vendredi 14 octobre 2016

En Grèce, la revanche des rêves, avec Angélique Ionatos, concert (13 juin 2012)

Concert au Théâtre de la ville (13 juin 2012)







Revoir le concert : En Grèce, la revanche des... par Mediapart




Angélique Ionatos sur France Culture, A voix nue












"Que serait devenue Angélique Ionatos si la dictature des colonels n’avait poussé sa famille à l’exil, si elle n’avait trouvé sa voie dans la chanson, si le public français ne l’avait accueillie, elle qui est bien davantage connue en France qu’en Grèce ?"


Par Stéphane Manchematin. Réalisation : Doria Zenine. Prise de son : Etienne Leroy. Attachée de production : Claire Poinsignon.

5 émissions de 30'

       - Fille de la mer
       - Chansons nomades
       - J'ouvre la bouche et exulte la haute mer
       - Grecque me fut donnée ma langue
       - Belle mais étrange patrie


"Fille de marin, Angélique Ionatos est née à Athènes en 1954. Elle a quinze ans, en 1969, lorsqu’avec ses parents, elle quitte la Grèce pour fuir la dictature des colonels. La famille pose dans un premier temps les valises en Belgique, avant de s’installer en France. Angélique Ionatos y apprend « la langue de l’exil ».

Au début des années 70, elle enregistre, en duo avec son frère Photis, un premier album en français : Résurrection, couronné par le prix de l'Académie Charles-Cros.

Dotée d’une allure de déesse grecque et d’une voix grave de contralto, solaire et envoûtante, âpre et sensuelle, Angélique Ionatos entame alors une carrière solo qui la voit, petit à petit, s’imposer comme auteur, compositeur et guitariste. Très vite, elle fait le choix de revenir à la langue grecque. Puisant son inspiration au cœur de la culture traditionnelle grecque, elle commence à chanter les poètes, grecs notamment. C'est par la mise en musique des poèmes du prix Nobel de littérature1979, Odysseas Elytis, qu’elle s’impose définitivement tant auprès du public que de la critique.

Mais Angélique Ionatos a également chanté la poétesse Sappho de l’île de Mytilène, les poètes grecs contemporains mais aussi Pablo Neruda ou Frida Khalo dont elle a mis en musique des extraits du journal intime. Tout au long de ce parcours, elle a recherché des collaborations fructueuses avec des musiciens de toutes origines. Si la magie opère à tous les coups, à chaque nouvel album (une vingtaine à ce jour), c’est autant pour la qualité de la musique et des interprétations que pour la voix.

Angélique Ionatos a publié en 2015, Le soleil sait, une anthologie de poèmes d’Odysseas Elytis qu’elle a traduits en français.






Angélique Ionatos le site




jeudi 13 octobre 2016

Maram Al Masri, grande poète


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Maram Al Masri

Née à Lattaquié en Syrie, Maram al-Masri ((مرام المصري) est une poétesse "Franco-Syrienne" (comme elle l'indique sur sa carte de visite).
Elle s’est installée à Paris en 1982 après des études en littérature anglaise à Damas


Corps de femme

Fragile avec lequel s’affrontent l’eau et le vent
Chaque soir,
Les oiseaux et les ours rêvent de mains caressantes,
Les chats s’étendent pour lécher leur fourrure
Sans se préoccuper des yeux que Dieu disperse au plafond et sur les murs,
Ni se préoccuper des bavardages,
Ni des juges, ni des prisons de l’amour,
Ni des mandibules des mites qui dévorent les vêtements du désir,
Se satisfaisant de leur être,
Dans la quiétude de leur corps,
Ils respirent avec jouissance le matin.


(Traductions François Durazzo)
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Le temps

Chimère ressentie par la peau, palpable sous les os,
Il jaunit, il blanchit, parfois il noircit,
C’est le temps,
Le même qui traverse
Les arbres et les monts
Les eaux, le vent
Les rêves et les mots,
Laissant derrière lui les traces de son passage
Comme une amante qui veut dénoncer son amant,
Les papiers fragiles des photos et des lettres,
Les rides, le rhumatisme et les souvenirs dévorés
Mangés par le scorpion de ses aiguilles affamées.


(Traduction Françoise Durazzo)
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Extrait de Par la fontaine de ma bouche

Ma bouche
est chanson d’Ishtar
et contes de Shéhérazade
ma bouche
est le gémissement silencieux d’une plainte
ma bouche
est une fontaine coulant de plaisir
le cantique
du cœur
et de la chair

(Bruno Doucey édition)


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Ma bouche

Ma bouche
pleine de parole gelées
est une prison
de tempêtes retenues
ma bouche
est chanson d’Ishtar
et contes de Shéhérazade
ma bouche
est le gémissement silencieux d’une plainte
ma bouche est une fontaine coulant de plaisir
le cantique
du coeur
et de la chair

Maram al-Masri (Par la fontaine de ma bouche – Edition Bruno Doucey)
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Sur le site poesiemusiketc

D'autres poèmes sur le
Blog de Maram Al Masri

Michel Baglin, revue Texture, bel article sur deux recueils

"Maram al-Masri : Du corps à corps sensuel à la solidarité

(lectures de Par la fontaine de ma bouche & La robe froissée)"

Sur Wikipedia    sa biographie et ses principales oeuvres

Sur Le Printemps des poètes   :

Biographie

Maram al-Masri est née à Lattaquié, en Syrie, en 1962. Après des études de littérature anglaise à Damas, où le recueil Je te menace d’une colombe blanche paraît en 1984, elle quitte sa terre natale et s’installe à Paris où elle connaîtra une situation difficile. En 1987, son second recueil, Cerise rouge sur une carrelage blanc, est publié à Tunis par les Éditions de L’Or du Temps. La poésie de Maram al-Masri est alors saluée par la critique des pays arabes puis traduite dans de nombreuses langues : en allemand, anglais, italien, espagnol, serbe, corse ou turc. En 2003, les Éditions PHI font paraître une traduction française de ce second recueil préfacé par Lionel Ray. Quatre ans plus tard, les Éditions Al Manar sortent Je te regarde, recueil initialement publié à Beyrouth, qui obtient le prix de poésie de la SGDL que Maram al-Masri partage avec Bruno Doucey. Je te menace d’une colombe blanche, traduit de l’arabe par François-Michel Durazzo, est aujourd’hui édité pour la première fois en français.



Bibliographie

Recueils

La robe froissée, éditions Bruno Doucey, 2012
Par la fontaine de ma bouche, traduit de l’arabe par l’auteure en collaboration avec Bruno Doucey, éd. Bruno Doucey, 2011.
Les Ames aux pieds nus, traduit de l’arabe par l’auteure, éd. Le Temps des cerises, 2009
Habitante de la Terre, Sous la lime, 2009
Je te menace d'une colombe blanche Seghers, 2008
Je te regarde Al Manar, 2007
Cerise rouge sur un carrelage blanc, traduit de l’arabe par François-Michel Durazzo en collaboration avec l’auteure, éd. Phi, 2003

DVD
La poétesse aux pieds nus Génération vidéo, 2012, label Sélection Printemps des Poètes

Anthologie
Femmes poètes du monde arabe, anthologie établie par Maram Al-Masri, éd. Le Temps des cerises, 2012









mercredi 12 octobre 2016

Lettre de Victor Hugo au ministre de l'intérieur anglais, Lord Palmerston (1872)


VictorHugoLordPalmerston





(Victor Hugo vient d'assister à une pendaison)


11 février 1854

Dès le point du jour une multitude immense fourmillait aux abords de la geôle. Un jardin était attenant à la prison. On y avait dressé l’échafaud. Une brèche avait été faite au mur pour que le condamné passât. A huit heures du matin, la foule encombrant les rues voisines, deux cents spectateurs « privilégiés » étant dans le jardin, l’homme a paru à la brèche. Il avait le front haut et le pas ferme ; il était pâle ; le cercle rouge de l’insomnie entourait ses yeux. Le mois qui venait de s’écouler venait de le vieillir de vingt années. Cet homme de trente ans en paraissait cinquante. « Un bonnet de coton blanc profondément enfoncé sur la tête et relevé sur le front, – dit un témoin oculaire, – vêtu de la redingote brune qu ‘il portait aux débats, et chaussé de vieilles pantoufles », il a fait le tour d’une partie du jardin dans une allée exprès. Les bordiers, le shérif, le lieutenant-shérif, le procureur de la reine, le greffier et le sergent de la reine l’entouraient. Il avait les mains liées ; mal, comme vous allez voir. Pourtant, selon l’usage anglais, pendant que les mains étaient croisées par les liens sur la poitrine, une corde rattachait les coudes derrière le dos. Il marchait l’œil fixé sur le gibet. Tout en marchant il disait à voix haute : Ah mes pauvres enfants ! A côté de lui, le chapelain Bouwerie, qui avait refusé de signer la demande en grâce, pleurait.

L’allée sablée menait à l’échelle. Le nœud pendait. Tapner a monté. Le bourreau d’en bas tremblait ; les bourreaux d’en bas sont quelquefois émus. Tapner s’est mis lui-même sous le nœud coulant et y a passé son cou, et, comme il avait les mains peu attachées, voyant que le bourreau, tout égaré, s’y prenait mal, il l’a aidé. Puis, « comme s’il pressentait ce qui allait suivre, » – dit le même témoin, – il a dit : «  Liez-moi donc mieux les mains.- C’est inutile, a répondu le bourreau. » Tapner étant ainsi debout dans le nœud coulant, les pieds sur la trappe, le bourreau a rabattu le bonnet sur son visage, et l’on a plus vu de cette face pâle qu’une bouche qui priait. La trappe, prête à s’ouvrir sous lui, avait environ deux pieds carrés. Après quelques secondes, le temps de se retourner, l’homme des « hautes œuvres » a pressé le ressort de la trappe. Un trou s’est fait sous le condamné, il y est tombé brusquement, la corde s’est tendue, le corps a tourné, on a cru l’homme mort. « On pensa, dit le témoin, que Tapner avait été tué raide par la rupture de la moelle épinière. » Il était tombé de quatre pieds de haut, et de tout son poids, et c’était un homme de haute taille ; et le témoin ajoute : « Ce soulagement des cœurs oppressés ne dura pas deux minutes. »

Tout à coup, l’homme, pas encore cadavre et déjà spectre, a remué ; les jambes se sont élevées et abaissées l’une après l’autre comme si elles essayaient de monter des marches dans le vide, ce qu’on entrevoyait de la face est devenu horrible, les mains, presque déliées, s’éloignaient et se rapprochaient « comme pour demander assistance, » dit le témoin. Le lien des coudes s’était rompu à la secousse de la chute. Dans ces convulsions, la corde s’est mise à osciller, les coudes du misérable ont heurté le bord de la trappe, les mains s’y sont cramponnées, le genou droit s’y est appuyé, le corps s’est soulevé, et le pendu s’est penché sur la foule. Il est retombé, puis a recommencé. Deux fois, dit le témoin. La seconde fois il s’est dressé à un pied de hauteur ; la corde a été à un moment lâche. Puis il a relevé son bonnet et la foule a vu ce visage. Cela durait trop, à ce qu’il paraît. Il a fallu finir. Le bourreau, qui était descendu, est remonté, et a fait, je cite toujours le témoin oculaire, « lâcher prise au patient. » La corde avait dévié ; elle était sous le menton ; le bourreau l’a remise sous l’oreille : après quoi il a « pressé les épaules. » Le bourreau et le spectre ont lutté un moment ; le bourreau a vaincu. Puis cet infortuné, condamné lui-même, s’est précipité dans le trou où pendait Tapner, lui a étreint les deux genoux et s’est suspendu à ses pieds. La corde s’est balancée à un moment, portant le patient et le bourreau, le crime et la loi. Enfin, le bourreau a lui-même « lâché prise. » C’était fait. L’homme était mort.

Vous le voyez, monsieur, les choses se sont bien passées. Cela a été complet. Si c’est un cri d’horreur qu ‘on a voulu, on l’a.

La ville étant bâtie en amphithéâtre, on voyait cela de toutes les fenêtres. Les regards plongeaient dans le jardin.

La foule criait : shame ! shame ! shame ! Des femmes sont tombées évanouies. Pendant ce temps-là, Fouquet, le gracié de 1851, se repent. Le bourreau a fait de Tapner un cadavre ; la clémence a refait de Fouquet un homme. Dernier détail. Entre le moment où Tapner est tombé dans le trou de la trappe et l’instant où le bourreau, ne sentant plus de frémissement, lui a lâché les pieds, il s’est écoulé douze minutes. Douze minutes ! Qu’on calcule combien cela fait de temps, si quelqu’un sait à quelle horloge se comptent les minutes de l’agonie !

Voilà donc, monsieur, de quelle façon Tapner est mort. Cette exécution a coûté cinquante mille francs. C’est un beau luxe. Quelques amis de la peine de mort disent qu’on aurait pu avoir cette strangulation pour « vingt-cinq livres sterling ». Pourquoi lésiner ? Cinquante mille francs ! quand on y pense, ce n’est pas trop cher ; il y a beaucoup de détails dans cette chose-là.

On voit l’hiver, à Londres, dans de certains quartiers, des groupes d’êtres pelotonnés dans les angles des rues, au coin de portes, passant ainsi les jours et les nuits, mouillés, affamés, glacés, sans abri, sans vêtements et sans chaussures, sous le givre et sous la pluie. Ces êtres sont des vieillards, des enfants et des femmes ; presque tous irlandais ; comme vous, monsieur. Contre l’hiver ils ont la rue, contre la neige ils ont la nudité, contre la faim ils ont le tas d’ordures voisin. C’est sur ces indigences-là que le budget prélève les cinquante mille francs donnés au bourreau Rooks. Avec ces cinquante mille francs, on ferait vivre pendant un an cent de ces familles. Il vaut mieux tuer un homme.

Ceux qui croient que le bourreau Rooks a commis quelque maladresse paraissent être dans l’erreur. L’exécution de Tapner n’a rien que de simple. C’est ainsi que cela doit se passer. Un nommé Tawel a été pendu récemment par le bourreau de Londres, qu’une relation que j’ai sous les yeux qualifie ainsi : «  Le maître des exécuteurs, celui qui s’est acquis une célébrité sans rivale dans sa peu enviable profession. » Eh bien, ce qui est arrivé à Tapner était arrivé à Tawel.

On aurait tort de dire qu’aucune précaution n’avait été prise pour Tapner. Le jeudi 9, quelques zélés de la peine capitale avaient visité la potence déjà toute prête dans le jardin. S’y connaissant, ils avaient remarqué que « la corde était grosse comme le pouce et le nœud coulant gros comme le poing ». Avis avait été donné au procureur royal, lequel avait fait remplacer la grosse corde par une corde fine. De quoi se plaindrait-on ?

Tapner est resté une heure au gibet. L’heure écoulée, on l’a détaché ; et le soir, à huit heures, on l’a enterré dans le cimetière dit des étrangers, à côté du supplicié de 1830, Béasse.

Il y a encore un autre être condamné. C’est la femme de Tapner. Elle s’est évanouie, deux fois en lui disant adieu ; le second évanouissement a duré une demi-heure ; on l’a crue morte.

Voilà, monsieur, j’y insiste, de quelle façon est mort Tapner.

Un fait que je ne puis vous taire, c’est l’unanimité de la presse locale sur ce point : — Il n’y aura plus d’exécution à mort dans ce pays, l’échafaud n’y sera plus toléré.

La Chronique de Jersey du 11 février ajoute : « Le supplice a été plus atroce que le crime. »

J’ai peur que, sans le vouloir, vous n’ayez aboli la peine de mort à Guernesey. Je livre en outre à vos réflexions ce passage d’une lettre que m’écrit un des principaux habitants de l’île : « L’indignation était au comble, et si tous avaient pu voir ce qui se passait sous le gibet, quelque chose de sérieux serait arrivé, on aurait tâché de sauver celui qu’on torturait. » […]

Prenez garde. L’avenir approche. Vous croyez vivant ce qui est mort et vous croyez mort ce qui est vivant. La vieille société est debout, mais morte, vous dis-je. Vous vous êtes trompés. Vous avez mis la main dans les ténèbres sur le spectre et vous en avez fait votre fiancée. Vous tournez le dos à la vie ; elle va tout à l’heure se lever derrière vous. Quand nous prononçons ces mots, progrès, révolution, liberté, humanité, vous souriez, homme malheureux, et vous nous montrez la nuit où nous sommes et où vous êtes. Vraiment, savez-vous ce qu’est que cette nuit ? Apprenez-le, avant peu les idées en sortiront énormes et rayonnantes. La démocratie, c’était hier la France ; ce sera demain l’Europe. L’éclipse actuelle masque le mystérieux agrandissement de l’astre.

Je suis, monsieur, votre serviteur,

Victor Hugo.

sur le site Deslettres

lundi 10 octobre 2016

Quand l'enfance re-naît

Quand l'enfance re-naît
avec ses rires
avec ses senteurs colorées
Pour te dire
je suis morte à jamais
Toi tu rêves d'un nouveau printemps.

fruban

10 octobre 2016







Promener le regard au loin à perte de vue des collines boisées. Ombres projetées sur les champs verts ou bruns.



Les brumes se dispersent évaporées par le soleil d'automne. M'arrêter ici, à chaque fois que mes pas m'emmènent là-bas.





Le vieux noyer toujours montre le chemin qui descend vers les plaines, sillonnant à travers champs.



Encore plus fier sous la caresse éblouissante du soleil au zénith.




Et toi Vieux Pont si cher à mon coeur, jamais je n'oublie de venir te saluer. M'asseoir et admirer tes pierres usées par les ans. Ne reste que cet arche majestueux. La guerre t'a amputé sauvagement. C'est ici que je pense à Toi que j'aime.


Oublier un instant la barbarie des hommes et les bruits de la ville. Comme figé à jamais dans un passé glorieux, tu abrites aujourd'hui les ébats des canards et la fierté dédaigneuse des cygnes.



Ce matin-là une grande sérénité sur les rives de mon refuge en ce début d'automne.

© crédit photos fruban