mercredi 31 décembre 2014

Je hais le Nouvel An, Antonio Gramsci



http://dormirajamais.org/gramsci-2/


JE HAIS LE NOUVEL AN, PAR ANTONIO GRAMSCI.


Chaque matin, à me réveiller encore sous la voûte céleste, je sens que c’est pour moi la nouvelle année. C’est pourquoi je hais ces nouvel an à échéance fixe qui font de la vie et de l’esprit humain une entreprise commerciale avec ses entrées et sorties en bonne et due forme, son bilan et son budget pour l’exercice à venir. Ils font perdre le sens de la continuité de la vie et de l’esprit. On finit par croire sérieusement que d’une année à l’autre existe une solution de continuité et que commence une nouvelle histoire, on fait des résolutions et l’on regrette ses erreurs etc. etc. C’est un travers des dates en général. On dit que la chronologie est l’ossature de l’Histoire; on peut l’admettre. Mais il faut admettre aussi qu’il y a quatre ou cinq dates fondamentales que toute personne bien élevée conserve fichée dans un coin de son cerveau et qui ont joué de vilains tours à l’Histoire. Elles aussi sont des nouvel an. Le nouvel an de l’Histoire romaine, ou du Moyen Âge, ou de l’Époque moderne. Et elles sont devenues tellement envahissantes et fossilisantes que nous nous surprenons nous-mêmes à penser quelquefois que la vie en Italie a commencé en 752, et que 1490 ou 1492 sont comme des montagnes que l’humanité a franchies d’un seul coup en se retrouvant dans un nouveau monde, en entrant dans une nouvelle vie. Ainsi la  date devient un obstacle, un parapet qui empêche de voir que l’histoire continue de se dérouler avec la même ligne fondamentale et inchangée, sans arrêts brusques, comme lorsque au cinéma la pellicule se déchire et laisse place à un intervalle de lumière éblouissante.Voilà pourquoi je déteste le nouvel an. Je veux que chaque matin soit pour moi une année nouvelle. Chaque jour je veux faire les comptes avec moi-même, et me renouveler chaque jour. Aucun jour prévu pour le repos. Les pauses je les choisis moi-même, quand je me sens ivre de vie intense et que je veux faire un plongeon dans l’animalité pour en retirer une vigueur nouvelle. Pas de ronds-de-cuir spirituels. Chaque heure de ma vie je la voudrais neuve, fût-ce en la rattachant à celles déjà parcourues. Pas de jour de jubilation aux rimes obligées collectives, à partager avec des étrangers qui ne m’intéressent pas. Parce qu’ont jubilé les grands-parents de nos grands parents etc., nous devrions nous aussi ressentir le besoin de la jubilation. Tout cela est écœurant.
Antonio Gramsci, 1er janvier 1916 sur l’Avanti!, édition de Turin, rubrique « Sotto la Mole »
Traduit par Olivier Favier.



Odio il capodanno

Ogni mattino, quando mi risveglio ancora sotto la cappa del cielo, sento che per me è capodanno.Perciò odio questi capodanni a scadenza fissa che fanno della vita e dello spirito umano un’azienda commerciale col suo bravo consuntivo, e il suo bilancio e il preventivo per la nuova gestione. Essi fanno perdere il senso della continuità della vita e dello spirito. Si finisce per credere sul serio che tra anno e anno ci sia una soluzione di continuità e che incominci una novella istoria, e si fanno propositi e ci si pente degli spropositi, ecc. ecc. È un torto in genere delle date.Dicono che la cronologia è l’ossatura della storia; e si può ammettere. Ma bisogna anche ammettere che ci sono quattro o cinque date fondamentali, che ogni persona per bene conserva conficcate nel cervello, che hanno giocato dei brutti tiri alla storia. Sono anch’essi capodanni. Il capodanno della storia romana, o del Medioevo, o dell’età moderna. E sono diventati cosí invadenti e cosí fossilizzanti che ci sorprendiamo noi stessi a pensare talvolta che la vita in Italia sia incominciata nel 752, e che il 1490 0 il 1492 siano come montagne che l’umanità ha valicato di colpo ritrovandosi in un nuovo mondo, entrando in una nuova vita. Così la data diventa un ingombro, un parapetto che impedisce di vedere che la storia continua a svolgersi con la stessa linea fondamentale immutata, senza bruschi arresti, come quando al cinematografo si strappa la film e si ha un intervallo di luce abbarbagliante.Perciò odio il capodanno. Voglio che ogni mattino sia per me un capodanno. Ogni giorno voglio fare i conti con me stesso, e rinnovarmi ogni giorno. Nessun giorno preventivato per il riposo. Le soste me le scelgo da me, quando mi sento ubriaco di vita intensa e voglio fare un tuffo nell’animalità per ritrarne nuovo vigore. Nessun travettismo(1). Ogni ora della mia vita vorrei fosse nuova, pur riallacciandosi a quelle trascorse. Nessun giorno di tripudio a rime obbligate collettive, da spartire con tutti gli estranei che non mi interessano. Perché hanno tripudiato i nonni dei nostri nonni ecc., dovremmo anche noi sentire il bisogno del tripudio. Tutto ciò stomaca.
Antonio Gramsci, 1° Gennaio 1916 su l’Avanti!, edizione torinese, rubrica « Sotto la Mole »

La voce « travettismo » è derivata dal piemontesismo « travet » che designa un « impiegato di basso livello e mal retribuito che svolge scrupolosamente un lavoro monotono e, anche, poco gratificante (e, con valore ironico, ne indica la mancanza di personalità, di iniziativa e di motivazioni) » (Grande Dizionario della Lingua Italiana). Si tratta del nome del protagonista della commedia piemontese di Vittorio Bersezio Le miserie di Monsù Travet (1862) divenuto il paradigma dell’impiegato dalla vita grigia e con prospettive limitate. [↩]

mardi 30 décembre 2014

Nicolas le Riche, soirée exceptionnelle à l'Opéra Garnier ( 9 juillet 2014 )





photo zimbio.com
http://www.zimbio.com/pictures/xLR16HFKVCL/English+National+Ballet+Rehearsal/qmGQkWiNIIH/Nicolas+Le+Riche

Lors de sa soirée de départ, le 9 juillet à Garnier, le danseur étoile de l’Opéra a transmis avec brio le flambeau aux jeunes générations (lundi 29 décembre à 22h30 sur Arte)
Il arrive tel qu’en lui-même. Tranquille, impérial, sans ostentation. De cette extrême simplicité qui sied au vrai talent et à la virtuosité. Il ? Cet homme en pantalon et chemise noirs en train d’étirer des arabesques comme on se réveille le matin, c’est Nicolas Le Riche, danseur étoile de l’Opéra national de Paris et star internationale. Sauf que cette mise en jambes douce et sensuelle a introduit, mercredi 9 juillet, au Palais Garnier, à Paris, le spectacle d’adieux du danseur. A 42 ans, Nicolas Le Riche a atteint l’âge de la retraite. Et peu importent le talent et la puissance de l’interprète, il faut partir.
Nicolas Le Riche est une espèce rare. Pour preuve. C’est la première fois, dans le contexte de l’Opéra national de Paris, qu’il a pu monter une soirée comme il l’entendait et non, comme ses collègues, quitter la maison en interprétant un de ses ballets de prédilection. C’est dire le statut de Le Riche et sa stature. Il a ainsi conçu ce programme de luxe en « l’ouvrant à des amis » comme Guillaume Gallienne ou Mathieu Chedid, mais surtout avec un éventail de ballets sélectionnés sur le volet du bon goût et de son histoire personnelle de danseur.
La voie ouverte aux jeunes
En ouverture de cette soirée saluée par une trentaine de minutes d’applaudissements à tout rompre, un extrait des Forains, chorégraphié par Roland Petit, dans lequel Le Riche semble ouvrir la voie aux jeunes de l’école de danse de l’Opéra. Une belle manière de jeter une passerelle sur un parcours d’exception en servant de courroie de transmission aux nouvelles générations. « Ma présence dans cette maison a duré trente-quatre ans au total, précise-t-il. J’avais envie de regarder cette jeunesse les yeux dans les yeux, de m’en émerveiller en montrant combien ils travaillent déjà sur un accomplissement d’eux-mêmes. »
Deux fois choisi par Nicolas Le Riche, Roland Petit occupe une place de prédilection dans sa carrière. Le voir et revoir dans Le Jeune Homme et la mort (1946),pièce de choc exigeant une virtuosité affûtée au point de passer pour de la spontanéité, est toujours une révélation. L’interprétation d’un rôle au sens fort prend avec lui une évidence aiguisée : appropriation d’une écriture et respect de l’œuvre étroitement mêlés.
Des ballets de format court
Avec finesse, Nicolas Le Riche a réussi à éviter l’enfilage d’extraits, façon collier de perles, grâce à l’articulation esthétique forte des différentes pièces. Une séquence d’Appartement (2000), chorégraphié par le Suédois Mats Ek, avec lequel il a souvent collaboré, interprété en duo avec Sylvie Guillem, emporte le morceau par sa concision dramaturgique. Certains ballets, de formats courts, comme L’Après-midi d’un faune (1912), de Vaslav Nijinski, et évidemment Boléro, de Maurice Béjart, permettent de déjouer le piège du « best of » en offrant le tour d’une œuvre. Et quels monuments que ces deux pièces historiques !
C’est dans Boléro, en 2008,que Le Riche avait fait se lever comme un seul homme les 2 700 personnes de l’Opéra Bastille, faisant fonctionner à plein l’effet catharsis sans jamais enfoncer la pédale de l’appel au public. « J’aime que, sur le plateau, on assiste à une sorte de naissance théâtrale, racontait-il à propos de cette pièce en 2010. La beauté de la scène réside dans la révélation intime qu’elle permet. A une condition : que l’acteur ou le danseur y soit pour ça, pour aller jusqu’au bout de cet exercice de dévoilement. Pas question de se cacher le plaisir immense d’être sur un plateau. Je ne supporte pas les danseurs qui s’excusent presque de leur présence. »
Et il est là Nicolas, entouré serré par la troupe et quelques-uns de ses amis danseurs étoiles comme Karl Paquette et Joshua Hoffalt. « J’aime défendre la danse masculine et aussi cette compagnie qu’est le Ballet de l’Opéra, glisse-t-il. On parle souvent de la compétition des étoiles mais des amitiés existent aussi. »
Une troupe éphémère
C’est d’ailleurs avec quelques étoiles-amies, comme Isabelle Ciaravola et Eleonora Abbagnato, qu’il a monté une troupe éphémère et un spectacle intitulé Itinérances, dans lequel il danse aussi avec sa femme, la danseuse étoile de l’Opéra de Paris Clairemarie Osta. Itinérances a tourné avec succès dans toute la France cette année. Parallèlement à cette production, toujours très concerné par la transmission, il a participé au remontage, en complicité avec la chorégraphe contemporaine et chercheuse Dominique Brun, de L’Après-midi d’un faune d’après la partition notée par Nijinski lui-même. En janvier, il va collaborer avec le Japonais Saburo Teshigawara pour l’opéra Solaris, à l’affiche en mars du Théâtre des Champs-Elysées, à Paris, et chorégraphie un nouveau ballet pour lui et Clairemarie Osta.
Le final de la soirée du 9 juillet a levé une tempête de papiers dorés sur la tête de Nicolas Le Riche. Lui, qui se sentait « comme une machine à laver émotionnelle » deux semaines auparavant, n’a pas craqué. « J’ai très bien vécu ce moment, j’étais simplement très heureux, confie-t-il. Parce qu’au-delà de moi, il célébrait cette maison qu’est l’Opéra sans aucune nostalgie. »

Rosita Boisseau
Journaliste au Monde
http://www.lemonde.fr/televisions-radio/article/2014/12/29/l-adieu-magistral-de-nicolas-le-riche_4546896_1655027.html

dimanche 28 décembre 2014

Quand le rêve devient cauchemar

Van Gogh, La Nuit étoilée




Il est très rare que je me souvienne de mes rêves. Celui-ci (en fait un cauchemar) m'a hantée toute la journée, à un point tel, que j'espère m'en débarrasser en le racontant par écrit.
Une mystérieuse créature que je savais être une jeune femme, sans même l'apercevoir, inoculait dans les aliments de l'homme que j'aimais (là encore, non aperçu, non identifié). Je ne voyais que de vagues choses cylindriques, couleur miel, censées être les aliments. Je ne vois rien d'autre.
Je savais qu'elle cherchait à paralyser (tuer ?) cet homme. Il m'apparaissait sans vie, sans le voir.
Je cherchai à m'interposer, à la chasser... criant, gesticulant, balayant l'air de mes bras, avec une énergie féroce. Elle s'en prit à moi, chercha à me faire subir le même sort. M'inoculer son poison.
Prise de panique, je multipliais les gestes pour la chasser, la balayer. Je me mis à hurler de plus belle (je m'entends encore). Insultes, grossiéretés... Pourquoi ? Sans doute l'effrayer, la faire fuir. Tant ma peur était immense. Une lutte, un combat violent, contre une forme aérienne, qui paraissait voltiger autour de moi. Sorte de "Fée Clochette" machiavélique ! D'où les moulinets que je faisais avec mes bras, mes cris, mes insultes. L'obliger à fuir, coûte que coûte, la neutraliser, l'empêcher de nous anéantir.
Ensuite, certainement pour exorciser cette scène, me libérer du cauchemar, je "décidai" de me réveiller. Je me voyais allongée dans mon lit, essayant d'ouvrir les yeux... en vain. Je ressens encore physiquement les paupières closes, lourdes, presque collées, refusant de s'ouvrir. Prise de panique et d'angoisse, je cherchai à m'asseoir, me lever. Impossible. Tout en moi était comme paralysé. Et je luttais, me débattant, moulinant l'air de mes bras .Etais-je encore dans mon sommeil, dans mon cauchemar ? Etais-je à moitié réveillée ?
Quand enfin, j'ai réussi à allumer la lampe de chevet, ouvrir très péniblement les yeux, m'asseoir m'était impossible. Rêve ? Etat conscient ? J'ignore toujours où s'est trouvée la "frontière"...
Lorsque j'ai repris pleinement conscience, que tout avait l'air familier et bien réel autour de moi, je tremblais, l'angoisse m'oppressait. Mon coeur battait très fort. Je ne cessais de regarder autour de moi.
Je me suis levée, presque titubante. J'ai marché. J'ai allumé la radio.
Il me fallut beaucoup de temps avant d'oser me recoucher. Une crainte terrible que le cauchemar ne reprenne.
Je me suis enfin rendormie. Sans qu'il ne se passe quoi que ce soit.
A mon vrai réveil, et tout au long de la journée, j'entendais encore mes cris, je ressentais les séquelles de cette nuit d'épouvante. Je me suis interrogée. J'avais (j'ai encore) l'impression que quelque chose de grave était arrivé. Que me disait ce cauchemar ? Quelle menace, quelle prémonition, quel avertissement ?
La sensation que j'ai failli passer de l'Autre Côté...

Samedi 27 décembre 2014

F.Ruban