samedi 8 mars 2014

Attente

Attente


Ses doigts malhabiles
Caressent l'ivoire et l'ébène
Des notes s'égrènent cristallines
D'une octave à l'autre
Chaque jour le Psaume s'élève au Ciel
Vers ton Etoile

Son ventre est rond il se tend
Il craque
Des crevasses se forment
Demain équinoxe de Printemps
Les bourgeons gorgés de sève
Se préparent à l'éclosion
La Vie se défroisse

Ses doigts se hâtent accélèrent leur envol
Dièses ou bémols
Son âme folle donne le tempo
Chaque jour le Psaume s'élève au Ciel
Vers ton Etoile

Elle est lourde contemple les frémissements les soubresauts
Petites collines petites vagues
Sur son ventre fécond qui enfle enfle
et enfle encore
Ses mains se posent écoutent la Vie
La Vie
Qui bat en elle

Ce soir ses doigts te parlent ses doigts te cherchent
Sur le clavier où monte l'appel
Son âme s'exalte sa gorge se libère
Chaque jour le Psaume s'élève au Ciel
Vers ton Etoile

Elle sait que le compte à rebours a commencé
Que bientôt elle entendra les cris
de la Vie
La Vie
qui se déplie et déjà lui sourit
Au jardin le magnolia offre ses corolles
Un tendre duvet vert habille les arbres dépouillés
Le décor se met en place
Un bouquet de nacre rose
Quelques notes bleu pâle et de larges taches d'or
Ses yeux s'attardent derrière la vitre
Oui... tout est prêt

Ses doigts courent s'élancent... comment
retrouver son souffle..
Le clavier chante
Le clavier sourit
Le clavier pleure
Chaque jour le Psaume s'élève au Ciel
Vers ton Etoile

Boucles blondes boucles brunes
Boucles blondes boucles brunes
Ses yeux s'embrument
Hier était la Vie
Et aujourd'hui..?
Boucles blondes boucles brunes
Ses doigts roulent déferlent s'écrasent
Sur l'ivoire sur l'ébène
La musique l'envahit au rythme des marées
Ce soir le Psaume s'élève au Ciel
Vers ton Etoile.

©   F.R.
le 19 mars 2012
   in "L'Âme des marées" (octobre 2014)
éditions épingle à nourrice
Tous droits réservés
Protégé par copyright

crédit photo F.R ©

vendredi 7 mars 2014

Printemps ( Eluard, Le Phénix )


Il y a sur la plage quelques flaques d’eau
 Il y a dans les bois des arbres fous d’oiseaux
 La neige fond dans la montagne
 Les branches des pommiers brillent de tant de fleurs
 Que le pâle soleil recule
C’est par un soir d’hiver dans un monde très dur
 Que je vis ce printemps près de toi l’innocente
 Il n’y a pas de nuit pour nous
 Rien de ce qui périt n’a de prise sur toi
 Et tu ne veux pas avoir froid

Notre printemps est un printemps qui a raison.

Eluard et Barbara

http://www.deezer.com/album/647134




jeudi 6 mars 2014

Fuite ( Giorgos Seferis )








Fuite

C'était cela notre amour;
Il partait, revenait, nous rapportait
Une paupière baissée, infiniment lointaine,
Un sourire figé, perdu
Dans l'herbe du matin;
Un coquillage étrange que notre âme
Essayait de déchiffrer à tout moment.

C'était cela notre amour, il progressait lentement
A tâtons parmi les choses qui nous entourent,
Afin d'expliquer pourquoi nous refusions la mort
Si passionnément.

Nous avions beau nous accrocher à d'autres tailles,
Enlacer d'autres nuques, éperdument
Mêler notre haleine
A l'haleine de l'autre,
Nous avions beau fermer les yeux, c'était cela notre amour...
Rien que le très profond désir
De faire halte dans notre fuite.



Giorgos Seferis (1900-1971)


Cahiers d'études 1928-1937
in Poèmes éd. Mercure de France 1963
trad. Jacques Lacarrière et Egérie Mavraki
préface Yves Bonnefoy





crédit photos F.R

Ariane ma soeur

  

Par les sentiers escarpés et ombreux tu grimpes
           ______  jusqu'aux sommets de l'Olympe
Nouvelle Jehanne  de France tu écoutes
ces rythmes ces battements ces échos
inoculés en ton sang goutte à goutte
Renaître enfin   ___  Serait-ce trop ?

Prends ton envol      ___ l'Océan murmure
il te pousse t'attire te rassure
   - Viens avec moi réchauffe-toi
      ton coeur froid se noie

Dans la nef de la Basilique    ____  enfin Tu Vois
et s'emmêlent en ton âme  ______        ô blancheur
les Alpes et les eaux turquoise de la Mer intérieure
Le chemin de Compostelle lance l'appel
Soudain
       l'Olympe est ici
Nectar saveur de miel ambroisie
douceur de l'hydromel                 ________  Arrête-toi !
l'écran se givre de brume
tu lâches le fil le froid s'allume
sur tes lèvres l'hydromel a goût de fiel

Ariane ma soeur vois-tu une lueur ?

Tu t'égares le souffle te manque   ___ tu prends peur
    - Etouffe tes cris tes pleurs    
      le ciel reste sourd
Sous le halo de la nouvelle lune
les Ténèbres l'abîme     _______  te happent
l'Océan rugit         finies les agapes
la toile referme sa trappe
Tu es nue
en ton coeur le sang se glace

Ariane ma soeur     j'aperçois une lueur...

          Samedi 3 décembre 2011

©   F.R

Tous droits réservés
Protégé par copyright


crédit photo F.R ©

mardi 4 mars 2014

Poème extrait de Sur le fleuve ( Silvia Baron Supervielle )


que la mer dépasse les marées
et saute sur le brisement
les rochers la jetée et relâche
les bateaux les cordes les amarres
des arrivées et des départs
qu'elle brise les miroirs du soir
renverse un par un les phares
plonge dans les sillons de la terre
jusqu'à détruire les chemins
qu'elle couvre les voix du port
les lames les balises la pierre
enfouie de l'oubli

Silvia Baron Supervielle
Sur le fleuve
Ed. Arfuyen
p.24

lundi 3 mars 2014

La Nuit dans l'Ile ( Pablo Neruda )

Toute la nuit j’ai dormi avec toi
près de la mer, dans l’île.
Sauvage et douce tu étais entre le plaisir et le sommeil,
entre le feu et l’eau.
Très tard peut-être
nos sommeils se sont-ils unis
par le sommet ou par le fond,
là-haut, comme des branches agitées par le même vent,
en bas, comme rouges racines se touchant.
Peut-être ton sommeil
s’est il aussi dépris du mien
et sur la mer et sur sa nuit
m’a-t-il cherché
comme avant toi et moi,
quand tu n’existais pas encore,
quand, sans t’apercevoir,
je naviguais de ton côté
et que tes yeux cherchaient
ce qu’aujourd’hui
- pain, vin, amour, colère -
je t’offre à pleines mains
à toi, la coupe
qui attendait de recevoir les présents de ma vie.
J’ai dormi avec toi
toute la nuit alors
que la terre en sa nuit tournait
avec ses vivants et ses morts,
et lorsque je me réveillais
soudain, par l’ombre environné,
mon bras te prenait par la taille.
La nuit ni le sommeil
n’ont pu nous séparer.
J’ai dormi avec toi
et ta bouche, au réveil,
sortie de ton sommeil
me donna la saveur de terre,
d’algues, d’onde marine,
qui s’abrite au fond de ta vie.
Alors, j’ai reçu ton baiser
que l’aurore mouillait
comme s’il m’arrivait
de cette mer qui nous entoure.
 Pablo Neruda
in Les Vers du Capitaine
Traduction Pierre Clavilier


dimanche 2 mars 2014

Ta Voix ( Alejandra Pizarnik ), in Les Travaux et les Nuits

Ta voix

Embusqué dans mon écriture
tu chantes dans mon poème.
Otage de ta douce voix
pétrifiée dans ma mémoire.
Oiseau accroché à sa fuite.
Air tatoué par un absent.
Montre qui bat avec moi
pour que jamais je ne m'éveille



Alejandra Pizarnik
Les Travaux et les Nuits
trad. Jacques Ancet
Ypsilon.éditeur