dimanche 25 août 2019

Denis Tellier, Ernest (poème)

Ernest


Envie d'être avec toi,
D'entendre ta voix,
ton rire, ta gouaille.
Partager un cigare et des cocktails.
Regarder tes mains expliquer
ce que sera demain.
Tes lèvres qui chuchotent dans ta barbe.
Tes yeux bleus et ton regard intense.
Ta bouille de bourlingueur.
Dis-moi,
Comment ça va Hemingway ?
Je n'ai plus de nouvelles de toi.


© Denis Tellier





manuscrit Denis T


De très nombreux articles de ce blog ont déjà été consacrés à mon ami Denis Tellier.



ICI



© photo Denis Tellier

Fernando Pessoa, Lorsque viendra le printemps


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photo du Net
Fernando Pessoa (1888-1935)



Lorsque viendra le printemps,
si je suis déjà mort,
les fleurs fleuriront de la même manière
et les arbres ne seront pas moins verts
qu’au printemps passé.
La réalité n’a pas besoin de moi.

J’éprouve une joie énorme
à la pensée que ma mort n’a aucune importance.

Si je savais que demain je dois mourir
et que le printemps est pour après-demain,
je serais content de ce qu’il soit pour après-demain.
Si c’est là son temps, quand viendrait-il sinon
en son temps ?
J’aime que tout soit réel et que tout soit précis ;
et je l’aime parce qu’il en serait ainsi, même
si je ne l’aimais pas.
C’est pourquoi, si je meurs sur-le-champ, je meurs content,
parce que tout est réel et tout est précis.

On peut, si l’on veut, prier en latin sur mon cercueil.
On peut, si l’on veut, danser et chanter tout autour.
Je n’ai pas de préférences pour un temps où je ne pourrai plus avoir de préférences.
Ce qui sera, quand cela sera, c’est cela qui sera ce qui est.


Fernando Pessoa – Lorsque viendra le printemps (Quando vier a Primavera, 1915)


Fernando Pessoa (1888-1935) – Le Gardeur de troupeaux (Poésie/Gallimard) – Traduit du portugais par Armand Guibert.




Quando vier a Primavera,
Se eu já estiver morto,
As flores florirão da mesma maneira
E as árvores não serão menos verdes que na Primavera passada.
A realidade não precisa de mim.

Sinto uma alegria enorme
Ao pensar que a minha morte não tem importância nenhuma

Se soubesse que amanhã morria
E a Primavera era depois de amanhã,
Morreria contente, porque ela era depois de amanhã.
Se esse é o seu tempo, quando havia ela de vir senão no seu tempo?
Gosto que tudo seja real e que tudo esteja certo;
E gosto porque assim seria, mesmo que eu não gostasse.
Por isso, se morrer agora, morro contente,
Porque tudo é real e tudo está certo.

Podem rezar latim sobre o meu caixão, se quiserem.
Se quiserem, podem dançar e cantar à roda dele.
Não tenho preferências para quando já não puder ter preferências.
O que for, quando for, é que será o que é.

7-11-1915











"Imaginons que, dans les années 1910-1920, Valéry, Cocteau, Cendrars, Apollinaire et Larbaud aient été un seul et même homme, caché sous plusieurs "masques" : on aura une idée de l'aventure vécue à la même époque au Portugal par celui qui a écrit à lui tout seul les œuvres d'au moins cinq écrivains de génie, aussi différents à première vue les uns des autres que les poètes français que j'ai cités. 

Robert Bréchon dans la préface de la Pléiade consacrée à Fernando Pessoa en 2001.

France Culture






Fernando Pessoa Heteronimia, du peintre Bottelho (2012)
Fernando Pessoa Heteronimia, du peintre Bottelho (2012)• Crédits : Bottelho / Wiki commons


"Peu avant sa mort, dans une lettre adressée au critique Casais Monteiro, Pessoa s'expliquera sur la genèse des hétéronymes. Elle remonte à l'enfance, avec la création du « Chevalier de pas, héros de mes six ans », chargée de combler le vide affectif dont il souffre. A sa mort, la malle où il entassait ses manuscrits a révélé des milliers de pages d'écrits insoupçonnés (près de trente mille pages de textes, touchant à tous les genres excepté le roman) et que l’on n'a pas encore totalement mis à jour. "
France Culture