mercredi 1 février 2017

Nuit blanche, entachée de sang noir

                                                        Nuit blanche
                                                                              entachée de sang noir



Savourer un instant de paix
Croire que se relever est possible
Regarder vers l'à-venir éphémère
Guetter à travers les ciels
une lumière vite assombrie   ___   toujours assombrie
Nuit noire dehors blanche veille à l'intérieur
au fond d'un lit hostile qui te repousse
Se lever crier puis hurler ta colère
qui ronge asphyxie recouvre ta vie
d'un lourd linceul
Accalmie vite finie
Tu souffres et repars au combat que se livrent les hommes

Se relever encore y croire un peu
Se heurter au mur d'incompréhension
sauvage entêté destructeur
Se retourner vers le passé
essayer de comprendre    ___    Où   Quand  Comment
s'est enrayé l'engrenage
de la Vie de l'Amour
Abandon  __  ce sentiment qui t'obsède
Comprendre comprendre comprendre
Pourquoi toujours te manque un maillon de la chaîne
Impossibilité d'aimer
Comment savoir les manques réels ou inventés
ces manques douloureusement ressentis

Relire tous ces mots qui te déchirent
toutes ces paroles mensongères
Chercher chercher encore et toujours
l'Ami qui guérira tes blessures
Cette blessure jamais refermée
plaie béante suintante
Cette blessure à fleur de peau à fleur de cœur
qui s'ouvre grand quand enfin tu apercevais
issue et guérison   ___    toujours un leurre
Sournoise tapie dans son nid d'abandons
Pourquoi  Qui te dira  Qui te guidera

Crache crache ce fiel amer
poison à diffusion lente inéluctable
Inspire expire respire
Ta douleur s'apaise  ___   et passe la Nuit
Tu dormiras demain
Journée blanche

© fruban, le 29 janvier 2017



crédit photo fruban

mardi 31 janvier 2017

Un 31 janvier, Françoise Ruban

crédit photo fruban




Janvier, mois noir, janvier s'achève... Je ne le regretterai pas et lui souhaite bon vent ! Si je pouvais le rayer du calendrier, ou hiberner dès qu'il s'annonce ! On me dira que ce découpage bien arbitraire du Temps est à ignorer, que la Vie et les émotions sont en nous seuls... D'ailleurs, on me le dit et d'ailleurs... j'en ris !
Déjà les jours s'allongent, la lumière a changé, malgré la pluie, le ciel de plomb, les nuages gris sale. La Nature ne m'est pas un simple décor, elle m'abrite en elle, je lui appartiens et la ressens au fond de moi. Tous les rationalismes du monde n'y pourront rien changer ! J'ai besoin pour me nourrir, pour respirer, de la sève qui monte et chasse les mélancolies. J'ai besoin de ces frémissements qui me disent : envole-toi, laisse derrière toi les noires idées de l'hiver en ton coeur !
Certes, il est possible de pleurer et de souffrir sous un soleil de plomb... La Nature est impuissante, mais elle berce et caresse de son mieux, lorsque tout renaît et fleurit et mûrit... Le coeur s'en imprègne, se réchauffe, se gorge d'espérance, et même les nuits me paraissent plus câlines.
Ecouter battre le coeur de la Nature, accorder mes pulsations à ses cycles, n'interdit pas de penser, réfléchir... avec lucidité, esprit critique (et auto-critique !)... connaître les règles de la société des Hommes !

fruban, le 31 janvier








© Photo que m'a offerte Didier, inspiré par mon texte, accompagnée de ces mots :

"Février à Vézelay...
Tel un Janus bifrons : un paysan tourné vers le feu et le passé, et un vers la "primavera" (la jambe dénudée) vers le futur..."


dimanche 29 janvier 2017

Octavio Paz, Liberté sur parole



Il faut dormir les yeux ouverts, il faut rêver avec les mains, rêver les rêves vivants d'une rivière qui cherche ses rives, les rêves d'un soleil rêvant ses mondes,
Il faut rêver à haute voix, il faut chanter jusqu'à ce que le chant s'enracine, tronc, branches, oiseaux, astres
Il faut rêver jusqu'à la source, remonter les siècles en ramant, jeter à bas les murs entre l'homme et l'homme, réunir à nouveau ce qui a été séparé
La vie et la mort ne sont pas des mondes contraires, nous sommes une seule tige avec deux fleurs jumelles
La lumière chante avec une rumeur d'eau, l'eau chante avec une rumeur de feuillage,
Les saisons et les hommes coulent comme un seul fleuve interminable sous des arches de siècles
Vers le centre vivant de l'origine, au-delà de la fin et du commencement.


Octavio Paz
Liberté sur parole


Trad. de l'espagnol (Mexique) par Jean-Clarence Lambert et Benjamin Péret. Préface de Claude Roy
Collection Poésie/Gallimard (n° 75), Gallimard

Parution : 10-11-1971



crédit photo fruban


Autre extrait


Là où cessent les frontières, les chemins s'effacent. Là commence le silence. J'avance lentement et je peuple la nuit d'étoiles, de paroles, de la respiration d'une eau lointaine qui m'attend où paraît l'aube.

J'invente la veille, la nuit, le jour qui se lève de son lit de pierre et parcourt, yeux limpides, un monde péniblement rêvé. Je soutiens l'arbre, le nuage, le rocher, la mer, pressentiment de joie – inventions qui s'évanouissent et vacillent face à la lumière qui se désagrège.

Et puis, les arides montagnes, le hameau d'argile séchée, la réalité minutieuse d'un pirú stupide, de quelques enfants idiots qui me lapident, d'un village rancunier qui me dénonce. J'invente la terreur, l'espoir, le midi – père des délires solaires, des femmes qui châtrent leurs amants d'une heure, des sophismes de la lumière.

[...]

Là où s'effacent les chemins, où s'achève le silence, j'invente le désespoir, l'esprit qui me conçoit, la main qui me dessine, l'œil qui me découvre. J'invente l'ami qui m'invente, mon semblable ; et la femme, mon contraire, tour que je couronne d'oriflammes, muraille que mon écume assaille, ville dévastée qui renaît lentement sous la domination de mes yeux.

Contre le silence et le vacarme, j'invente la Parole, liberté qui s'invente elle-même et m'invente, chaque jour.