abreuvoir;
Toutes portent des jumeaux,
Aucune d'elles n'est stérile.
4:3 Tes lèvres sont comme un fil cramoisi,
Et ta bouche est charmante;
Ta joue est comme une moitié de grenade,
Derrière ton voile.
4:4 Ton cou est comme la tour de David,
Bâtie pour être un arsenal;
Mille boucliers y sont suspendus,
Tous les boucliers des héros.
4:5 Tes deux seins sont comme deux faons,
Comme les jumeaux d'une gazelle,
Qui paissent au milieu des lis.
4:6 Avant que le jour se rafraîchisse,
Et que les ombres fuient,
J'irai à la montagne de la myrrhe
Et à la colline de l'encens.
4:7 Tu es toute belle, mon amie,
Et il n'y a point en toi de défaut.
4:8 Viens avec moi du Liban, ma fiancée,
Viens avec moi du Liban!
Regarde du sommet de l'Amana,
Du sommet du Senir et de l'Hermon,
Des tanières des lions,
Des montagnes des léopards.
4:9 Tu me ravis le cœur, ma sœur, ma fiancée,
Tu me ravis le cœur par l'un de tes regards,
Par l'un des colliers de ton cou.
4:10 Que de charmes dans ton amour, ma sœur, ma fiancée!
Comme ton amour vaut mieux que le vin,
Et combien tes parfums sont plus suaves que tous les aromates!
4:11 Tes lèvres distillent le miel, ma fiancée;
Il y a sous ta langue du miel et du lait,
Et l'odeur de tes vêtements est comme l'odeur du Liban.
4:12 Tu es un jardin fermé, ma sœur, ma fiancée,
Une source fermée, une fontaine scellée.
4:13 Tes jets forment un jardin, où sont des grenadiers,
Avec les fruits les plus excellents,
Les troënes avec le nard;
4:14 Le nard et le safran, le roseau aromatique et le cinnamome,
Avec tous les arbres qui donnent l'encens;
La myrrhe et l'aloès,
Avec tous les principaux aromates;
4:15 Une fontaine des jardins,
Une source d'eaux vives,
Des ruisseaux du Liban.
4:16 Lève-toi, aquilon! viens, autan!
Soufflez sur mon jardin, et que les parfums s'en exhalent!
Que mon bien-aimé entre dans son jardin,
Et qu'il mange de ses fruits excellents!
5:1 J'entre dans mon jardin, ma sœur, ma fiancée;
Je cueille ma myrrhe avec mes aromates,
Je mange mon rayon de miel avec mon miel,
Je bois mon vin avec mon lait...
Mangez, amis, buvez, enivrez-vous d'amour!
5:2 J'étais endormie, mais mon cœur veillait...
C'est la voix de mon bien-aimé, qui frappe:
Ouvre-moi, ma sœur, mon amie,
Ma colombe, ma parfaite!
Car ma tête est couverte de rosée,
Mes boucles sont pleines des gouttes de la nuit.
5:3 J'ai ôté ma tunique; comment la remettrais-je?
J'ai lavé mes pieds; comment les salirais-je?
5:4 Mon bien-aimé a passé la main par la fenêtre,
Et mes entrailles se sont émues pour lui.
5:5 Je me suis levée pour ouvrir à mon bien-aimé;
Et de mes mains a dégoutté la myrrhe,
De mes doigts, la myrrhe répandue
Sur la poignée du verrou.
5:6 J'ai ouvert à mon bien-aimé;
Mais mon bien-aimé s'en était allé, il avait disparu.
J'étais hors de moi, quand il me parlait.
Je l'ai cherché, et je ne l'ai point trouvé;
Je l'ai appelé, et il ne m'a point répondu.
5:7 Les gardes qui font la ronde dans la ville m'ont rencontrée;
Ils m'ont frappée, ils m'ont blessée;
Ils m'ont enlevé mon voile, les gardes des murs.
5:8 Je vous en conjure, filles de Jérusalem,
Si vous trouvez mon bien-aimé,
Que lui direz-vous?...
Que je suis malade d'amour.
5:9 Qu'a ton bien-aimé de plus qu'un autre,
O la plus belle des femmes?
Qu'a ton bien-aimé de plus qu'un autre,
Pour que tu nous conjures ainsi?
5:10 Mon bien-aimé est blanc et vermeil;
Il se distingue entre dix mille.
5:11 Sa tête est de l'or pur;
Ses boucles sont flottantes,
Noires comme le corbeau.
5:12 Ses yeux sont comme des colombes au bord des ruisseaux,
Se baignant dans le lait,
Reposant au sein de l'abondance.
5:13 Ses joues sont comme un parterre d'aromates,
Une couche de plantes odorantes;
Ses lèvres sont des lis,
D'où découle la myrrhe.
5:14 Ses mains sont des anneaux d'or,
Garnis de chrysolithes;
Son corps est de l'ivoire poli,
Couvert de saphirs;
5:15 Ses jambes sont des colonnes de marbre blanc,
Posées sur des bases d'or pur.
Son aspect est comme le Liban,
Distingué comme les cèdres.
5:16 Son palais n'est que douceur,
Et toute sa personne est pleine de charme.
Tel est mon bien-aimé, tel est mon ami,
Filles de Jérusalem!
6:1 Où est allé ton bien-aimé,
O la plus belle des femmes?
De quel côté ton bien-aimé s'est-il dirigé?
Nous le chercherons avec toi.
6:2 Mon bien-aimé est descendu à son jardin,
Au parterre d'aromates,
Pour faire paître son troupeau dans les jardins,
Et pour cueillir des lis.
6:3 Je suis à mon bien-aimé, et mon bien-aimé est à moi;
Il fait paître son troupeau parmi les lis.
6:4 Tu es belle, mon amie, comme Thirtsa,
Agréable comme Jérusalem,
Mais terrible comme des troupes sous leurs bannières.
6:5 Détourne de moi tes yeux, car ils me troublent.
Tes cheveux sont comme un troupeau de chèvres,
Suspendues aux flancs de Galaad.
6:6 Tes dents sont comme un troupeau de brebis,
Qui remontent de l'abreuvoir;
Toutes portent des jumeaux,
Aucune d'elles n'est stérile.
6:7 Ta joue est comme une moitié de grenade,
Derrière ton voile...
6:8 Il y a soixante reines, quatre-vingts concubines,
Et des jeunes filles sans nombre.
6:9 Une seule est ma colombe, ma parfaite;
Elle est l'unique de sa mère,
La préférée de celle qui lui donna le jour.
Les jeunes filles la voient, et la disent heureuse;
Les reines et les concubines aussi, et elles la louent.
6:10 Qui est celle qui apparaît comme l'aurore,
Belle comme la lune, pure comme le soleil,
Mais terrible comme des troupes sous leurs bannières?
6:11 Je suis descendue au jardin des noyers,
Pour voir la verdure de la vallée,
Pour voir si la vigne pousse,
Si les grenadiers fleurissent.
6:12 Je ne sais, mais mon désir m'a rendue semblable
Aux chars de mon noble peuple.
7:1 Reviens, reviens, Sulamithe!
Reviens, reviens, afin que nous te regardions.
Qu'avez-vous à regarder la Sulamithe
Comme une danse de deux chœurs?
7:2 Que tes pieds sont beaux dans ta chaussure, fille de prince!
Les contours de ta hanche sont comme des colliers,
Œuvre des mains d'un artiste.
7:3 Ton sein est une coupe arrondie,
Où le vin parfumé ne manque pas;
Ton corps est un tas de froment,
Entouré de lis.
7:4 Tes deux seins sont comme deux faons,
Comme les jumeaux d'une gazelle.
7:5 Ton cou est comme une tour d'ivoire;
Tes yeux sont comme les étangs de Hesbon,
Près de la porte de Bath-Rabbim;
Ton nez est comme la tour du Liban,
Qui regarde du côté de Damas.
7:6 Ta tête est élevée comme le Carmel,
Et les cheveux de ta tête sont comme la pourpre;
Un roi est enchaîné par des boucles!...
7:7 Que tu es belle, que tu es agréable,
O mon amour, au milieu des délices!
7:8 Ta taille ressemble au palmier,
Et tes seins à des grappes.
7:9 Je me dis: Je monterai sur le palmier,
J'en saisirai les rameaux!
Que tes seins soient comme les grappes de la vigne,
Le parfum de ton souffle comme celui des pommes,
7:10 Et ta bouche comme un vin excellent,...
Qui coule aisément pour mon bien-aimé,
Et glisse sur les lèvres de ceux qui s'endorment!
7:11 Je suis à mon bien-aimé,
Et ses désirs se portent vers moi.
7:12 Viens, mon bien-aimé, sortons dans les champs,
Demeurons dans les villages!
7:13 Dès le matin nous irons aux vignes,
Nous verrons si la vigne pousse, si la fleur s'ouvre,
Si les grenadiers fleurissent.
Là je te donnerai mon amour.
7:14 Les mandragores répandent leur parfum,
Et nous avons à nos portes tous les meilleurs fruits,
Nouveaux et anciens:
Mon bien-aimé, je les ai gardés pour toi.
8:1 Oh! que n'es-tu mon frère,
Allaité des mamelles de ma mère!
Je te rencontrerais dehors, je t'embrasserais,
Et l'on ne me mépriserait pas.
8:2 Je veux te conduire, t'amener à la maison de ma mère;
Tu me donneras tes instructions,
Et je te ferai boire du vin parfumé,
Du moût de mes grenades.
8:3 Que sa main gauche soit sous ma tête,
Et que sa droite m'embrasse!
8:4 Je vous en conjure, filles de Jérusalem,
Ne réveillez pas, ne réveillez pas l'amour,
Avant qu'elle le veuille.
8:5 Qui est celle qui monte du désert,
Appuyée sur son bien-aimé?
Je t'ai réveillée sous le pommier;
Là ta mère t'a enfantée,
C'est là qu'elle t'a enfantée, qu'elle t'a donné le jour.
8:6 Mets-moi comme un sceau sur ton cœur,
Comme un sceau sur ton bras;
Car l'amour est fort comme la mort,
La jalousie est inflexible comme le séjour des morts;
Ses ardeurs sont des ardeurs de feu,
Une flamme de l'Eternel.
8:7 Les grandes eaux ne peuvent éteindre l'amour,
Et les fleuves ne le submergeraient pas;
Quand un homme offrirait tous les biens de sa maison contre l'amour,
Il ne s'attirerait que le mépris.
8:8 Nous avons une petite sœur,
Qui n'a point encore de mamelles;
Que ferons-nous de notre sœur,
Le jour où on la recherchera?
8:9 Si elle est un mur,
Nous bâtirons sur elle des créneaux d'argent;
Si elle est une porte,
Nous la fermerons avec une planche de cèdre.
8:10 Je suis un mur,
Et mes seins sont comme des tours;
J'ai été à ses yeux comme celle qui trouve la paix.
8:11 Salomon avait une vigne à Baal-Hamon;
Il remit la vigne à des gardiens;
Chacun apportait pour son fruit mille sicles d'argent.
8:12 Ma vigne, qui est à moi, je la garde.
A toi, Salomon, les mille sicles,
Et deux cents à ceux qui gardent le fruit!
8:13 Habitante des jardins!
Des amis prêtent l'oreille à ta voix.
Daigne me la faire entendre!
8:14 Fuis, mon bien-aimé!
Sois semblable à la gazelle ou au faon des biches,
Sur les montagnes des aromates!

lundi 18 août 2014

dimanche 17 août 2014

Le bonheur du jour ( Hélène Cadou )

Dors mon enfant paré de lys et de silence
Dors sur le grand vaisseau qui traverse le temps
La nuit est douce

Les réverbères sur la ville
Versent des larmes comme une rosée
Dans la brume des quais je ne vais pas me perdre
Je rentre sous la lampe avec ton souvenir
Plus calme qu'un goéland
Dors mon petit enfant

Je ne sais plus dormir
Mais au bord de la nuit comme on cueille des fleurs
Je cherche des rêves pour te les offrir

Dors toi qui connus le malheur de vivre
Dors
Et qu'un rayon de lune te console et te suive
Au-delà des marées.

Hélène Cadou
in, Le bonheur du jour
suivi de Cantates des nuits intérieures
éd. Bruno Doucey p 55



crédit photo F.Ruban
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