dimanche 22 décembre 2019

Quelques jours avant Noël, par Françoise R



It's raining, it's pouring... le vent souffle en rafales ! Je me pelotonne et ronronne, près de la cheminée. Je pense à tous ceux qui sont dehors, sans abri, sans amour, sans la moindre chaleur humaine. Parfois, un regard méprisant. Parfois, de la pitié. Parfois, quelques centimes lancés très vite...Comment faire autrement, les bras chargés de cadeaux ! Parfois, un commerçant appelle les forces de l'ordre, car enfin, tous ces êtres avec leur chien, font fuir les clients !
Je vous invite à relire et / ou écouter " La petite marchande d'allumettes" ( Andersen). Ce beau conte de Noël un peu triste nous dit cette réalité que nous refusons parfois de voir.

© fruban

quelques jours avant Noël








Texte du conte



vendredi 20 décembre 2019

Conte de l'An neuf, poème Françoise R mis en musique Véronique S David A


Conte de l'An neuf


Ce poème que j'avais intitulé Conte de Noël est devenu Conte de l'An neuf à la demande de Véronique Sauger pour les besoins de l'édition. FR







Conte de Noël


Tout commence   Il était une fois
près du sapin illuminé
boules scintillantes de senteurs
Sous la flamme aux lueurs vacillantes
regard capté   L'esprit s'envole sur les ailes de l'instant

                           Blessé le loup solitaire
                           en sa tanière se terre
                           La louve flaire cherche
                           une odeur une empreinte
                           l'étincelle de ses yeux
                           Sens en éveil elle s'alerte
                           à perdre haleine elle court vers son appel

Saveurs de miel
ivres d'encens et de myrrhe
sur mon âme coulis de fruits rouges
baisers sucrés caresses de sel marin
Tes mains fleurissent ma peau assoiffée


                           En sa tanière le loup se terre
                           ses  yeux luisent la mélancolie
                           Haletante la louve s'allonge épouse son flanc
                           de sa blanche pelisse
                           lèche les taches de sang
                           mêlées aux cristaux du ciel
                           sa robe s'empourpre son corps chaud
                           diffuse la Vie


Une à une se sont éteintes
les senteurs étoilées
demeure l'empreinte de l'étreinte
sur la neige ardente morsure rouge carmin
coeurs et sangs mêlés
Et s'écoulent en torrent les braises incandescentes

© F.R
10 janvier 2014

Tous droits réservés
Protégé par copyright

in,L'Âme des marées (recueil édité par épingles à nourrice édition )


Mis en musique pour les Contes du jour et de la nuit
Véronique Sauger et David Azulay

ICI





                                 © photo fruban




Rainer Maria Rilke sur France Culture


Quatre émissions à écouter ICI


À PROPOS DE RAINER MARIA RILKE, LA NÉCESSITÉ DE LA CRÉATION
Icône absolue de la poésie de langue allemande, Rilke est un homme toujours en partance. De Prague à Paris, en passant par Munich, Capri ou Venise, il parcourt l’Europe en quête d’un havre d’inspiration. Tantôt mondain et grand amoureux, le poète n’a rien autant chéri que sa solitude, moteur indispensable à sa création. Quatre émissions explorent la vie et l'oeuvre de cet homme entouré de femmes qui le guidèrent et l’inspirèrent.

La Compagnie des auteurs
Par Matthieu Garrigou-Lagrange
DU LUNDI AU JEUDI DE 15H À 16H


Le poète autrichien Rainer Maria Rilke
Le poète autrichien Rainer Maria Rilke• Crédits : DPA (AFP) - AFP





A 9 ans, René Rilke commence à écrire et découvre sa vocation d’écrivain. Cet enfant, que sa mère surprotégea, deviendra plus tard un grand séducteur, un homme entouré de femmes qui le guidèrent et l’inspirèrent. Catherine Sauvat évoque la vie de ce poète qui prit pour nom Rainer Maria Rilke.



























mercredi 18 décembre 2019

Ciel gris, par Françoise Ruban



Ciel gris une grande partie de la journée. Travail au bureau quand soudain... vers quinze heures, le soleil daigne montrer son museau malicieux. Vite, j'emmène Nouka faire une longue balade ! Au bas du pré, à côté de la maison... j'aperçois trois chevreuils, à quelques dizaines de mètres de nous.. Pas plus effarouchés que cela, ils nous regardent. Zut ! je n'ai pas pris d'appareil photos ! Fatigués de nous contempler -peut-être sont-ils un peu effrayés quand même..- ils s'enfuient tranquillement et en quelques bonds gracieux, les voilà disparus..Au retour, je les reverrai de l'autre côté de la route, tout près des habitations, se rassasiant des jeunes pousses vertes du blé ! Mais ce qu'ils préfèrent avant tout, ce sont les tendres feuilles du colza, à peine sorties de terre. Nous sommes rentrées sous un ciel d'une infinie beauté...Des blancs, gris, mauve, couleur feu...quelques taches bleues par-ci par-là.. Féerique !


photo fruban



photo Jfb








© texte et photos fruban et Jfb


lundi 16 décembre 2019

Noël et la St Sylvestre, par Françoise Ruban



Fêtes de Noël et de la Saint-Sylvestre
Mon esprit et mon coeur hésitent, se déchirent.
Plaisir de se réunir pour offrir et recevoir des cadeaux choisis par l'amour
Plaisir de décorer un sapin, toujours un peu magique, féerique
Plaisir de dresser une jolie table, de préparer un repas simple mais différent, plus élaboré
Souvenir de mes années d'enfance, de l'excitation fébrile du petit matin
Souvenir de la fête et du spectacle préparés à l'école primaire...Nous chantions "Vive le vent, vive le vent d'hiver" !

Pourtant, colère et honte devant les étalages, les bousculades, le gaspillage, les enjeux mercantiles... quand tant de personnes vivent et dorment dans la rue, quand la faim, la misère et les guerres assassinent des millions d'innocents
Pourtant, chagrin et souffrance puisque tu n'es plus avec nous, Fabrice mon fils bien-aimé, égaré dans ton éternité
Fêtes de Noël et de la Saint-Sylvestre
Votre arrivée prochaine verse en mon coeur des parfums bien divers
Alors, à vous qui êtes ici, à vous mes amis, je demande un peu de patience, le respect de mes silences ou de mes cris de colère...Je demande votre indulgence si mes états d'âme connaissent de curieuses danses, dictées par des émotions et des sentiments si souvent mouvants, dans le kaléidoscope de mon coeur et de mon esprit....

© fruban








© icônes prises sur le Net, notamment Wikipedia


jeudi 12 décembre 2019

La cendre recouvre le ciel, par Françoise Ruban





La cendre recouvre le ciel entier, et pourtant, ce matin le soleil n'était pas bien loin. Un sourire bleu vite effacé. L'instant d'un espoir bien éphémère. Le vent a balayé les dernières feuilles, même le gingko est nu et tend ses bras décharnés. Ne restent que ses coeurs d'or jonchant le sol.










© texte et photo fruban

quelques instants en décembre


mardi 10 décembre 2019

Marcher au-devant, par Françoise Ruban



Marcher au-devant des rayons de lumière et des ombres projetées. Nouka, truffe en alerte, gambade à mes côtés. Déjà le soleil décline doucement, distribuant un peu d'or rouge sur les champs.Je me mets à rêver à d'autres promenades du passé... La mémoire surprend toujours, et le coeur n'est jamais sourd.

© fruban
  quelques pas en décembre







© photos fruban

jeudi 5 décembre 2019

Journée soleil frais, par Françoise Ruban



Journée soleil frais, mais tellement revivifiant ! A cet instant, le brouillard descend lentement et bientôt éteindra cette lumière de vie. Pas le moindre souffle. Pas le moindre bruit. Seules quelques notes de piano accompagnent le jour qui s'efface, presque timidement. Les collines d'ocre jaune ou brun s'estompent. Les premières lumières s'allument une à une. Le merle ose me saluer de trilles enroués et... bientôt lui aussi regagne son abri pour la nuit. Le ciel obscurcit sa cendre. Je guette la première étoile, mais il me faudra revenir... La soirée s'annonce belle, comme amoureuse.

© fruban

C'était en décembre




© photo fruban



lundi 2 décembre 2019

Ce matin, des perles de givre, par Françoise Ruban




Ce matin, des perles de givre habillent les arbres noirs et nus. Comme des guirlandes de nacre sur mon coeur. Sur l'herbe verte, gisent encore de pauvres feuilles, les dernières flammes de l'automne. Bientôt, les couleurs de la vie auront disparu. Je guetterai, au fil des jours, les bourgeons, les premières pousses vertes, les perce-neige de l'espoir.
J'aimerais m'endormir moi-aussi, renaître avec un coeur vierge, reprendre une route de lumière, moins sinueuse, moins cahotique. Me laisser emporter par les vents...

© fruban

en décembre







© fruban, les perce-neige de l'espoir

samedi 30 novembre 2019

Trop, de Françoise Ruban

Acte 1

TROP
J'aime TROP de pages, de groupes, d'artistes, de poètes... de personnes
J'attends TROP d'écoute, d'échanges, d'amitié, d'amour, de re-connaissance
Je donne TROP de mon temps, de mon énergie, de mon coeur, de ma vie
Je le sais, je l'ai toujours su et à jamais Antigone, mais aussi Don Quijote... resteront la voie que je suivrai
Comment croire qu'à mon âge, je puisse ne plus chercher, espérer, partir à la découverte des êtres, des pensées, des émotions... à la découverte du monde
Un monde qui n'a rien à voir avec la raison, la réalité... et surtout pas avec le profit, l'ambition, l'argent.... le pouvoir
Le Monde dont je suis (et serai à jamais) en quête, est dessiné sous les traits de la Beauté, de l'Amour, de la Sensibilité
Forcément, ON ne me comprend pas facilement, ON se moque.. - quelle naïveté ! quel idéalisme romantique ! quel cruel manque de sens des réalités..! -
Que l'ON se rassure... j'en souffre parfois, souvent...
Ma vie ne fut pas et ne sera jamais un jardin de roses (et pourtant, dans mon jardin, il y a de bien jolies roses ! ), ni un long fleuve tranquille... mais c'est MA vie et j'essaie tant bien que mal de l'assumer
Je ne suis aucunement angélique, encore moins naïve... ma lucidité est vive, parfois féroce... Inutile d'imaginer un seul instant me manipuler.. ni me faire plier
Pourquoi suis-je en train d'écrire ces mots, ici sur facebook... Cela me ressemble guère..
Sans doute parce que TROP.....


                                                   *****


Acte 2

TROP

Je ne pensais pas participer un jour, aussi activement, à un quelconque réseau social... tant la VIE m'intéresse, me mobilise

Et puis, les hasards et les aléas d'une existence nous amènent parfois à de bien étranges démarches..

Ceux qui me connaissent "pour de vrai" comme disent les enfants (et il y en a beaucoup parmi mes amis fb), savent les raisons précises qui m'ont conduite à venir fréquenter la Cyber-Planète... Quant aux autres... tout dépend du regard qu'ils portent à autrui, de l'empathie dont ils sont capables

J'ai rencontré sur ce réseau social des personnes magnifiques, au coeur "gros comme ça"... de vrais poètes désintéressés, juste amoureux des mots, de la Vie, de l'Amour

Des militants sincères, généreux, respectueux de tout ce qui vit et respire sur notre planète bleue (de plus en plus grise)... Ah ! que de pétitions j'ai signées...mais j'ai toujours été ainsi, au grand désespoir de mes diverses hiérarchies professionnelles !

Je n'oublierai jamais la nuit où Troy Davis fut exécuté... Jusqu'à trois heures du matin, nous avons échangé, communiqué les dernières infos, avons cru en une grâce, une suspension... Hélas...

Je n'oublierai jamais la mobilisation pour la poète colombienne Angye Gaona - mobilisation qui continue - et le dévouement, le travail patient , la ténacité, le courage de Cristina et de tous ceux qu'elle a su mobiliser

Alors... prendre l'air, mais oui !

Marcher le long des boulevards, dans les bois et les chemins de campagne, avec ma belle et vive Nouka... mais oui !

Serrer des mains, embrasser ceux que j'aime, rire, pleurer, me mettre en colère... mais oui !

Ce TROP arrivé comme un cri, sous mes doigts qui se sont mis à galoper sur l'écran magique... ce TROP était surtout, essentiellement, un regard que je portais sur MOI

Mon attitude face à la vie, face aux autres... pas seulement un regard sur ce réseau social.

Je remercie tous ceux qui ont pris de leur temps, pour me lire et surtout me répondre (publiquement ou en privé)

Je demande à ceux qui ne comprennent pas cette réponse, de descendre un étage plus bas... si toutefois ils le désirent !

C'est pas mal, de temps en temps, d'aller rendre visite à vos contacts et / ou amis, sur leur page... Ne pas vous contenter du fil d'actualité, pas toujours un fidèle reflet de ceux qui s'intéressent réellement à vous

C'est pas mal, de temps en temps, de vous arrêter pour dire un mot... Commenter, prendre des nouvelles,adresser un petit clin d'oeil humoristique, chaleureux, encourageant...selon votre temps, votre humeur, votre état d'âme

Je le fais régulièrement et suis donc en droit d'attendre une réciprocité

Je l'ai déjà dit une fois, il y a quelques mois : je n'ai rien à vendre, je n'ai aucune publicité à me faire... Juste partager ce que j'aime

Je comprends que ces échanges personnels relèvent du parcours du combattant, lorsque l'on a des centaines, des milliers de contacts... encore que..

Je connais des artistes de talent qui savent donner quelques minutes à ceux qui les ont rejoints, les considérant comme des personnes et pas seulement des fans ou des groupies...Oui, ils existent !

© fruban

© photo fruban





© photo fruban




© photo fruban

Tout ceci a été en grande partie écrit en 2012, juste quelques modifications qui ne changent aucunement l'esprit de ce billet d'humeur amical.



                                                           





jeudi 28 novembre 2019

greek crisis: Basse époque




greek crisis: Basse époque: Pays trempé... comme une soupe. Encore une fois, on croit à notre vieille soupe aux tripes, celle que l’on déguste aux bourgades supposé...

Poèmes à la nuit, Rainer-Maria Rilke



Ô de quelle façon, avec quel gémissement
Nous nous sommes caressés, épaules et paupières.
Et la nuit se terrait dans les chambres,
Comme un animal blessé que nous aurions transpercé de douleur.

Étais-tu élue entre toutes pour moi,
n’était-ce pas assez d’être la sœur ?
Ton être était pour moi comme une vallée délicieuse,
et maintenant, à la proue du ciel il

s’incline en une apparition inépuisable
et il étend son empire. Où aller ?
Hélas dans l’attitude de la déploration
tu te penches vers moi, toi qui ne consoles pas.

Rainer Maria Rilke
in, Poèmes à la nuit



C'est ainsi que commence ce très beau recueil de poésie, Poèmes à la nuit, écrit par Rainer Maria Rilke entre 1912 et 1914

https://editions-verdier.fr/livre/poemes-a-la-nuit/

Les Poèmes à la nuit, traduits ici pour la première fois intégralement en français, ont été offerts par Rilke à Rudolf Kassner en 1916 et sont l’une des étapes essentielles de la genèse des Élégies de Duino.

"Si ce poète habitué aux visitations angéliques s’est voulu insubstantiel, humble, dépouillé jusqu’à la transparence, c’est qu’il se savait né pour transmettre, pour écouter, pour traduire au risque de sa vie ces secrets messages que les antennes de son génie lui permettaient de capter ; enfermé dans son corps comme un homme aux écoutes dans un navire qui sombre, il a jusqu’au bout maintenu le contact avec ce poste d’émission mystérieux situé au centre des songes.
Du fond de tant de dénuement et de tant de solitude, les privilèges de Rilke, et son mystère lui-même, sont le résultat du respect, de la patience, et de l’attente aux mains jointes. Un beau jour, ces mains dorées par le reflet d’on ne sait quels cieux inconnus se sont écartées d’elles-mêmes, pareilles à la coque fragile et périssable d’un fruit formé dans la profondeur de ces paumes, et dont on ne saura jamais s’il doit davantage à la lumière qui l’a mûri, ou aux ténèbres dont il est issu."



Extrait de la préface de Marguerite Yourcenar






Édition bilingue. Traduit de l’allemand et présenté par Gabrielle Althen et Jean-Yves Masson (1994)

Préface de Marguerite Yourcenar

samedi 2 novembre 2019

Hommage à Georges Seferis, France Culture 1969



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Voici la publication du vendredi, jour dédié aux inspirations de la Poésie française :
Une émission spéciale, par Nikos Athanassiou, diffusée le 12 septembre 1969 sur France Culture. Lecture de textes et de poèmes réalisées par Maria Tamar, Jean-Claude Michel, Françoise Fetcher, Julien Bertheau et Nathalie Nerval.
Mise en ligne par Arthur Yasmine, poète vivant, dans l’unique objet de perpétuer la Poésie.














lundi 21 octobre 2019

Catherine Ringer présente Sam Ringer


Catherine Ringer nous ouvre les portes de son atelier, dans lequel elle conserve la majorité des œuvres de son père, le peintre Sam Ringer. Devant la caméra d'Isabelle Filleul de Brohy se déploie l’univers de l’artiste, né en Pologne en 1918 et décédé en 1986.














Le bleu de Gênes de Denis Tellier dit par Marc Feldhun








Parfois, il y a des moments que l’on apprécie tout particulièrement, quand il se passe quelque chose d’un peu irréel mais tellement présent et de tellement prenant. C’était le cas ce vendredi soir, à la médiathèque de Florensac, lors de la lecture par l’artiste et narrateur Marc Feldhun, d’un passage de la nouvelle Bleu de Gênes. Ce petit opuscule de Denis Tellier s’ouvre sur une lettre de Théo Van Gogh à son frère. Un beau prétexte à la narration dans laquelle on plonge comme en un bain de couleurs.

Le public, parmi lequel on pouvait voir le célèbre jazzman Ray Everitt et son épouse, la fille de Bobby Lapointe et demi-sœur de Marc Feldhun, s’est régalé suspendu aux paroles de Marc. "Si le Bleu de Gênes est un discret fil conducteur, la couleur réside dans l’écriture de Denis, dans la saveur des mots choisis, la richesse des descriptions. On est loin d’une langue terne et insipide", écrit Chantal Flament, la directrice de la médiathèque, qui a participé à cet événement en réalisant, avec Marc, les décors, assumant les bruitages pendant la lecture et prenant la parole à son tour. Bleu de Gênes, un monologue intérieur, empreint de lyrisme, où la description des lieux et des humains mélange cynisme et comique.

La profondeur d’un être désabusé, mais dont une tendresse pointe encore par-ci, par-là. Le riche vocabulaire de Denis Tellier fait entrevoir une succession de tableaux, ou de clichés photographiques marqués par le temps. Il donne à percevoir la vie à travers ses sentiments.


Midi libre

https://www.midilibre.fr/2019/10/21/des-riches-moments-litteraires-a-la-mediatheque,8493721.php?fbclid=IwAR0YeMsR2q_a5RTin4yFxetaMbOYf4E_drFiuEhl1E9ZktPdORZdKMaBw2c









N'oublions pas que Le bleu de Gênes fut d'abord écrit par Denis Tellier, corrigé par Véronica Stefanelli qui rédigea la quatrième de couverture, édité par L'oeil de la méduse.
Ensuite, ce fut ce spectacle où interviennent Marc Feldhun et Chantal Flament.

fruban












L'oeil de la méduse

Véronica Stefanelli

Denis Tellier


samedi 5 octobre 2019

Angélique Ionatos, Et si l'arbre brûle



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" Et si l'arbre brûle"... reste  la lumière

Studio. © A Sevenier

Chanson sur le texte de Dimitris Mortoyas, poète exilé, né en 1934 et mort en 1975  à Londres.

Il s'agit d'un poète très peu connu en Grèce.

Sur ce nouvel album j'ai mis en musique deux de ses poèmes : "Et si l'arbre brûle" et "Aimez-vous les uns les autres".

Ce sont deux chansons "phares" de cet album.
Poète sombre, ironique et d'une grande lucidité. Je l'ai découvert alors que j'étais très jeune.

Ses poèmes m'ont toujours inspiré une musique particulière : syncopée, percussive, violente.




Très bel article sur Le Courrier


Angélique Ionatos, en état d’urgence

Tragédienne au chevet d’un pays exsangue, la chanteuse grecque a publié Reste la lumière, un disque irrigué par les mots des poètes hellènes. Elle se confie avant sa venue à Genève pour Poésie en Ville.

VENDREDI 9 SEPTEMBRE 2016 RODERIC MOUNIR

«Il m’est impossible de parler de l’amour et des petites fleurs quand je vois l’état du monde actuel.» YANN ORHAN


MUSIQUE 

Quarante ans de carrière, près de vingt albums et de nombreux spectacles nourris de poésie et de littérature. L’an dernier, Reste la lumière a rompu un silence discographique de près de dix ans. Un enregistrement à la tonalité sombre, un cri de colère suscité par la crise grecque, pour ne pas sombrer dans le désespoir.

Nous rencontrons Angélique Ionatos alors qu’elle effectue sa rentrée scénique, fin août à Vevey. Elle revient passablement déprimée de Lesbos, où elle possède une maison et passe ses étés. «C’est un désastre, les réfugiés s’entassent dans des camps. Heureusement, l’aide s’est organisée depuis l’an dernier, quand ils étaient entre 800 et 1000 à affluer quotidiennement, errant sur l’île. La Méditerranée est devenue un grand cimetière humide. Alors me baigner, non, pas cette année.» D’Athènes, Angélique Ionatos brosse un tableau tout aussi sinistre – fermetures d’enseignes en série, clochardisation galopante…

Son nouveau disque a été réalisé dans l’urgence, comme un coup de gueule. «Il y a eu cet espoir très fort avec Tsipras, et tout s’est effondré. Il s’est couché, sans doute n’a-t-il pas eu le choix…» L’espoir et le réconfort, la chanteuse est allée les puiser chez les poètes, ces phares de la Grèce par tous les temps. A commencer par Odysseus Elytis, prix Nobel de littérature 1979 (disparu en 1996), qu’elle a traduit et interprété à maintes reprises. Elle dit ne pas pouvoir le lire sans avoir les larmes aux yeux. «C’était un homme austère, sévère. J’allais souvent le voir pour lui demander l’autorisation de reprendre ses poèmes. Une relation de confiance s’est nouée entre nous.»



Témoigner de son temps

«Courage», qui ouvre l’album, est une adresse aux femmes et à leur contribution mésestimée dans un monde d’hommes. «Elytis la termine en disant ‘Donne-moi la fierté et débarrasse-moi de la colère’. Moi, la colère, il ne me l’a pas enlevée…» Angélique Ionatos s’avoue pessimiste, constatant que la «stratégie du choc» dirigée contre le peuple a pour but de l’accabler et de le réduire à la passivité.

Pourquoi chanter la révolte, obstinément? «Parce que je ne sais rien faire d’autre!», répond sans surprise l’intéressée. «Un artiste, à mon sens, doit témoigner de son temps. Il m’est impossible de parler de l’amour et des petites fleurs quand je vois l’état du monde actuel.» Angélique Ionatos déplore d’ailleurs le manque d’engagement des artistes. «Je ne comprends pas ce silence, c’est pourtant le ­moment!» Elle déteste le terme «divertissement», s’inscrit dans la tradition des poètes engagés, des lanceurs d’alerte.

Parmi les auteurs choisis figure aussi Dimitri Mortayas, à l’origine du titre de l’album: «Et si l’arbre brûle, reste la cendre et la lumière», dit son poème, tandis que «le vent mauvais s’épuise» et que «notre détermination à nous battre reste intacte». Pas de femmes parmi les auteurs de ces textes? «Si, une: moi», rétorque celle qui a jadis célébré Sappho de Mytilène, Rosa Luxembourg, Frida Kahlo ou Alfonsina Storni, rebelles et atypiques. Son texte pour Reste la lumière s’intitule «Mes Sœurs sorcières», parce que les fées l’«ennuient» et qu’en grec, le même mot (mágissa) désigne la sorcière et la magicienne.

(lire la suite sur Le Courrier)


vendredi 4 octobre 2019

Pierre Soulages, par Cristian Ronsmans



Réglons nos comptes et arrivé à l'échéance ultime je ne ferai aucun quartier. Dans l'espoir que je puisse en terminer à temps avant le départ.
Voici un texte que je publiai en septembre 2014.
Il concerne l'homme en noir, sorte de Fantomas de cathédrale en ruines, un certain Pierre Soulages dont je visitai le musée à sa gloire, avec Catherine B., à l'été 2014.
Le lendemain de cette visite, un lundi, , sur les 6h du mat., chez Catherine B, dont je vous reparlerai, je fus victime d'un AVC.
Vengeance de l'homme en noir. Possible.

Voici l'intégrale de mon texte écrit en septembre 2014/

Je n'en retranche pas une ligne, un mot, une virgule.


"Je vous avais promis un commentaire sur Pierre Soulages, son musée et ses créations. Le voici.
J’avoue avoir été longtemps soumis à l’autorité du préjugé concernant ce créateur, ne m’appuyant que sur ce que j’en avais vu dans des catalogues, des livres, des reproductions sur le net et sur les propres déclarations nombreuses (il est prolixe) de l’intéressé.

Or donc, il me fallait, c’est un minimum d’intelligence que je me rendisse sur place à Rodez dans le Debir du Maître pour en mon âme et conscience, non pas juger, mais, livrer mon sentiment, mes impressions, mon ressenti, mon analyse à la lumière de mon logos personnel, et ce n’est pas le plus simple, au vu de l’engouement populaire, en toute sérénité et indépendance d’esprit.

Aussi, avant d’entrer dans le vif du sujet, autrement dit de la critique (concept toujours considéré, hélas,comme négatif par la communauté) je tiens à dire que j’ai non seulement été intéressé par certaines créations mais, qui plus est, je les ai trouvées belles. Et je ne dis pas cela, car ce n’est pas mon genre, pour m’attirer les faveurs bienveillantes de tel ou tel. La preuve vous en sera donnée dans la suite de mon propos.

Commençons donc, si vous le voulez bien, par l’arrivée sur les lieux.

Le temps était au beau et Rodez resplendissait, comme de coutume, de cette magnificence affectée des villes mortes depuis des lustres , sans qu’elles en soient conscientes.
Les rayons du grand blond cuivraient les façades de la Cathédrale, à la sévérité défensive des forteresses moyenâgeuses, lui conférant cet air de vieille casserole gothique dans lesquels on confectionne les meilleurs brouets mystiques. « Croyant, à genoux, l’Eglise a un œil sur toi ! ».
Je connais bien la ville et comme je m’en doutais le musée était aux alentours du Foirail. Quelques panneaux indicateurs en indiquaient la direction.

Et même la direction d’un parking.

Soudain plus rien. Comme bien d’autres automobilistes, compagnons à 4 roues provisoires, je m’engageai dans le premier parking venu, non loin d’une immense bâtisse moderne, cubique et rouillée qui selon moi devait constituer l’antre du Maître.
De fait, quittant mon véhicule, le parking donnait sur un bâtiment quelconque baptisé « Carrefour » le long duquel je vis quelques paniers de ménagère à roulettes (les paniers, pas les ménagères !) et j’en conclus, à la lecture de cette enseigne, que le musée était bel et bien bunkerisé, expression architecturale de la « Lingua Quintae Reipublicae », fort à la mode aujourd’hui.

Nous (ma compagne et moi) n’étions pas bien loin du Temple Soulagien.
Un peu comme on gravit la butte du Lion à Waterloo, il nous fallu grimper tout un long escalier, lequel, au fur et à mesure de l’ascension nous permettait de découvrir les contreforts d’une succession de 6 à 7 blockhaus dont un seul, en fait, abritait les œuvres.

De mon point de vue, il me parait difficile de faire plus hideux. Des cubes d’acier calaminés jusqu’à l’os du métal. C’est à la mode, certes. J’avais, en effet, déjà vu cela dans le village du Broc en Auvergne, comme parure de la salle des fêtes. Ce calamiteux et calaminé décor faisait l’orgueil du Maire car cela valait son pesant de cacahouètes généreusement versées par les contribuables, hostiles aux arachides qui avaient tant fait grossir leur porte monnaie. Le « corten » puisque c’est de cela qu’il s’agit (c’est le nom de la ferraille) se vend à prix d’or !
A ce sujet, le Maître ruthénois qui ne peut résister (suffit de voir son expression pour s’en convaincre) à balancer une bonne vanne, n’hésite pas sur le prospectus qui vous est remis à l’entrée de s’exprimer sur son architecture oxydée en ces termes : « Plus les moyens sont limités, plus l’expression est forte ».

Ce premier contact, extérieur avec le musée, franchi, on pénètre enfin dans le lieu où, ne soyez pas trop gourmand, le Maître n’occupe qu’un seul niveau sur les 6 de ce seul blockhaus.

Cela étant, incontestablement l’intérieur de la casemate est infiniment plus sympathique que sa gueule de façade rébarbative. A priori, on peut se demander si les parois ne sont pas constituées du même acier qu’à l’extérieur mais pour le coup, lavé, nettoyé, rapproprié. Bref un métal nickel si j’ose dire avec de joli reflets bleutés, mâtinés de gris renvoyant une image un peu austère mais apaisante, sans agressivité. Assez neutre somme toute et cela va parfaitement convenir à l‘exposition du travail.
Et venons-y.
Qu’est ce que je fais, je parle de l’œuvre ou du bonhomme ?
Allons-y pour l’œuvre, je préfère garder le meilleur pour la fin.
Nous avons fait 2 fois et demi le tour du rez-de-chaussée de la casemate ce qui me semblait un minimum pour se faire une opinion.

Celui-ci est divisé en 6 thèmes. En gros, la période du noviciat, suivie, des œuvres de tâtonnement du style, puis les fameux brous de noix, dans la foulée, les cartons des vitraux de Conques, ensuite nous avons les exercices de styles (lithos etc..) et enfin l’apothéose du noir avec l’inénarrable (qu’on ne peut raconter) Outrenoir.

Le noviciat.
De mémoire, je n’ai pas de mal, c’est court ! ( et on comprend aisément pourquoi). On découvre 3 petites toiles ridicules de taille, d’inspiration et de technique, représentant quelques arbres maigrichons et rabougris. Trois « œuvres » du niveau d’un peintre amateur qui se serait initié à la méthode Bordas : « J’apprends à peindre », avant d’intégrer la première année d’académie.
Mais passons. On se dit qu’il fallait bien que cet élève, à priori peu doué, se fasse la main et le pinceau.

On en arrive, ensuite, à ce que j’appelle le tâtonnement de style qui se distingue par une approche d’une abstraction tragique, avec quelques relents de pointes cubistes. Une approche assez simple dans le fond tant pour l’artiste profane que pour le spectateur profane cultivant des allures de fidèle inspiré par ce monisme pictural !

Ca sent le Mondrian décoloré par l’Oréal et recoloré par l’adepte du brou à la noix. Vous savez ce Mondrian dont Dali disait dans une interview célèbre : Piet ! Piet ! Piet ! Niet !
Mais on ne peut s’empêcher de penser au ténébreux Mal est vitch arrivé avec son carré de chocolat (on se croirait dans Candy crunch) sur fond blanc gélatineux. On pense aussi à un André Beaudin saisi par un coup de blues cubiste dans un Temple protestant. Bref pas de quoi s’émouvoir.

Cependant, tout en cheminant dans ce dédale abstrait, je tombai enfin sur une toile qui retint mon attention. De larges bandes noires, tantôt horizontales, tantôt verticales dans un funèbre enchevêtrement se dessinaient à grands coups de spalter sur un fond grisâtre. Je restai bien évidemment insensible, sans la moindre émotion devant l’œuvre du Maître, quand soudain j’eus une vision. Je dis bien une vision, et non une émotion.

Une réminiscence vénitienne d’un moment vécu revint à la surface de ma conscience.

Avec une bonne dose d’imagination, à force de me torturer les méninges pour donner du crédit aux barbouillages abstraits, mais je ne manque pas d’imagination, s’imposât à moi l’image soudaine de mon déplacement sur la lagune de nuit dans une atmosphère aporétique et un épais brouillard d’où seuls émergeaient de fantomatiques « briccole » que je croyais retrouver chez Soulages.

Me voilà donc à cet instant entre une vision hallucinatoire et une trouble réminiscence d’un moment qui fut en effet un moment d’émotion dans un lointain passé.
Car c’est ce moment précis qui fit émotion. La toile ne fit que me la rappeler. Un peu comme le visage d’un inconnu vous rappelle soudain celui, émouvant, d’un être aimé.
Bref, je dis « in petto » merci à Soulages mais je m’en fichais éperdument. Je n’eus pas eu cette vision, que cela n’eut aucune incidence d’interpellation de mon vécu à l’insu de mon plein gré.
Mais peu m’importât

Et lancés dans notre inexorable parcours, ma compagne et moi avions déjà franchi le seuil de la salle suivante.
Là nous entrâmes dans le vif du sujet. La salle est impressionnante de proportions, mais cela se justifie en raison des dimensions qui avoisinent aisément celles des « Tintoretto » exposés au Palais des Doges dans la Sérénissime.

Ici le pompeux s’installe dans sa plus pure radicalisation immanente !

Au centre ce que je prenais pour un paravent rapporté par un voyageur égaré au pays de Gargantua, était en fait une toile recto/verso épaisse en couches noires diversement étendues. On m’avait, du reste, pour bien comprendre Soulages, invité à entrer dans « l’épaisseur de sa peinture ».

L’occasion se présentait.

Je tournais donc autour du monstre plat comme un allien passé au laminoir. Je le reniflais, flairais cherchant le moindre interstice qui me permettrait de me glisser entre les couches noires jetées à la truelle comme un vulgaire enduit de rebouchage.

Stupéfiant ! Pas la moindre faille. Plus abrupt que le mur de Fontainebleau, y a pas ! La paroi est infranchissable. Varape interdite et varape oustra aussi !!

Déconfit comme une vieille cuisse de canard usagée, je regardai en direction du mur est, sur le côté de la baie vitrée.

Face à moi une immense toile coupée en deux volets comme un dyptique, un pan tout noir et un pan noir hachuré horizontalement de blanc. Sur le côté, les mêmes toiles en formats plus petits. Sans doute les ébauches, les études comme faisaient les Delacroix, Géricault et autres artistes.
Je regardai cela, un moment, l’œil morne, impavide, sans ressenti particulier. Je ne trouvai cela ni beau ni moche. Je me souvins, soudainement, à cet instant des propos sentencieux du Maître : « Je ne dépeins pas, je peins »

Ce qui en dit long sur sa suffisance compensatrice de son insuffisance dans l’Art. Car bien sur qu’il ne dépeint pas. Ca se verrait. Mais étaler de la couleur avec quelques zébrures n’est pas peindre non plus. Ces « œuvres » de son aveu même ne représentent rien mais là, en l’occurrence, elles ne ressemblent à rien non plus.

Normal car il ne dépeint pas plus qu’il ne peint.

J’en étais là de mes ruminations, quand m’étant imperceptiblement approché du monument acrylo-glycérophtalique, j’eus l’illumination. Ce que je prenais à distance pour du noir était du brou de noix ! Sabre de bois ! Ah le coquin ! Le brou de noix, couleur brou de noix donc, astucieusement appliqué renvoyait à distance l’illusion de voir du noir et je n’y avais vu que du feu.

Ah l’habile bonhomme !!!

C’est incontestable, j’en avais la preuve sous le nez, ce Soulages est très fort.

En habile technicien, en artisan consommé, il arrivait à me faire prendre un AVC pour des lanternes. Il est à la peinture ce que Bernard Bilis, magicien connu est à l’émission de Sébastien « Le plus grand cabaret du monde ».
Et bien, moi je le dis haut et fort : Bravo Monsieur Soulages.
En dépit de vos allures de gentleman frimeur vous êtes la fierté de l’illusion humoristique de la France.
Fi des éternels ronchonneurs, des aigris et autres ramollis du bulbe car vous êtes un formidable technicien de la pâte à modeler !

Mais, bon, ce n’est pas tout ça. Ma compagne et moi allions à la découverte d’autres œuvres sidérantes. Un moment je crus découvrir, et m’en extasiais, une bien belle imitation de parquet de lames, au noir bien patiné par les ans, et je me disais que cela serait du plus bel effet pour lambrisser les murs de ma salle de bains.
Cruelle déconvenue. Une fois encore l’illusionniste m’avait bluffé. Tout était dans l’épaisseur (enfin la voilà) de la couleur sur une toile soigneusement marouflée !
Bien joué Soulages !!
Et enfin toujours dans la même salle, je découvris une grande, comment dire, « toile-sculpture », coupée en deux dans l’horizontalité cette fois. On aurait dit deux panneaux longs dans leur horizontale, l’un au dessus de l’autre, chacun ornementé de baguettes fines gainées de métal bleuté ou gris. Chaque baguette étant dans le prolongement exact de celle qui la surplombe et inversement.

Mais, non gros bêtas ! Ce ne sont pas de fines baguettes de métal ! Ce sont des coulures de peinture qui imitent le métal.

Visiblement Maître Soulages, Maître Jacques de la Couche et joyeux compagnon proposait une fois encore une création qui pour l’un des panneaux eut constitué un joli soubassement mural dans ma bibliothèque que j’aurais augmenté d’une belle moulure, ton sur ton, et rehaussé d’une toile de riz au teint mordoré de jaspes cuivrés.

Mais je n’étais pas venu, en dépit des talents incontestables de décorateur de notre hôte, pour ré envisager la déco de my sweet home.
Nous continuâmes donc notre visite par la salle des pas perdus (pour tout le monde) où s’exhibaient ce que je pris pour des Tofolli de jeunesse et qui en vérité constituait une partie du fond lithographique, sérigraphique etc… du Maître.

Entre temps, j’ai oublié de vous le dire, nous avions visité la salle la plus marrante car la plus exhibitionniste. Celle des cartons des fameux vitraux. Je reviendrai plus loin et avec prudence sur l’affaire des vitraux. Cela étant, le narcissisme de la salle des cartons vaut le déplacement pour ceux qui s’intéressent aux spécificités psychanalytiques liées aux postures que peut prendre « l’artiste qui s’y croit » ou finit par s’y croire.

C’est un point, par ailleurs et de façon générale, où je m’inscris en faux contre mon ami Ferry « boite » (comme dirait Pagnol) quand il parle de « blague ». Non, Luc, c’est de l’humour et de la provoc ! Faut dire, à ton corps défendant, que même Dagen, dont les jugements ne valent pas un pruneau, sauf pour quelques constipés de l’art « du même temps que », ne s’en était pas rendu compte !

Nous allions quitté les casemates et sa foule bigarrée qui vient des quatre coins de l’hexagone à pointe cubique quand ma compagne me signalât qu’il y avait peut-être bien une autre salle que nous n’aurions vue, plutôt dissimulée et qu’en somme il faut mériter.

Et combien nous aurions eu grand tort de ne pas y pénétrer pour y admirer le clou du spectacle.

La salle est grande, majestueuse. Elle contraste par la blancheur immaculée de ses murs avec les autres salles et rend un effet des plus pompeux par la mise en valeur du noir des grandes fresques enténébrées avec ce regard glacial du couteau mortel trempé dans l’encre de seiche !
Ici cela sent bon le jansénisme.

Ce n’est pas une cathédrale d’artiste. O non !! C’est l’abbaye de Port Royal du Pierre Lescot de l’outrenoir.

Grandiloquent, certes mais beau !

L’outrenoir n’a rien d’outrancier aux yeux de l’outre quiévrain, comme moi, qui par atavisme, se serait réjouit pour une fois qu’une toile portasse un nom, celui-ci fut : « Ceci n’est pas du noir ».
Mais chez les jansénistes on ne rigole pas.

Cela étant si ma compagne crut, dans une œuvre, distinguer une plage caribéenne avec ses cocotiers sous un soleil couchant, terre de Sienne, personnellement je ne vis dans l’ensemble général que l’aile protectrice de la divinité Hybris exhibant ses coursiers funèbres issus de l’effroyable Erèbe.

Coursiers funèbres que l’on verrait davantage hanter les sièges de sociétés bancaires dans Zurich la froide, ennoblir le catalogue de la Ligne Roset, ou encore meubler les palais défraîchis et poussiéreux des antiques pouvoirs chancelants d’une République en ruine. Fantômes d’une liberté disparue.
Voilà pour la visite. Venons en maintenant au personnage.
Au fond, il ya peu de choses à en dire, tant Soulages est son propre agent de communication. L’homme est un véritable Maître en scène.

Et je conseille vivement de regarder le petit film qu’il s’est consacré à lui-même. Où l’on découvre une sorte de hobereau ruthénois tel le faucon éponyme, esquissant tantôt un sourire ambigu, coulissant du regard, condescendant à lâcher une bribe de phrase à quelque ouvrier de Saint Gobain en blouse blanche qui atteste de sa condition médiocre d’agent de maîtrise devant le Maître.

Et l’on voit aussi dans ce petit film combien le Maître en scène est bigrement intelligent et use de toutes les mises en valeurs possibles de sa personne. Jusqu’à sa taille par exemple. Il en joue à merveille. Il est grand, très grand. Ce qui lui permet de toiser le commun des mortels. Tellement intelligent, est-il, qu’il se grandit sans cesse. A 92 ans, il mesure 1m92 et on peut, dès lors gager, que centenaire il fera deux mètres.

Cette taille renforce en outre sa psychorigidité naturelle liée au rigorisme de sa pensée froide, implacable, dénuée de sensibilité liée à un jansénisme impitoyable. Soulages fait un peu peur à beaucoup et c’est bien son but.

Soulages est une sorte de Christ, chenu, un vieillard roide, vêtu de noir, qui s’avance lentement sur les eaux sombres du Léthé. Il est ce Charon, psychopompe au pourpoint funèbre qui vous fera traverser l’Achéron pour vous déposer sur les berges mortes de l’Hadès de l’art « du même temps que ». Psychopompe et psychopompeux, tel est ce cobra désincarné !

Et tout cela en vous faisant avaler son ultime couleuvre, l’abstraction gestuelle. Oui, je sais, il est assez difficile de ne pas s’esclaffer mais essayons de rester dignes.
Car il serait injuste de lui faire le procès de ne pas posséder un certain savoir-faire à défaut d’avoir quelque chose à faire savoir. Ce qu’en effet il ne revendique pas.
C’est un bel artisan, habile technicien, il a réussi en effet à partir de son outrenoir à créer une certaine luminosité qui n’a rien à voir avec la Lumière. Son refus métaphysique est assez clair, du reste.

Aussi pour quel motif vouloir transfigurer un bon artisan d’excellente facture, un bon communicant en l’artiste français vivant le plus prodigieux que nous possédions ?

Qu’est ce que cette icônerie ?
Je ne vous ferai pas l’injure de citer quelques peintres français vivants qui eussent pu aisément faire l’affaire, tel Gérard Garrouste, au hasard. Enfin presque !

J’ajouterais que s’il ne faut pas prendre les mots pour des idées, et chercher l’Idée sous le symbole (car l’Art est une voie royale d’initiation, pratiquée en solitaire) de la même façon il ne faut pas prendre une vision, pire une hallucination pour une émotion.

D’autant plus que l’émotion doit être traduite. Ce que je m’en vais vous expliquer.

Aussi je crois qu’il est grand temps de faire un cours succinct de l’histoire non de l’art mais de l’esthétique et de son positionnement dans l’histoire de l’Art. Il est du reste un livre « Le sens du Beau » de Luc Ferry « boite » que je conseille vivement et en particulier à Philippe Dagen, qui ne brille guère dans l’obscurité de ses pensées, pas plus que ses amis du marché de l’art, les Chalumeau, et consort.

Succinctement, il fut un temps où l’artiste était ni plus ni moins qu’un intercesseur entre le Divin et les hommes.
Déjà à cette époque il y avait un marché de l’art où on se disputait les grands artistes.
La concurrence entre les Sforza et les Médicis sous cet angle était rude à l’époque.
Mais à la différence de nos Pinault et Arnault d’aujourd’hui les artistes n’étaient pas côtés à Sotheby’s pas plus que les richissimes acquéreurs côtés en bourse.
L’œuvre d’art n’avait pas encore atteint les sommets de vénalité que l’on connait.
Certes il y avait des boutiques ou Ateliers avec les Maîtres et petits Maîtres mais non des écuries comme disent les galeristes, maquignons qui se paient en peau de peintre.
Avec le temps, l’artiste commença à comprendre sous l’influence de la réforme combien sa position avait évoluée au regard de son génie propre. Et d’avoir fait trop longtemps un grand écart entre une œuvre qui réponde aux nécessités de l’harmonie cosmique et au besoin impérieux du génie humain.

Je vais assez rapidement car toute cette genèse lente trouva une première étape décisive aux alentours de 1750 avec la querelle des Anciens et de Modernes. Littéraire d’abord, elle n’allait guère tarder à gagner le monde de l’Art.
C’est à peu près à la même époque qu’allait survenir deux évènements majeurs :
1. La publication de l’Aesthetica de Gottlieb Baumgarten (d’où le concept d’esthétique)
2. L’arrivée du sentencieux Emmanuel Kant

Baumgarten va mettre en évidence la logique impérieuse du confus qui doit dominer chez l’artiste pour accéder à une logique du sensible. Et donc conduire à une connaissance par le sensible et connaissance du sensible.
Ce qui revient à dire que pour Baumgarten cette esthétique doit produire une émotion émanant du champ du sensible et être traduite en une connaissance. On y est.

Seulement voilà. Il y eut Kant. !
Kant est un problème et avait un problème.
Comme tout bon philosophe du Siècle des Lumières, Kant souhaite, veut, exige que la philosophie soit globalisante. Une « philosophie du tout » en somme qui embrasse toutes les disciplines scientifiques comme artistiques.
Rien ne doit lui échapper.
C’est ainsi pour l’exemple, que la philosophie allait aliéner la métaphysique à sa théorie globalisante quand précisément la métaphysique eut une part non négligeable et même importante dans la genèse de la philosophie.
Bref, tout fonctionnait bien jusqu’à ce que le père de la « Cripure de la raison Tique » (voir Louis Guilloux et « Le sang noir ») se heurtât à l’Art.
Kant se montra incapable de conceptualiser l’Art pour mieux se différencier de son antique concurrent, Platon, qui professait le Beau comme l’Idée de la Vérité.
Que faire pour Kant ? Face à cette impasse, il ne lui restait plus qu’à se faire hara-kiri. Rendre à l’Art son indépendance et mieux d’aller jusqu’à en défendre farouchement son indépendance (fort bien) au prix inique, cela étant, pour retrouver une forme d’autorité intellectuelle, de définir, lui Kant, ce qui relève de l’Art ou non à l’aune de sa « Critique du jugement de goût ».

Ah, le goût. « Les goûts et les couleurs, ça ne se discute pas. Sauf qu’on ne cesse d’en parler ! ». Nietzsche.

Premier axiome kantien : Le goût dicte le beau. Il en est le juge en vertu du plaisir esthétique. Il commence quand il se détache du simple plaisir sensuel qui dicte le jugement de goût.

Deuxième axiome : Le goût n’est pas de ce fait affaire de sensualité et moins encore de sensiblerie, mais de jugement.

Troisième axiome : Il faut rechercher un élément d’universalité dans le jugement de goût. Autrement dit, si nous sommes plusieurs, sans pouvoir conceptualiser le beau, à l’instar de Kant (in ne faut pas défier le Maître) que l’ensemble de nos jugements face consensus qui de fait devient principe d’universalité.
Quatrième axiome : « On ne dispute pas du goût, on en discute ».
Pour illustrer sa théorie, Emmanuel ne recule devant rien.
En voici un exemple :
Si je dis : « L’odeur de cette rose m’est agréable », il s’agit d’un jugement subjectif, lié à ma sensualité, ma sensibilité.

Idem si je dis que cette rose est rouge. C’est purement sensuel car un daltonien la verra verte et éternelle.
En revanche, et il ne manque pas d’air le Manu Kant, si je dis « la rose est belle », mon jugement est un jugement de goût indépendant de ma sensibilité qui prétend à l’Universel. Universel, si il se trouve un nombre suffisant de gens qui ont autant de « mauvais goût » que vous et moi pour confirmer mon jugement. Il peut arriver qu’on découvre un nombre aussi important de gens qui ont « bon goût » comme vous et moi.

C’est ainsi, au nom de cette sotte prétention d’un philosophe incapable de conceptualiser, d’objectiver l’Art, d’en dégager l’Idée que la porte fut grande ouverte aux imposteurs de l’Art qui ne craignaient pas grand-chose si ce n’est de se retrouver sur le marché juteux de l’Art au motif qu’un tas de gens étaient en accord d’universalité.
Et une grande porte ouverte aussi à une joyeuse bande d’experts, de spécialistes, tant amateurs effrénés que de critiques professionnels pas moins sectateurs du nouvel art, l’art « du même temps que », décrypteurs de l’impossible décryptage (à se demander pourquoi ils n’ont pas encore décrypter le « code Voynich »), tantôt thuriféraires de ces créations d’ artistes « du même temps que » où trop souvent, la surenchère à une pseudo originalité et l’imposture généralisée sont de mise et tantôt contempteurs violents de ces foutus réactionnaires nostalgiques probablement de l’art mussolinien, qui ont pour seule faute tout en appréciant l’art « du même temps que » d’en dénoncer les innombrables « foutages de gueule » d’une part et l’inculture généralisée, d’autre part et dont, pour un peu on m’accuserait volontiers avec une rage indescriptible. Indescriptible ? Pas pour Soulages, sans doute.
Mais on voit bien, dans ce court exposé, tout le décalage idiot qu’il y a entre Kant qui a ouvert la boite de Pandore et ces centaines de milliers de gens qui se bousculent aux expositions.

Car au nom de quel critère prétendent-ils que je dois avec eux m’extasier devant le génie de pseudos artistes, sous le prétexte qu’ils détiennent la vérité par la force du nombre dans leur critique commune du jugement de goût ? Au nom de cette émotion qui serait universellement ressentie ou de cette émotion qu’il convient de ressentir quoiqu’on en pense en réalité?

Or Kant a bien expliqué que l’émotion n’a rien à voir là dedans ! Et ça c‘est un premier hiatus !
Or, si je ne suis pas d’accord avec Kant au motif, mais je suis platonicien (on l’aura compris) que si pour moi l’émotion est prépondérante, elle n’est qu’un point d’appui.

Un point d’appui pour transformer cette émotion en Connaissance. Ce que Platon appelait « l’Idée » dans sa théorie du Beau.
Or le public dont il est question ne se gène pas pour s’appuyer sur le consensus émotionnel (que réfute Kant) pour mieux l’universaliser. Deuxième hiatus.

Diable ! Ou, mon Dieu ! Qu’il est difficile de supporter l’inculture généralisée. Je n’irai pas plus avant sur ce sujet de l’inculture, j’en aurais pour un bon moment et vous n’en auriez pas eu la patience. C’est très polémique comme sujet et je n’aime guère les polémiques !

Pas de polémique, Victor !

Déjà que si vous en êtes, de cette lecture, arrivés ici, sans m’avoir agoni d’injures, vous bénéficiez d’une extraordinaire faculté d’équanimité.

Aussi et pour clore, revenons à Soulages.
Soulages n’est pas un imposteur ! Une partie de son public, oui !!!
Bien sûr son travail est profondément ennuyeux car s’il est un remarquable technicien qui peut faire avancer le travail des peintres dans une approche différente de la technique et dont la cible est, par conséquent, les professionnels de l’Art, cela n’a aucun intérêt patent pour un public peu averti. Qui aurait envie de suivre les cours de solfège dispensés par Alexandre Tharaud ou Aldo Ciccolini ?

Pour être plus clair, Soulages n’est pas un immense artiste. Même pas un artiste au sens où on l’entendait quand on développât le concept de classification des Beaux-Arts.

On peut à la limite le considérer comme un artiste si on indexe son œuvre à celle d’un habile manœuvrier qui ne serait autre qu’un habile artisan. Et j’ai du respect pour les artisans.

J’en finirai provisoirement sur ce chapitre consacré à Pierre Soulages avec l’affaire des vitraux. Je ne les ai pas vus. J’avoue ! Cela étant, j’ai connu Conques avant les vitraux.

Je n’en ai vu que des photographies. Et je regrette de n’avoir pas eu le temps nécessaire de les voir. Pour le peu, les photos, de ce que j’ai vu cela me semble être d’un profond ennui et d’une épouvantable tristesse, une tristesse janséniste au sein d’un fleuron de l’art roman, si brillant, si émouvant, si humain entre ciel et terre.

J’ai lu quelques déclarations de Soulages sur son approche du vitrail.
Ainsi annonce-t-il, entre autre, sa volonté de faire entrer la lumière naturelle dans l’édifice. Qu’est ce que c’est que cette plaisanterie ?

Primo le meilleur moyen de faire entrer la lumière naturelle consiste à ne lui opposer aucun obstacle. Ce fut souvent le cas dans les églises et abbayes romanes, temples de paix et de sérénité en harmonie avec le cosmos à la différence du gothique qui avait pour but , non de montrer la puissance du divin, mais celle de l’Eglise.

Secundo, quand il y a des vitraux, ceux-ci répondent à un objectif précis. Il y est, en effet, c’est vrai, question de lumière. Mais plus exactement de « Lumière ».

Le vitrail est une parabole qui exprime la Parole, le Verbe divin. Il s’agit donc ici, ni plus ni moins, de la Lumière qui n’est autre que le Verbe.

Rien à voir avec la lumière du petit matin blême.

C’est pourquoi, à priori, je préfère largement chez les artistes de notre temps, l’œuvre d’un Marc Chagall ou encore celle d’un Georges Rouault.

Mais je retournerai un jour à Conques.

Au revoir Monsieur Soulages "


Cristian Ronsmans

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Texte protégé par copyright

Publié de nouveau en septembre 2019


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dimanche 25 août 2019

Denis Tellier, Ernest (poème)

Ernest


Envie d'être avec toi,
D'entendre ta voix,
ton rire, ta gouaille.
Partager un cigare et des cocktails.
Regarder tes mains expliquer
ce que sera demain.
Tes lèvres qui chuchotent dans ta barbe.
Tes yeux bleus et ton regard intense.
Ta bouille de bourlingueur.
Dis-moi,
Comment ça va Hemingway ?
Je n'ai plus de nouvelles de toi.


© Denis Tellier





manuscrit Denis T


De très nombreux articles de ce blog ont déjà été consacrés à mon ami Denis Tellier.



ICI



© photo Denis Tellier

Fernando Pessoa, Lorsque viendra le printemps


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photo du Net
Fernando Pessoa (1888-1935)



Lorsque viendra le printemps,
si je suis déjà mort,
les fleurs fleuriront de la même manière
et les arbres ne seront pas moins verts
qu’au printemps passé.
La réalité n’a pas besoin de moi.

J’éprouve une joie énorme
à la pensée que ma mort n’a aucune importance.

Si je savais que demain je dois mourir
et que le printemps est pour après-demain,
je serais content de ce qu’il soit pour après-demain.
Si c’est là son temps, quand viendrait-il sinon
en son temps ?
J’aime que tout soit réel et que tout soit précis ;
et je l’aime parce qu’il en serait ainsi, même
si je ne l’aimais pas.
C’est pourquoi, si je meurs sur-le-champ, je meurs content,
parce que tout est réel et tout est précis.

On peut, si l’on veut, prier en latin sur mon cercueil.
On peut, si l’on veut, danser et chanter tout autour.
Je n’ai pas de préférences pour un temps où je ne pourrai plus avoir de préférences.
Ce qui sera, quand cela sera, c’est cela qui sera ce qui est.


Fernando Pessoa – Lorsque viendra le printemps (Quando vier a Primavera, 1915)


Fernando Pessoa (1888-1935) – Le Gardeur de troupeaux (Poésie/Gallimard) – Traduit du portugais par Armand Guibert.




Quando vier a Primavera,
Se eu já estiver morto,
As flores florirão da mesma maneira
E as árvores não serão menos verdes que na Primavera passada.
A realidade não precisa de mim.

Sinto uma alegria enorme
Ao pensar que a minha morte não tem importância nenhuma

Se soubesse que amanhã morria
E a Primavera era depois de amanhã,
Morreria contente, porque ela era depois de amanhã.
Se esse é o seu tempo, quando havia ela de vir senão no seu tempo?
Gosto que tudo seja real e que tudo esteja certo;
E gosto porque assim seria, mesmo que eu não gostasse.
Por isso, se morrer agora, morro contente,
Porque tudo é real e tudo está certo.

Podem rezar latim sobre o meu caixão, se quiserem.
Se quiserem, podem dançar e cantar à roda dele.
Não tenho preferências para quando já não puder ter preferências.
O que for, quando for, é que será o que é.

7-11-1915











"Imaginons que, dans les années 1910-1920, Valéry, Cocteau, Cendrars, Apollinaire et Larbaud aient été un seul et même homme, caché sous plusieurs "masques" : on aura une idée de l'aventure vécue à la même époque au Portugal par celui qui a écrit à lui tout seul les œuvres d'au moins cinq écrivains de génie, aussi différents à première vue les uns des autres que les poètes français que j'ai cités. 

Robert Bréchon dans la préface de la Pléiade consacrée à Fernando Pessoa en 2001.

France Culture






Fernando Pessoa Heteronimia, du peintre Bottelho (2012)
Fernando Pessoa Heteronimia, du peintre Bottelho (2012)• Crédits : Bottelho / Wiki commons


"Peu avant sa mort, dans une lettre adressée au critique Casais Monteiro, Pessoa s'expliquera sur la genèse des hétéronymes. Elle remonte à l'enfance, avec la création du « Chevalier de pas, héros de mes six ans », chargée de combler le vide affectif dont il souffre. A sa mort, la malle où il entassait ses manuscrits a révélé des milliers de pages d'écrits insoupçonnés (près de trente mille pages de textes, touchant à tous les genres excepté le roman) et que l’on n'a pas encore totalement mis à jour. "
France Culture


mercredi 21 août 2019

Pablo Neruda, Ode à Federico Garcia Lorca







Image associée









Si je pouvais pleurer de peur dans une maison abandonnée,
si je pouvais m'arracher les yeux et les manger,
je le ferais pour ta voix d'oranger endeuillé
et pour ta poésie qui jaillit en criant.

Parce que pour toi l'on peint en bleu les hôpitaux
et poussent les écoles, les quartiers maritimes,
et les anges blessés se peuplent de plumes,
et les poissons nuptiaux se coùvrent d'écailles,
et les hérissons s'envolent vers le ciel :
pour toi les ateliers avec leurs membranes noires
se remplissent de cuillères et de sang
et avalent des ceintures déchirées, et se tuent de baisers,
et s'habillent en blanc.

Lorsque tu voles vêtu de pêches,
lorsque tu ris avec un rire de riz furieux,
lorsque tu secoues pour chanter les artères et les dents,
la gorge et les doigts,
je mourrais pour ta douceur,
je mourrais pour les lacs rouges
où tu vis au milieu de l'automne
avec un coursier déchu et un dieu ensanglanté,
je mourrais pour les cimetières
qui passent comme des fleuves cendreux
d'eau et de tombes,
la nuit, entre des cloches étouffées :
fleuves épais comme des dortoirs
de soldats malades, qui tout à coup montent
vers la mort sur des fleuves avec des numéros de marbre
et des couronnes pourries, et des huiles funéraires :
je mourrais pour te voir la nuit
regarder passer les croix noyées,
debout en pleurant,
car face au fleuve de la mort tu pleures
éperdument, douloureusement,
tu pleures en pleurant, les yeux pleins
de larmes, de larmes, de larmes.

Si je pouvais la nuit, éperdument seul,
accumuler oubli et ombre et fumée
sur les chemins de fer et les bateaux à vapeur,
avec un obscur entonnoir,
en mordant les cendres,
je le ferais pour cet arbre où tu pousses,
pour l'eau dorée des nids que tu rassembles,
et pour le liseron qui te couvre les os
et te livre le secret de la nuit.

Des villes à l'odeur d'oignon mouillé
attendent que tu passes en chantant à voix rauque,
de silencieux bateaux de sperme te poursuivent,
et des colombes vertes ont fait leur nid sur tes cheveux,
et puis des coquilles et des semaines,
des mâts torses et des cerises
circulent définitivement lorsque s'avancent
les quinze yeux de ta tête pâle
et ta bouche de sang submergée.

Si je pouvais remplir de suie les mairies
et, en sanglotant, renverser les horloges,
ce serait pour voir quand dans ta maison
survient l'été avec les lèvres déchirées,
surviennent beaucoup de personnes en tenue agonisante,
surviennent des régions de triste splendeur,
surviennent des charrues mortes et des coquelicots,
surviennent des fossoyeurs et des cavaliers,
surviennent des planètes et des cartes ensanglantées,
surviennent des plongeurs couverts de cendre,
surviennent des gens masqués traînant des jeunes filles
transpercées par de grands couteaux,
surviennent des racines, des veines, des hôpitaux,
des sources, des fourmis,
survient la nuit avec le lit
où meurt entre les araignées un hussard solitaire,
survient une rose de haine et d'épingles,
survient une embarcation jaunâtre,
survient un jour de vent avec un enfant,
quand je surviens moi-même avec Oliverio, Norah,
Vicente Aleixandre, Delia,
Maruca, Malva Marina, Maria Luisa y Larco,
la Rubia, Rafael Ugarte,
Cotapos, Rafael Alberti,
Carlos, Bebé, Manolo Altolaguirre,
Molinari,
Rosales, Concha Méndez,
et d'autres que j'oublie.
Laisse-moi te couronner, jeune homme paré de vigueur
et d'un papillon, jeune homme pur
semblable à un éclair noir perpétuellement libre,
et en bavardant entre nous,
à présent, quand il n'y a plus personne entre les rochers,
parlons simplement tel que tu es et tel que je suis:
à quoi servent les vers si ce n'est à la rosée?

A quoi servent les vers si ce n'est pour cette nuit
où un poignard amer nous transperce, pour ce jour,
pour ce crépuscule, pour ce coin brisé
où le cœur frappé de l'homme se dispose à mourir?

La nuit surtout,
la nuit il y a beaucoup d'étoiles,
qui sont toutes dans un fleuve
comme un ruban près des fenêtres
des maisons pleines de pauvres gens.

Parmi eux quelqu'un est mort, ils ont peut-être
perdu leurs places dans les bureaux,
dans les hôpitaux, dans les ascenseurs,
dans les mines,
les êtres souffrent obstinément blessés
et il y a des résolutions et des pleurs de tous côtés:
pendant que les étoiles coulent dans un fleuve interminable
il y a beaucoup de pleurs aux fenêtres.
il y a beaucoup de seuils usés par les pleurs,
les alcôves sont mouillées de pleurs
qui arrivent sous forme de vague pour mordre les tapis.

Federico,
tu vois le monde, les rues,
le vinaigre,
les adieux dans les gares
quand la fumée élève ses roues décisives
vers un lieu où il n'y a rien sinon
quelques barrières, quelques pierres, quelques voies
ferrées.

Il y a tant de gens qui posent des questions
de tous côtés.
Il y a l'aveugle sanglant, et l'irascible, et le
découragé,
et le misérable, l'arbre des ongles,
le brigand avec la jalousie aux trousses.

Telle est la vie, Federico, tu as ici
les choses que peut t'offrir mon amitié
d'homme viril et mélancolique.
Tu sais déjà beaucoup de choses par toi-même,
et tu en apprendras d'autres lentement.


Dans Résidence sur la Terre, Poésie Gallimard. Page 115-119.
Traduit de l'espagnol par Guy Suarès, préface de Julio Cortazar,
Collection Poésie/Gallimard (No 83) (1972),





Oda a Federico Garcìa Lorca

Si pudiera llorar de miedo en una casa sola,
si pudiera sacarme los ojos y comérmelos,
lo haría por tu voz de naranjo enlutado
y por tu poesía que sale dando gritos.

Porque por ti pintan de azul los hospitales
y crecen las escuelas y los barrios marítimos,
y se pueblan de plumas los ángeles heridos,
y se cubren de escamas los pescados nupciales,
y van volando al cielo los erizos:
por ti las sastrerías con sus negras membranas
se llenan de cucharas y de sangre
y tragan cintas rotas, y se matan a besos,
y se visten de blanco.

Cuando vuelas vestido de durazno,
cuando ríes con risa de arroz huracanado,
cuando para cantar sacudes las arterias y los dientes,
la garganta y los dedos,
me moriría por lo dulce que eres,
me moriría por los lagos rojos
en donde en medio del otoño vives
con un corcel caído y un dios ensangrentado,
me moriría por los cementerios
que como cenicientos ríos pasan
con agua y tumbas,
de noche, entre campanas ahogadas:
ríos espesos como dormitorios
de soldados enfermos, que de súbito crecen
hacia la muerte en ríos con números de mármol
y coronas podridas, y aceites funerales:
me moriría por verte de noche
mirar pasar las cruces anegadas,
de pie llorando,
porque ante el río de la muerte lloras
abandonadamente, heridamente,
lloras llorando, con los ojos llenos
de lágrimas, de lágrimas, de lágrimas.

Si pudiera de noche, perdidamente solo,
acumular olvido y sombra y humo
sobre ferrocarriles y vapores,
con un embudo negro,
mordiendo las cenizas,
lo haría por el árbol en que creces,
por los nidos de aguas doradas que reúnes,
y por la enredadera que te cubre los huesos
comunicándote el secreto de la noche.

Ciudades con olor a cebolla mojada
esperan que tú pases cantando roncamente,
y golondrinas verdes hacen nido en tuo pelo,
y silenciosos barcos de esperma te persiguen,
y además caracoles y semanas,
mástiles enrollados y cerezas
definitivamente circulan cuando asoman
tu pálida cabeza de quince ojos
y tu boca de sangre sumergida.

Si pudiera llenar de hollín las alcaldías
y, sollozando, derribar relojes,
sería para ver cuándo a tu casa
llega el verano con los labios rotos,
llegan muchas personas de traje agonizante,
llegan regiones de triste esplendor,
llegan arados muertos y amapolas,
llegan enterradores y jinetes,
llegan planetas y mapas con sangre,
llegan buzos cubiertos de ceniza,
llegan enmascarados arrastrando doncellas
atravesadas por grandes cuchillos,
llegan raíces, venas, hospitales,
manantiales, hormigas,
llega la noche con la cama en donde
muere entre las arañas un húsar solitario,
llega una rosa de odio y alfileres,
llega una embarcación amarillenta,
llega un día de viento con un niño,
llego yo con Oliverio, Norah
Vicente Aleixandre, Delia,
Maruca, Malva Marina, María Luisa y Larco,
la Rubia, Rafael Ugarte,
Cotapos, Rafael Alberti,
Carlos, Bebé, Manolo Altolaguirre,
Molinari,
Rosales, Concha Méndez,
y otros que se me olvidan.

Ven a que te corone, joven de la salud y
de la mariposa, joven puro
como un negro relámpago perpetuamente libre,
y conversando entre nosotros,
ahora, cuando no queda nadie entre las rocas,
hablemos sencillamente como eres tú y soy yo:
para qué sirven los versos si no es para el rocío?
Para qué sirven los versos si no es para esa noche
en que un puñal amargo nos averigua, para ese día,
para ese crepúsculo, para ese rincón roto
donde el golpeado corazón del hombre se dispone a morir?

Sobre todo de noche,
de noche hay muchas estrellas,
todas dentro de un río
como una cinta junto a las ventanas
de las casas llenas de pobres gentes.

Alguien se les ha muerto, tal vez
han perdido sus colocaciones en las oficinas,
en los hospitales, en los ascensores,
en las minas,
sufren los seres tercamente heridos
y hay propósito y llanto en todas partes:
mientras las estrellas corren dentro de un río interminable
hay mucho llanto en las ventanas,
los umbrales están gastados por el llanto,
las alcobas están mojadas por el llanto
que llega en forma de ola a morder las alfombras.

Federico,
tú ves el mundo, las calles,
el vinagre,
las despedidas en las estaciones
cuando el humo levanta sus ruedas decisivas
hacia donde no hay nada sino algunas
separaciones, piedras, vías férreas.

Hay tantas gentes haciendo preguntas
por todas partes.
Hay el ciego sangriento, y el iracundo, y el
desanimado,
y el miserable, el árbol de las uñas,
el bandolero con la envidia a cuestas.

Así es la vida, Federico, aquí tienes
las cosas que te puede ofrecer mi amistad
de melancólico varón varonil.
Ya sabes por ti mismo muchas cosas.
Y otras irás sabiendo lentamente.

Pablo Neruda

Residencia en la tierra, II (1931-1935), Cruz y Raya, Madrid, 1935