samedi 28 février 2015

Espoirs confisqués, Empreintes effacées, de F.Ruban

                                           









                   
                                                   





                                               Espoirs confisqués
                                                             Empreintes effacées



Chercher
à la lisière des journées printanières
les saveurs les senteurs enivrantes d'hier  ___  avant-hier peut-être
Vivantes en mon coeur
par mes sens refusées
Des notes arc-en-ciel pourraient être promesses

Manquent le désir l'énergie le souffle
ensevelis eux aussi
Trop de vies arrachées
Trop de peuples humiliés
Drapée de noir décharnée affamée
la Mort
inlassable faucheuse trop pressée
n'attend plus la blondeur des moissons et
ruine les blés en herbe

Chercher
l'empreinte confiante de tes rires
de ton regard la musique blues
allumée d'à venir aux accents alternant
caresses de jazz improvisées
rythmes de rock endiablé

Et je ne vois qu'orbitres creuses auxquelles
les becs crochus et goulus des rapaces
ont déchiqueté la chair et le sang
ne laissant qu'ossements disloqués
Plus de coeur enflammé
Plus de jardin cultivé
L'Amour au carquois narquois et sournois
n'a décoché que flèche empoisonnée
au venin du mépris

Attendre
Précipiter mes pas loin de l'Ici-bas
Ne plus voir
Ne plus subir
les rafales infernales hier encore si banales
Le vent brise parfumée
n'envole plus tes boucles folles
sur ma peau amoureuse indicible tendresse
Le vent blanche morsure n'est que blessure
il me glace les os endeuille mon coeur

Et pourtant tu vois
devant le piano je m'asseois

Pour Toi
maladroits se dénouent mes doigts   __  Oserai-je encore
me laisser séduire emporter

Ballade ou Credo


©fruban

le 27 février 2015

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Recueil en cours



crédit photos fruban


mardi 24 février 2015

Cadeau poème d'argent d'Odysseas Elytis

Cadeau poème d'argent

Je sais bien que tout cela n'est rien                  et que la langue
que je parle n'a point d'alphabet

Vu que le soleil et les vagues sont un genre d'écriture
syllabique que l'on ne sait déchiffrer qu'aux époques de
chagrin et d'exil

Et la patrie une fresque avec des couches successives
d'invasions franques et slaves                et s'il t'arrive un jour
de te risquer à la restaurer tu vas en prison aussi sec et il
te faut alors rendre des comptes

A un tas d'Autorités étrangères                 toujours fourrées
dans tes affaires

Comme il est habituel aux calamités

Pourtant         si l'on faisait semblant qu'on est sur une
aire des anciens temps         qui pourrait être aussi celle
d'un grand ensemble         qu'on joue les enfants       et
que celui qui perd

Doit en vertu des règles            s'adresser aux autres et leur
donner un gage de vérité

Voilà qu'on se retrouverait tous à la fin à tenir dans nos
bras un petit

Cadeau poème d'argent.

Odysseas Elytis
in L'Arbre lucide et la quatorzième beauté

Poésie / Gallimard p 221-222
trad Xavier Bordes et Robert Longueville


crédit photo fruban - fév 2015

lundi 23 février 2015

Quand Moustaki soutenait les Grecs en lutte

La Grèce est mon pays d'origine. Je l'ai connue à 30 ans, et j'en suis tombé amoureux. Mes deux parents étaient grecs. Ils vivaient à Alexandrie, ville grecque, fondée par Alexandre le Grand. Alexandrie abritait aussi une école de philosophie qui en faisait la rivale d'Athènes. Mes parents étaient des fils d'immigrés. Mon grand-père paternel était tailleur, il confectionnait des gilets, des pièces uniques. Il a trouvé l'Égypte accueillante, il s'y est donc installé. Mon grand-père maternel, resté en Grèce, a subi des persécutions qui l'ont contraint à s'exiler, lui aussi.

J'ai attendu l'âge de 30 ans pour me rendre en Grèce. Je ne souhaitais pas faire mon service militaire auquel j'étais astreint si j'y allais. Chaque fois que je renouvelais mon passeport au consulat de Grèce, on me demandait "Et votre service? C'est pour bientôt? Quand vous rendrez-vous en Grèce?" Je leur répondais: "Envoyez-moi une demande officielle, j'y répondrai". Mais, je n'ai jamais rien reçu. À l'ambassade parisienne, la secrétaire me répétait: "Méfie-toi, si tu vas en Grèce, tu risques de te faire attraper..."

Après toutes ces mises en garde, j'ai fini par mettre un pied en Grèce, mais à reculons, même si j'avais passé l'âge du service. Et finalement j'ai fait un voyage merveilleux qui jusqu'à aujourd'hui me laisse des traces affectives très fortes.

La Grèce, je ne peux pas en parler avec une grande rigueur politique. Aujourd'hui, quand mes amis m'appellent pour me raconter leur situation, mon cœur se serre. Ce ne sont pas les plus pauvres, mais la crise a chamboulé tous leurs projets. Ils font partie de la bourgeoisie, ils ont fait des études, tout comme leurs enfants. Pourtant certains ont dû s'expatrier pour échapper à l'ouragan de la crise. Ceux qui sont restés et que l'on pensait à l'abri de tout commencent à connaître la misère.

Bien sûr, les plus riches, les grosses fortunes, les armateurs dont les bateaux battent pavillon maltais, s'en sortent toujours.

Ce que je vais dire maintenant n'est pas politiquement correct, mais à l'heure où la Grèce entrait dans l'Europe, les Grecs ont lentement glissé vers une caricature du modèle européen qu'ils enviaient, ouvrant moult boîtes et restaurants ostensiblement chics. Ils avaient un complexe, celui de croire que chez eux, c'était le tiers-monde et qu'il fallait faire aussi bien que les pays nantis. Ils auraient mieux fait de se réapproprier le mot "Europe" et de recréer un nouveau modèle, à leur sauce, plus enraciné dans leur culture. Après tout, l'Europe est un mot grec, qui signifie "celle qui voit bien".

Aujourd'hui, je suis heureux de voir que les Grecs sont très combatifs. Ils participent aux manifestations, signent des pétitions, lisent des déclarations. J'ai su que mon ami Theodorakis me disait que les Grecs essayaient d'imposer la voix du peuple à leur gouvernement, pour ne pas donner raison aux intérêts financiers de la communauté européenne.

J'espère que la Grèce va foutre le bordel. Ma sympathie va à cette attitude de contestation parce que ce n'est pas le peuple qui a créé la crise. Or, on lui fait en porter le poids. Finalement, c'est lui qui a le sens civique le plus développé, pas ceux qui veulent se conformer aux directives bruxelloises. Que le gouvernement grec ouvre grand ses yeux et ses oreilles.

Les Grecs sont très politisés. Avant la dictature des colonels, tout était sujet à discussion; ils commentaient à tour de bras les événements politiques. À l'époque, j'admirais beaucoup le fait que les Grecs ne discutaient pas l'un contre l'autre, mais l'un avec l'autre. Comme s'ils avaient passé une sorte de pacte tacite, pour le bien commun.

Lorsque les Colonels sont arrivés au pouvoir, ma conscience politique s'est réveillée. Avant, je ne faisais que des chansons d'amour ou d'humour. Depuis, je n'ai eu de cesse de donner une tournure engagée à mes textes.


Ariane, ma soeur, de F.Ruban

Ariane ma soeur
photo FR
       

Par les sentiers escarpés et ombreux tu grimpes
           ______  jusqu'aux sommets de l'Olympe
Nouvelle Jehanne  de France tu écoutes
ces rythmes ces battements ces échos
inoculés en ton sang goutte à goutte
Renaître enfin   ___  Serait-ce trop ?

Prends ton envol      ___ l'Océan murmure
il te pousse t'attire te rassure
   - Viens avec moi réchauffe-toi
      ton coeur froid se noie

Dans la nef de la Basilique    ____  enfin Tu Vois
et s'emmêlent en ton âme  ______        ô blancheur
les Alpes et les eaux turquoise de la Mer intérieure
Le chemin de Compostelle lance l'appel
Soudain
       l'Olympe est ici
Nectar saveur de miel ambroisie
douceur de l'hydromel                 ________  Arrête-toi !
l'écran se givre de brume
tu lâches le fil le froid s'allume
sur tes lèvres l'hydromel a goût de fiel

Ariane ma soeur vois-tu une lueur ?

Tu t'égares le souffle te manque   ___ tu prends peur
    - Etouffe tes cris tes pleurs  
      le ciel reste sourd
Sous le halo de la nouvelle lune
les Ténèbres l'abîme     _______  te happent
l'Océan rugit         finies les agapes
la toile referme sa trappe
Tu es nue
en ton coeur le sang se glace

Ariane ma soeur     j'aperçois une lueur...

          Samedi 3 décembre 2011

©   F.R

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extrait de "L'Âme des marées" publié chez Epingle à nourrices édition (ene)
en octobre 2014

crédit photo FR