mercredi 26 juillet 2017

Yannis Ritsos, poète grec (1909-1990)

photo du Net, Yannis Ritsos




Entre les chardons sauvages
un petit bouton d'or a dit "présent".
Que pouvais-tu faire?
Toi aussi tu as dit "présent".
Et il faisait beau.
*
Les mots ont une autre peau
à l'intérieur comme les amandes ou la patience.
**
Je serai l’enfant doux
Qui sourit aux choses
Et à lui-même
Sans réticence ni réserve
*
Regarde ma bien-aimée
Comme te regardent
Mes mains attristées.
*
Allons dans les champs
Pour passer à nos doigts
Les coquelicots et le soleil
Et la verdure nouvelle.
*
Je goûte à tes lèvres
La verte étendue des plaines
Et les légendes de la mer.
La chaleur de ton corps
Me revêt de soleil.
*
Baigné des reflets
De l’espérance
D’une vie entière
De mes membres dégoulinaient
Des gouttes de soleil.
*
Je ferme les yeux.
Je vis et j’aime.
Une corde de musique
Tendue sur tes membres
Veille et répond
A la vigueur du ciel
Et de la terre.
*
Je suis né pour avoir le temps
De saluer au bout du chemin
Le soleil de tes yeux.
*
Mes chers semblables
Comment pouvez-vous
Encore vous courber ?
Comment pouvez-vous
Ne pas sourire ?
Ouvrez les fenêtres.


Yannis Ritsos

Symphonie du printemps (1938), Traduit du grec par Anne Personnaz

Paru en 2012 aux éditions Bruno Doucey






Le mot de l’éditeur :

“Je suis le ciel étoilé des moissons.” Le poète qui écrit cela paraît pourtant l’avoir perdue, sa bonne étoile. Voyez plutôt : Yannis Ritsos naît en Grèce dans une famille de nobles propriétaires terriens, mais sa jeunesse est marquée par la ruine économique, des drames familiaux et la maladie. Proche du parti communiste grec, il aspire à un idéal de fraternité, mais la dictature dévaste son pays. C’est dans ce contexte désespéré que le poète écrit l’une de ses plus belles oeuvres, jusqu’alors inédite en français : Symphonie du printemps. Un hymne à l’amour, à la nature, à la vie. À mes yeux, un antidote à la crise. Dans la situation douloureuse que connaît la Grèce, le lyrisme explosif de Yannis Ritsos est une tentative de libération par l’imaginaire. Le poète danse à deux pas de l’abîme, les bras tendus vers les étoiles.