vendredi 20 novembre 2015

Requiem, Léo Ferré






Pour ce rythme inférieur dont t'informe la Mort
Pour ce chagrin du temps en six cent vingt-cinq lignes
Pour le bateau tranquille et qui se meurt de Port
Pour ce mouchoir à qui tes larmes font des signes

Pour le cheval enfant qui n'ira pas bien loin
Pour le mouton gracieux le couteau dans le rouge
Pour l'oiseau descendu qui te tient par la main
Pour l'homme désarmé devant l'arme qui bouge

Pour tes jeunes années à mourir chaque jour
Pour tes vieilles années à compter chaque année
Pour les feux de la nuit qui enflamment l'amour
Pour l'orgue de ta voix dans ta voix en allée

Pour la perforation qui fait l'ordinateur
Et pour l'ordinateur qui ordonne ton âme
Pour le percussionniste attentif à ton coeur
Pour son inattention au bout du cardiogramme

Pour l'enfant que tu portes au fond de l'autobus
Pour la nuit adultère où tu mets à la voile
Pour cet amant passeur qui ne passera plus
Pour la passion des araignées au fond des toiles
Pour l'aigle que tu couds sur le dos de ton jeans
Pour le loup qui se croit sur les yeux de quelqu'un
Pour le présent passé à l'imparfait du spleen
Pour le lièvre qui passe à la formule Un
Pour le chic d'une courbe où tu crois t'évader
Pour le chiffre évadé de la calculatrice
Pour le regard du chien qui veut te pardonner
Pour la Légion d'Honneur qui sort de ta matrice
Pour le salaire obscène qu'on ne peut pas montrer
Pour la haine montant du fond de l'habitude
Pour ce siècle imprudent aux trois quarts éventé
Pour ces milliards de cons qui font la solitude

Pour tout ça le silence.







Pour tous les morts innocents, assassinés par la barbarie des hommes FR

mercredi 18 novembre 2015

Lettre à Daech, après la mort de Madeleine, par Simon Castéran








Lettre à Daech après la mort de Madeleine, au Bataclan (Simon Castéran)

15 NOVEMBRE 2015 |  PAR MONICA M.




Oui, je suis un pervers et un idolâtre

Par Simon Castéran



Mon cher Daech,

J'ai bien lu ton communiqué de presse victorieux. Comme on l'imagine, tu dois être heureux du succès de tes attaques menées vendredi soir à Paris. Massacrer des civils innocents qui ne demandaient qu'à jouir d'un bon match de foot, d'un concert de metal ou tout simplement d'un petit restau entre potes, ça défoule, pas vrai ? Alors certes, ça ne te change pas beaucoup des milliers d'exactions commises quotidiennement, depuis des années, en Irak et en Syrie. Mais en bonne multinationale des lâches et des peine-à-jouir que tu es, il te fallait t'imposer sur le marché occidental. Ce que tu as fait, dès janvier, avec l'attentat de Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher. Toutes mes félicitations : grâce à tes happenings sordides et sanglants, la marque Daech est plus forte que jamais. Elle a même effacé jusqu'au souvenir d'Al-Qaeda qui, à côté de toi, semble désormais presque raisonnable.

Donc, tu as tué. Oh bien sûr, pas par goût du sang et de la violence, mais au nom « d'Allah le Très Miséricordieux». Moi qui croyais que la "miséricorde" suppose la bonté et l'indulgence envers les autres, je ferais mieux de jeter mon dictionnaire. Et de m'acheter une kalachnikov et des grenades, pour m'en aller distribuer à mon tour amour et compassion partout où vous vous trouvez. Avant de laisser, sur vos corps enfin bénis, la photo de ma cousine Madeleine, que votre miséricorde a lâchement assassinée vendredi au Bataclan.

L'eussiez-vous connue, que vous l'auriez détestée immédiatement. C'était une femme libre et heureuse, pleine de cette lumière intérieure qui vous manque tant. Horreur suprême, c'était aussi une intellectuelle, qui aimait son métier de prof de lettres en collège. Car oui, chez nous, les femmes ont non seulement le droit d'être éduquées, mais aussi d'enseigner. Tout comme elles ont le droit d'aller où bon leur semble, d'écouter de la musique, de boire de l'alcool et d'aimer qui elles veulent. Sans burqa, ni violence. Bref, de jouir de cette liberté qui vous fait tant horreur. Et dont Paris, « la capitale des abominations et de la perversion », dis-tu, s'est fait depuis longtemps la représentante.

Oui, chers soeurs et frères, n'en doutons pas : l'abomination et la perversion n'est pas à chercher dans le massacre d'innocents par des fanatiques surarmés, qui travestissent le Coran en un manuel du parfait petit terroriste, mais dans cette vie païenne, faite de plaisirs et de joie. Cette « fête de la perversité » qui réunit, de semaine en semaine, des milliers « d'idolâtres » ; lesquels, au lieu d'adorer la Mort comme vous le faites en « [divorçant] de la vie d'ici-bas », préfèrent se rassembler pour communier ensemble, dans un instant de partage et d'adoration de l'existence.

À ce titre, mon petit, ridicule, mesquin Daech, je te dois un aveu : moi aussi, je suis un pervers et un idolâtre. J'aime la vie, le metal, les restaus et, parfois même, regarder un match de foot. Mea culpa, mea maxima culpa. Je suis un Croisé, comme tu dis. Un Croisé de la liberté, de l'amour et de la convivialité ; à la différence, cependant, que contrairement à toi, j'ai évolué depuis le Moyen-Âge. Ma religion n'est pas faite de fer et de sang, comme la tienne, mais de chair et d'espoir. Aussi, si tu veux un bon conseil, mon cher Daech, dépêche-toi : car l'Histoire est sur tes talons, et déjà les Lumières que tu veux éteindre menacent ton califat d'un autre âge.

« Allah est le plus grand », écris-tu. « Or c'est à Allah qu'est la puissance ainsi qu'à Son messager et aux croyants. Mais les hypocrites ne le savent pas » (sourate 63, verset 8). Sur ce point, je ne peux que te donner raison. Qu'on l'appelle Dieu, Yahvé ou Allah, le Tout-puissant n'a guère besoin que l'on tue en son nom, ni que l'on pervertisse Ses lois. Alors, pourquoi continuer à tuer ? Ton Seigneur est-il si faible, dans ton esprit, qu'il ne puisse agir de lui-même ? Je ne peux le croire. Ce que je crois, en revanche, c'est que tu t'arranges bien de Son silence. Qu'en tuant au nom de ce même Islam et des musulmans que tu prétends défendre, tout en les assassinant, c'est la Création divine que tu détruis. Ce qui fait de toi un impie, un pécheur, encore plus coupable que le croyant que tu exècres, ou les païens que nous sommes. Mais cela, les hypocrites ne le savent pas.

Cet article est dédié à la mémoire de ma cousine Madeleine, dont le seul crime fut d'aimer la vie. A la demande de ma famille, sa photo a été retirée, afin que de mauvais esprits n'en fassent pas un usage outrageant sur les réseaux sociaux.



http://www.lessermonsdulundi.com/2015/11/oui-je-suis-un-pervers-et-un-
idolatre.html

Publié par Mediapart, blog de Monica





photos du Net

dimanche 15 novembre 2015

Après le Vendredi 13 novembre 2015





Depuis vendredi 13 novembre
je n'ai pas regardé la télévision
je n'ai pas écouté ou lu le moindre discours de nos dirigeants
C'est donc spontanément que j'ai décidé
d'arborer les couleurs de la France
Parce que les assassins sanguinaires de l'EI*
ont frappé à Paris, en France
Je n'obéis donc
à aucun protocole
à aucune consigne
Je ne fais qu'écouter mon coeur
Je n'ai aucune leçon à recevoir
de qui que ce soit
Encore moins me faire cracher au visage
sur ma messagerie privée
des propos haineux rageurs contre ces couleurs de notre drapeau
J'ajoute qu'en d'autres circonstances
j'ai arboré le drapeau palestinien
j'ai arboré le drapeau grec
sans la moindre hésitation
Aujourd'hui je suis en deuil et "je suis Paris"
je pleure toutes les victimes
je suis au plus près de leurs familles
Seule, dans la maison de mon enfance
je me recueille
je ferai une minute de silence lundi
en même temps que tous ceux qui sont touchés
en France et partout dans le monde
Alors mesdames et messieurs
les donneurs de leçons
les extrémistes de tout poil
Vous qui ne faites qu'obéir à votre propre idéologie
ne croisez plus mon chemin
quittez au plus vite mon alpage !


fruban
le 15 novembre 2015


* EI : Etat islamiste, Daesh






crédit photo Audrey Facchi



Il y eut le choc brutal
Nous étions tous frappés de stupeur
Ces salauds avaient recommencé
Bains de sang sur Paris
Et puis, au fil des heures, des visages apparaissent
Décédé décédée disparu disparue
Beaucoup de jeunes des familles
Profitant de la douceur de novembre pour Vivre
boire un pot en terrasse, aller au concert, être amoureux
Etudiants personnes du quartier professeurs d'Université journalistes artistes
heureux de vivre d'être ensemble de rire
Comment oublier que ces assassins tuent des innocents
Ce pourrait être vous ou moi.

fruban

dimanche 15 novembre 2015