samedi 17 novembre 2018

Robert Desnos



Par Catherine Pont Humbert  et Dominique Costa.
Émission diffusée pour la première fois sur France Culture le 25.12.2005.

Desnos le tendre, le farfelu, l'amoureux, celui dont la " fourmi de 18 mètres " a bercé notre enfance, fut aussi ce jeune homme qui " parlait surréaliste à volonté ". Si Robert Desnos a bien été le " prophète du surréalisme " vanté par André Breton, il fut surtout de toutes les aventures humaines et intellectuelles de son temps. De l'aventure poétique, bien entendu, car Desnos a misé sur la poésie du début à la fin de son existence. Une poésie tour à tour délirante, lyrique, émouvante, avec toujours le merveilleux pour ligne d'horizon. Robert Desnos c'est d'abord l'expérimentation des formes, au sein du groupe surréaliste, où son attirance pour le rêve l'entraîne vers le déclenchement d'images mentales et le jaillissement de paroles libérées du joug de la conscience. Mais au-delà de l'aventure surréaliste, tous les jeux que la langue rend possible l'intéressaient : expérimentations poétiques bien sûr, mais aussi radiophoniques, cinématographiques, publicitaires, picturales, musicales. Pour faire surgir les grandes images populaires de son enfance, Robert Desnos s'est essayé à toutes les pratiques d'écriture et n'a cessé de chercher à concilier culture classique et culture populaire. Desnos avait aussi un grand amour de la vie :amour de l'amour, amour de l'amitié, amour du vin, Et l'amour de la liberté. Desnos le courageux.qui affirmait en 1942 " en définitive, ce n'est pas la poésie qui doit être libre, c'est le poète " fut un résistant de la première heure. Arrêté par la gestapo en février 1944, il a défendu la liberté jusqu'à son dernier souffle, en 1945 au camp de Terezin en Tchécoslovaquie.

Intervenants :
- Alain Chevrier,
- Roger Dadoun,
- Marie-Claire Dumas,
- Jean Matthyssens,
- Jean-Baptiste Para,
- Ernest Pignon-Ernest.



















mercredi 14 novembre 2018

Les grues, Denis Tellier




Les grues


Il est beau de voir en cet automne et par-dessus mes pensées vagabondes, dans des cris éparpillés haut les nues, le passage géométrique et rigoureux des grues.
Une plume ramassée m'invite à poursuivre le voyage, des histoires que j'imagine vertigineuses et dans des vols planés.
Plume qui dans l'attente d'y déposer une première volée d'encre, reste fixée entre mes doigts serrés.
Plume qui dans l'écriture transforme les alizés et mon vertige en une phrase penchée.
Plume qui couche des mots humides, tremblants, agités silencieux et doux, à peine achevés.
Plume et voyelles ébouriffées, plume et consonnes échevelées...
Plume si légère qu'il doit être facile d'écrire, de voler, et puis de s'arrêter un moment suspendu dans un vide d'altitude, ne plus sentir son corps...

Denis T


© tous droits réservés






©manuscrit Denis T





© photo fruban


Ce poème de Denis Tellier a été retenu par une artiste plasticienne Danielle Péan Leroux













J'ajoute ICI le lien vers le site de Danielle Péan Leroux.

A voir aussi dans les sites intéressants



lundi 12 novembre 2018

Salon mondial de Poésie, dimanche 18 novembre 2018











Nous y serons avec exemplaires de présentation et bons de commandes correspondant à nos poètes sélectionnés :-) :
À bout d'espérance (Kamal Valcin), Comme un papier de feuillage (Didier Hippon / Grand prix 2013 - FrMu), Au coeur de la rose (Didier Hippon), Hanan (Najib Bendaoud, Chemins de pierres (Pierre Jooris), Vaines attentes (A. Rochdi), L'âme des marées - bilingue (Françoise Ruban, A. Athanassiou), Love is love (V. Capuana, trad. Elisabeth Regenet-Capuana), Rêve errance (David Az / Grand prix 2017 du salon du livre de la Krutenau-Strasbourg), Chants de velours (G. Parisi), L'ancre de tes yeux (Nayim Smida), Ma brise de liberté (Slah Pacha)!
C'est un début, nous ferons au mieux, et à suivre !


Un exemplaire des modalités du 11e concours d'écriture sera en place !
@Enrique Uribe Carreno - Véronique Sauger
Annie Lautner Claudia D'Italiano Cathy Heraudeau Cathy Simon Cathy Bergantz Jean-louis Bringolf Jean Haas Christophe Calibre Delphine Untereiner Raquel Ita Albert Schwartz Alain Tarate Alain Verreman Samy Gosling Roland Munch Daniel Anstaett Waheb Bekkar





Je serai représentée par "L'Âme des marées, édition bilingue".
J'invite tous mes amis à rejoindre Strasbourg pour me représenter, ma santé ne me permettant pas de m'y rendre. Prenez des photos, des vidéos, commandez ce petit livre qui m'est cher.
Je voudrais rendre hommage à tous les lauréats, aux éditions épingle à nourrice. fruban





samedi 10 novembre 2018

Ne croyez pas l'histoire, JMSananès












14/18 : un siècle déja
Ne croyez pas l'Histoire

Amis

ne croyez pas l’Histoire
elle n’est pas faite
que de gloriole et de médailles
de torses bombés sous la mitraille

Amis
ils étaient hommes
fragiles et beaux

Ils étaient pères
ils étaient frères
ils étaient fils

Quand à traverse vie
dans le profil aigu
d’un cri de mitrailleuse
loin des grands jours où l’on parade
ils jouaient nos libertés
leurs vies et leur amours

Amis
quand, dans la fumée âpre
d’une dernière Gauloise
la mort claironne
ses fleurs d’ossuaires
et mêle dans une farouche ironie
bourreaux et victimes

Amis
d’ici, d’ailleurs
avant de n’être plus
que ces noms de marbre
que l’ont écrit en MAJUSCULES

ils étaient enfants rieurs
ils étaient hommes
fragiles et beaux

D’ici, d’ailleurs
les marbres sont pleins
de larmes majuscules
et de chagrins de mères
La gloire ne se nourrit pas
que du sang des autres

Amis
ne croyez pas les livres
l’Histoire n’est pas faite que de gloriole
de torses bombés et de médailles
L’Histoire est faite
de petits jours
de peur et de sang
D’ici et d’ailleurs
à l’heure si belle où passe la faucheuse
que savaient-ils des vérités endoctrinées ?

D’ici et d’ailleurs
pardonnez
tous s’étaient nourris
du sang noir de l’Histoire
tous étaient gavés
de croix furieuses
et de rouges pestilences

Que savaient-ils de ceux d’en face ?

D’ici et d’ailleurs
ils étaient pères
ils étaient frères
ils étaient fils
ils était hommes
quand ils jouaient nos libertés
loin des grands jours où l’on parade

Ne croyez pas l’Histoire
Ne croyez pas les livres.

JMS

Texte dit par JMS - Musique de Bruno Sananes

https://youtu.be/Wc1twCwFH2E

Dans : "Occident/Accident de conscience" - (Livre-CD 10€)




site de JMS





JMSananès
édition Chemin de plumes ©

dimanche 21 octobre 2018

Arthur H pour l'anniversaire de Jacques H



Alain B et Jacques H











UNE NUIT AU PERE LACHAISE 18/10/18

Paris, Cimetière du Père Lachaise, nuit du 17 au 18 octobre 2018. 3 heures du matin. A la frontière entre la 13ème et la 20ème division, entre l’Allée de la Vierge et l’Avenue de la Chapelle.
Je suis venu visiter la tombe de mon père le 17, un jour avant son anniversaire, je préfère être seul pour pouvoir me recueillir tranquillement. Je suis arrivé tard dans le cimetière, j’étais épuisé de la tournée. Je me suis assis dans un coin un peu au dessus, j’attendais que des gens partent pour pouvoir me rapprocher mais ils restaient là à bavarder. Alors, sans m’en rendre compte je me suis endormi, j’ai sombré dans un sommeil lourd et quand je me suis réveillé c’était la nuit noire. Je panique un peu au début puis je me dis que c’est une sacrée chance d’être là, tout seul, au milieu du Père Lachaise. J’observe autour de moi et en tendant l’oreille intérieure, je décèle comme de faibles grognements, des chuchotements indéchiffrables d’ombres de fantômes. Ici les fantômes de fantômes pullulent dans l’indifférence… Les gens qui vous portaient un peu dans leur cœur sont eux-mêmes parfaitement oubliés depuis des décades. Des grandes lucioles, fugaces et merveilleuses, illuminent une fraction de seconde des noms obscurs sur des caveaux dévastés. La lune ne s’est pas levée. Tout reste dans l’obscurité indécise de la pollution lumineuse d’une mégapole. Allée de la Vierge, il y a une tombe fraîche entourée d’une aura un peu plus vive, plus définie, qui irradie d’une lumière tendre : c’est celle de mon père, Jacques Higelin. A 20 mètres de là il y a une autre tombe, un peu futuriste, post moderne, c’est celle d’Alain Bashung qui vibre elle aussi d’une lueur particulière. Je suis sûr que les âmes immenses des deux chanteurs ne sont pas localisées dans ce lieu précis : une part d’eux-mêmes est sûrement en train de vivre de nouvelles aventures dans d’autres dimensions flamboyantes, une autre est dans le cœur de tous ceux qui les ont aimés et une dernière reste, par curiosité et attachement, dans le vieux cimetière parisien : ils sont tous les deux d’anciens gamins populaires et sont fiers d’être entourés par un grand général, un chirurgien oublié et un politicien sulfureux de la troisième république. Je regarde mon portable, ça ne capte pas, il est trois heures du matin. Soudain mes poils se hérissent dru sur ma peau. Avec les chats sauvages, les hiboux et les rats, je suis le spectateur stupéfait d’un phénomène inexplicable: un arc lumineux gracieux, une espèce de brume électrique s’élève dans l’atmosphère et relie progressivement les deux tombes. Ca doit être une onde quantique qui permet aux deux esprits de se synchroniser. Il y a un frémissement dans l’air, et une voix, si reconnaissable, fait légèrement trembler le silence.

- Jacques ? Hey Jacques ??
- Alain ? Alain qu’est-ce-que tu fous ?
- J'cloue des clous sur des nuages, un marteau au fond du garage,
J'cloue des clous sur des nuages, sans échafaudage…
Et toi Jacques ? Jacques ??

- Ouais ! J'suis mort, j'suis mort qui, qui dit mieux, ben mon pauv'vieux voilà aut'chose ! Cela dit dans c'putain d'cimetière j'ai perdu mon humeur morose, jamais plus personne ne vient m'emmerder quand je me repose. A faire l'amour avec la terre, j'ai enfanté des p'tits vers blancs qui me nettoient, qui me digèrent, qui font leur nid au creux d'mes dents.

Incroyable, ils communiquent avec des fragments de leurs propres chansons…

- C’est très charmant Jacques, je suis content pour toi ! Je ne t'ai jamais dit mais nous sommes immortels… Pourquoi es-tu parti avant que je te l'apprenne ? Le savais-tu déjà ? Avais-tu deviné ? Que des dieux se cachaient sous des faces avinées ?
- Je le sais parce que tout ce qui brûle est rouge. Je le sais, le sang qui coule dans mes veines est rouge, le feu vient de l’amour et l’amour naît de la vie ! Je suis né dans un spasme, un grand brasier haletant. Au beau milieu d’un raz de marée de sang le ventre de ma mère a craché un noyau de jouissance et j’ai jamais perdu le goût de ça !!
La lumière du coté de chez Bashung devient plus intense, il doit être excité par le défi poétique… Sa voix retentit, presque claire dans cette incertitude sonore.
- A l'arrière des Dauphines, je suis le roi des scélérats à qui sourit la vie, marcher sur l'eau, éviter les péages, jamais souffrir, juste faire hennir les chevaux du plaisir !

Ouh là, j’hallucine, ce ne sont pas des spectres épuisés mais de jeunes esprits fougueux ! Un grand silence suit… Quesqu’y se passe ? Ils ont peut-être dépensé trop d’énergie ? Après une quinzaine de minutes interminables, je vois une lueur renaître sur la tombe de Bashung, puis j’entends sa voix…

- Jacques, tu crois qu’on leur manque ? Qu’on leur manque à tous ces branques ?
- Mais ouais, t’inquiète pas ! Bien sûr qu’on leur manque ! On était des fous géniaux quand même ! Enfin, le génie c’était surtout toi (il y a comme une nuance de regret dans sa voix)… Moi j’étais fou et toi génial…
- Arrête ! T’étais pas mal non plus, dans le genre déchaîné, débridé, décanté, et puis au moins t’étais drôle, léger, gai, moi j’ai peut-être été un peu loin dans le lugubre, dans l’incertain, dans l’énigmatique, je me demande…
- Mais non t’es con, t’étais fabuleux…

Ils se lancent des fleurs, c’est beau, je sens qu’ils s’aiment et se comprennent. Encore un grand silence, le temps n’existe pas pour eux… Je suis tétanisé, j’arrête presque de respirer pour ne rien perdre de la conversation qui est comme un murmure.

- Jacques quesque tu penses du bordel magnifique que tu as laissé ? Tu peux me le dire, on est entre âmes…

Jacques hésite un peu, il tousse, se racle la gorge, il cherche les mots au fond de lui comme s’il avait perdu le langage, puis il se lance, et quand il se lance, il ne s’arrête plus !

- C’est comme une immense ivresse… Assez sublime en fait… Les folles et longues histoires d’amitiés, les histoires d’amour, fracassantes, douloureuses mais finalement sublimes… C’est vertigineux Alain… Le sexe et la musique, la musique et le sexe, toutes ces extases… Mes enfants adorés… Les chansons, les poèmes, les disques, la scène… Les coulisses des théâtres, les gens qui dansent, qui pleurent, les silences après les chansons… La scène, c’est mon vrai lieu de naissance, c’est là où je pouvais être inconditionnellement moi-même, c’est là où je me suis vraiment abandonné, je me suis livré sans protection, je me suis jeté dans la fosse aux lions, les lions m’ont dévoré et c’était merveilleux… Les fantômes de foule en transe… Le trac que j’ai toujours eu… J’ai toujours eu peur de n’être pas à la hauteur des gens, j’ai vraiment tremblé en pensant les décevoir. Voilà ce qui me reste… On a bien merdé tous les deux Alain, dans la vie, mais on a été des guerriers aussi… Les grands peureux qui dépassent leur peur, ça devient des audacieux, des vaillants, des indomptables… C’est fou mais finalement je ne regrette rien. Même les échecs, les secrets enfermés à l’intérieur, les foirages émotionnels les plus retentissants, eh bien ça fait partie de ma vie, ça l’enrichit. Au même titre que les réussites radieuses, tout l’amour et la joie que j’ai réussi à donner et à recevoir, jusqu’à la fin, même jusqu’à mon enterrement… Toutes les pensées lumineuses des gens qui se sont élevées vers moi, j’ai retrouvé ce contact amoureux avec le public anonyme, innombrable, mes amis… Tout ça fait une vie où j’ai pu explorer tout et son contraire, l’amour et le manque d’amour, le chaos et l’harmonie. J’ai tout ressenti avec intensité, le pire et le meilleur, et c’est ça qui compte. Je sens une putain de gratitude immense en moi, la conscience et la connaissance c’est de l’amour, c’est pour ça que rien n’est raté… Alain ? Alain t’es là ?

Un long silence encore. Merde, est-ce qu’Alain est reparti dans une autre dimension ?

- Alain ? Et toi ? (la voix inquiète de Jacques)
La voix minérale mais aussi presque facétieuse d’Alain résonne doucement

- J'ai fait la saison
Dans cette boîte crânienne
Tes pensées
Je les faisais miennes
T'accaparer seulement t'accaparer
D'estrade en estrade
J'ai fait danser tant de malentendus
Des kilomètres de vie en rose…
Jacques…

- Ouais Alain

- Jacques
А l’avenir
Laisse venir
Laisse le vent du soir décider
А l’avenir
Laisse venir
Laisse venir
L’imprudence…

Jacques semble se laisse porter par la puissance et la douceur des mots. La voix de Bashung se fait de plus en plus faible…

Sommes-nous la noblesse
Sommes-nous les eaux troubles
Sommes-nous le souvenir…

Puis elle disparaît complètement. L’arc de lumière, entre les deux tombes, perd lentement sa phosphorescence puis s’efface lui aussi. Les lucioles et les chats sauvages ont disparu. Je reste dans mon coin sans oser bouger, d’ailleurs je suis complètement ankylosé, j’arrive plus à déplacer ma jambe droite. Je me rendors sans m’en rendre compte. A 10h du matin des touristes américains buttent sur moi et me réveillent en sursaut.

- Where is Jim Morison s’il vous plait ?
- Quoi ? Où est Jim ? (putain il faut que je reprenne mes esprits ) Il est peut-être avec Jacques et Alain ? Come back at night if you want to listen Jim…

Je ne dois pas avoir l’air très cohérent, ils reculent d’un pas.

-What the fuck Monsieur ! me sort l’Amerloque.
Je n’ai qu’une chose à répondre
- You know the days destroy the night, night divides the days, be ready to break on through to the other side…

Puis je me taille en vitesse sans les regarder, j’habite pas loin, quelle nuit extraordinaire ! Je m’arrête dans un bar pour prendre un double café, sans sucre, comme Jacques… Quelle chance inouïe, merveilleuse, de les avoir entendus encore une fois, je n’ai pas de mot… Oui c’est vrai, ils me manquent tellement les deux. Je reviendrai les écouter, bientôt…

arthur h.

18 octobre, 19:29 ·

POUR L’ANNIVERSAIRE DE JACQUES…

vendredi 12 octobre 2018

Walid Alswairki, poète palestinien












©
Publié le 28 Juillet 2015 par la courte échelle. éditions transit in Salons et fêtes du livre








LE TEMPS BLEU


Littérature


http://lintula94.blogspot.com/




Walid Alswairki, poète et traducteur, est né en 1967 à Jeftlek en Palestine. Il passe son enfance et sa jeunesse dans un camp de réfugiés palestinien au nord de la Jordanie. On le retrouve plus tard à l'Université de Yarmouk de ce pays, où il étudie la littérature française puis à l'Université de Franche-Comté, où il prépare un diplôme de littérature comparée. Matière qu'il enseigne par la suite, à l'Université de Yarmouk, avant de rejoindre l'ambassade de France à Amman, en tant qu'attaché de presse.

Il a publié un recueil de poèmes, Ailes blanches du désespoir, en 2006.


J'ai beaucoup aimé son Ultime escalier, qui figure dans l'Anthologie Sète (2015), éditions Bruno Doucey (ci-dessous)


          Ultime escalier


         Il suffit d'un grand arbre

         Pour que je fixe longuement le soleil


         Il suffit d'une herbe brisée

         Pour que j'avance dans le vent


         Il suffit d'une grande plaine pour que

         L'âme escalade cette montagne


         Il suffit de deux mains amoureuses

         Pour que je descende,

         Paisible comme un ruisseau,

         Le petit escalier de ma mort.

                        traduit de l'arabe par l'auteur


         in Voix vives de méditerranée en méditerranée, Anthologie Sète 2015, éditions Bruno Doucey,

         2015, p.154.


D'une belle fluidité, ce poème reprend les thèmes chers à Mahmoud Darwich et à la poésie arabe en général : l'arbre, l'herbe, le vent, l'eau, l'amour. Survient la chute, bouleversante: "il suffit de deux mains amoureuses pour que je descende, paisible comme un ruisseau, le petit escalier de ma mort ".

Le lecteur, en suspens sur la marche, est confronté soudain à sa propre mort...Cette trouvaille est la marque d'un grand poète.


Mahmoud Darwich, dans son entretien accordé au Nouvel Observateur, en février 2006, ajoutait :

          La poésie a la fragilité de l'herbe. L'herbe paraît si vulnérable, mais il suffit d'un peu d'eau et

         d'un rayon de soleil pour qu'elle repousse.


 Bashir Shalash et Walid Alswairki assurent la relève en faisant, tels leur maitre, chanter la beauté dans un pays, où elle a été mutilée, saccagée et où l'on vit en deçà de la vie.

Découvrons-les et faisons-les découvrir.


Bibliographie:

Le lanceur de dés et autres poèmes, Actes Sud 2009

La terre nous est étroite, Poésie/Gallimard 2000

Voix Vives de méditerranée en méditerranée, Anthologie Sète 2015, éditions Bruno Doucey 2015








Ecoutez jusqu'au bout pour entendre aussi la traduction


Vous pouvez retrouver Walid Alswairki sur facebook


mercredi 10 octobre 2018

René Char, Fureur et mystère




Tu as bien fait de partir Arthur Rimbaud





René Char
photo du Net







Tu as bien fait de partir Arthur Rimbaud...
Tes dix-huit ans réfractaires à l’amitié, à la malveillance, à la sottise des poètes de Paris ainsi qu’au ronronnement d’abeille stérile de ta famille ardennaise un peu folle, tu as bien fait de les éparpiller aux vents du large,
de les jeter sous le couteau de leur précoce guillotine.
Tu as eu raison d’abandonner le boulevard des paresseux, les estaminets des pisse-lyres, pour l’enfer des bêtes, pour le commerce des rusés et le bonjour des simples.
Cet élan absurde du corps et de l’âme, ce boulet de canon qui atteint sa cible en la faisant éclater, oui, c’est bien là la vie d’un homme !
On ne peut pas, au sortir de l’enfance, indéfiniment étrangler son prochain.
Si les volcans changent peu de place, leur lave parcourt le grand vide du monde et lui apporte des vertus qui chantent dans ses plaies.
Tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud ! Nous sommes quelques-uns à croire sans preuve le bonheur possible avec toi.

René Char, in Fureur et mystère, 1962









Rimbaud par Ernest Pignon Ernest
photo du Net





samedi 6 octobre 2018

Roberto Juarroz, Poésie verticale





photo du Net





"Poesia Vertical, son premier recueil, est publié à Buenos Aires en 1958 à compte d’auteur. Comme le seront les quatre suivants jusqu’en 1974. Il faudra attendre les années quatre-vingts pour qu’il trouve un éditeur dans son pays alors que des amis fidèles, Fernand Verhesen et Roger Munier, l’avaient publié à l’étranger.
Contraint à l’exil sous la dictature militaire et le péronisme, il a dû s’exiler aux États-Unis et en Colombie. De retour en Argentine, il a dû affronter l’intolérance, cette fois, des intellectuels de gauche. À nouveau exilé, il a voyagé. Il est devenu expert de l’Unesco dans de nombreux pays d’Amérique centrale. Sa compagne, Laura Cerrato, professeur de littérature anglo-saxonne à l’université de Buenos Aires et poétesse, l’a suivi dans presque tous ses déplacements. Son amitié pour Antonio Porchia fut indéfectible. Il vivait à Temperleydans la banlieue de cette ville. Il aimait les mots profonds, concis, et les alcools forts. Malade dès 1993, il savait qu’il ne pourrait achever son œuvre, et cela le blessait plus que la mort en marche, il en entendait « le bourdonnement de fond ». Son dernier poème dicté à sa chère Laura est perdu, vengeance de l’indicible.
Il est mort à Buenos Aires le 31 mars 1995, éternel exilé." (Esprits nomades)


Bien que nous vivions à peine,
la musique de fond de la vie
nous permet pour le moins
d’écouter la rumeur de vivre.



sur le site Esprits nomades


                                                                               *****




Le jour où sans le savoir
nous faisons une chose pour la dernière fois
- regarder une étoile,
passer une porte,
aimer quelqu'un,
écouter une voix -
si quelque chose nous prévenait
que jamais nous n'allons la refaire,
la vie probablement s'arrêterait
comme un pantin sans enfant ni ressort.
Et pourtant, chaque jour
nous faisons quelque chose pour la dernière fois
- regarder un visage,
nous appeler par notre propre nom,
achever d'user une chaussure,
éprouver un frisson -
comme si la première fois ou la millième
pouvait nous préserver de la dernière.
Il nous faudrait un tableau
où figureraient toutes les entrées et les sorties,
où, jour après jour, serait clairement annoncé
avec des craies de couleur et des voyelles
ce que chacun doit terminer
jusqu'à quand on doit faire chaque chose,
jusqu'à quand on doit vivre
et jusqu'à quand mourir.

Roberto Juarroz (1925-1995)

Poésie verticale, 15

traduction Jacques Ancet





El día en que sin saberlo
hacemos por última vez una cosa
-mirar una estrella,
atravesar una puerta,
amar a alguien,
escuchar cierta voz-
si algo nos advirtiera
que nunca volveremos a hacer eso,
probablemente la vida se detendría
como un muñeco sin niño ni resorte.

Sin embargo, cada día
hacemos algo por última vez
-mirar un rostro,
llamarse con su propio nombre,
terminar de gastar un zapato,
probar un temblor-
como si la primera vez o la milésima
pudiera preservarnos de la última.

Nos haría falta un tablero
con todas las entradas y salidas marcadas,
donde se anuncie claramente, día por día,
con tiza de colores y con vocales
qué le toca terminar a cada uno,
hasta cuándo se hace cada cosa,
hasta cuándo se vive
hasta cuándo se muere.

Roberto Juarroz



Poème original en entier



Redes de cansancios que vienen de afuera
se suman a veces
a los cerriles fracasos del cuerpo
y a las cautas derrotas del pensamiento
y esa inesperada complicidad
nos hace trastabillar penosamente
en las vecindades del abismo.
Pero si entonces no caemos,
el viento que viene del abismo nos salva:
desbarata las redes
y borra las tenebrosas complicidades.
Sólo la constante inminencia de la caída
permite colonizar provisoriamente la caída.
El día en que sin saberlo
hacemos por última vez una cosa
-mirar una estrella,
atravesar una puerta,
amar a alguien,
escuchar cierta voz-
si algo nos advirtiera
que nunca volveremos a hacer eso,
probablemente la vida se detendría
como un muñeco sin niño ni resorte.
Sin embargo, cada día
hacemos algo por última vez
-mirar un rostro,
llamarse con su propio nombre,
terminar de gastar un zapato,
probar un temblor-
como si la primera vez o la milésima
pudiera preservarnos de la última.
Nos haría falta un tablero
con todas las entradas y salidas marcadas,
donde se anuncie claramente, día por día,
con tiza de colores y con vocales
qué le toca terminar a cada uno,
hasta cuándo se hace cada cosa,
hasta cuándo se vive
hasta cuándo se muere.
A veces uno se nombra estando solo,
repite su nombre
como un espejismo en el desierto,
asombrado de su propia presencia
y sintiendo que otro debería nombrarlo.
No importa entonces
que uno haya extraviado su nombre
entre los vericuetos del derrumbe
y use nada más que un nombre supuesto.
No importa tampoco que ningún nombre nombre nada.
Basta a veces un acento en el vacío.
Basta un estremecimiento diferente en el follaje.
Un temblor afín en lo impávido.
El sumo desvarío
del hablar cuando todo calla
o callar cuando todo habla
se disimula con la maniobra
de hablar para callar
o callar para hablar.
La realidad es un lienzo salpicado
por gotas de palabras y gotas de silencio.
Y las gotas se mezclan
en un delirio sin axiomas
hasta empapar a veces todo el lienzo.
¿Se podrá secar el lienzo alguna vez
para poder así envolvernos?
Todo texto, toda palabra cambia
según las horas y los ángulos del día o de la noche,
según la transparencia de los ojos que los leen
o l nivel de las mareas de la muerte.
Tu nombre no es el mismo,
mi palabra no es la misma
antes y después del encuentro,
antes y después de volver a pensar
que mañana no estaremos.
Cualquier cosa es distinta
si se mira de día o de noche,
pero se vuelven aún más distintas
las palabras que escriben los hombres
y las palabras que no escriben los dioses.

Y no hay ninguna hora,
ni la más promisoria o lúcida o ecuánime,
ni siquiera la hora sin carteles de la muerte,
que pueda equiparar los reflejos,
ajustar las distancias
y hacer que las mismas palabras
digan las mismas cosas.
Todo texto, toda forma, se quiera o no se quiera,
es un mudable, tornasolado espejo
de la furtiva ambigüedad de la vida.
Nada tiene una sola forma para siempre.
Ni siquiera la eternidad es para siempre.
Los nombres que nos pueblan la vida
nos consuelan tal vez de algo que falta
en el centro sin nombre de todo.
Los nombres que nos pueblan la vida
como pequeños duendes
o mínimos fantasmas
nos guardan sin embargo del mayor accidente:
la caída de la nada en la nada
¿No será que los nombres que nos pueblan la vida señalan,
por encima de las cosas que nombran, el
lugar de otro centro?

Roberto Juarroz



Quinzième poésie verticale, traduction de Jacques Ancet, Corti, septembre 2002.






                                                                                 *****




Un nuage m'a visité.

Et m'a laissé en s'en allant

son contour dans le vent.



Une ombre m'a visité.

Et m'a laissé en s'en allant

le poids d'un autre corps.



Une bouffée d'images m'a visité.

Et m'a laissé en s'en allant

l'irréligion du rêve.



Une absence m'a visité.

Et m'a laissé en s'en allant

mon image dans le temps.



Et moi je visite la vie.

Je lui laisserai en m'en allant

la grâce de ces restes.



Poésie verticale, traduction Roger Munier, Collection : Points Poésie



                                                              *****





Il n'y a pas de silence.



Penser n'est pas silence,

une chose n'est pas silence,

la mort n'est pas silence.



Être n'est pas silence.

Aux alentours de ces faits

il n'y a que lambeaux de nostalgie :



la nostalgie du silence

qui peut-être un jour exista.

Ou peut-être n'exista jamais

et peut-être devons-nous le créer ?



Poésie verticale, traduction Roger Munier, Collection : Points Poésie




                                                                                *****






Toujours au bord.

Mais au bord de quoi ?



Nous savons seulement que quelque chose tombe

de l’autre côté de ce bord

et qu’une fois parvenu à sa limite

il n’est plus possible de reculer.



Vertige devant un pressentiment

et devant un soupçon :

lorsqu’on arrive à ce bord

cela aussi qui fut auparavant

devient abîme.



Hypnotisés sur une arête

qui a perdu les surfaces

qui l’avaient formée

et resta en suspens dans l’air.



Acrobates sur un bord nu,

équilibristes sur le vide,

dans un cirque sans autre chapiteau que le ciel

et dont les spectateurs sont partis.



                                                     *****





Siempre al borde.

¿Pero al borde de qué?



Sólo sabemos que algo cae

al otro lado de este borde

y que habiendo llegado hasta su limite

no es posible ya retroceder.



Vértigo ante un presentimiento

y ante una sospecha:

al llegar a este borde

también lo de antes

se convierte en abismo.



Hipnotizados encima de una arista

que perdió las superficies

que la habían formado

y quedó suelta en el aire.



Acróbatas sobre un borde desnudo,

equilibristas sobre el vacío,

en un circo sin más carpa que el cielo

y cuyos espectadores se han partido.







Roberto Juarroz (1925-1995)



in, Treizième poésie verticale (José Corti, 1993)

Traduit de l’espagnol (Argentine) par Roger Munier.







Sur Esprits nomades








"Nous sommes le reste de quelque chose qui nous consume." (Quinzième poésie verticale).



Roberto Juarroz n’aimait pas se répandre sur sa biographie.

« J'avoue que je n'ai jamais été très enclin à écrire ma biographie. D'une part, je n'ai pas attaché beaucoup d'importance à l'Autre. La vie est pour moi un accident, un mélange de hasard et du destin. Ce qui aurait pu en être autrement, n’a pas plus de valeur ou d'intérêt pour les autres… Ce qui est dicible de ma vie est la transfiguration de mes poèmes. La vie je la garde pour les vivants, mais pas tant des souvenirs et encore moins des histoires à décrire. Tout est certainement plus complexe que cela, mais je ne peux m'empêcher d' avoir certaines allergies concernant ma propre biographie. « (26 août 1986).


Lire aussi


Chez José Corti



Sur Terre à ciel



ROBERTO JUARROZ (1925~1995)

Va et vient de la tendresse
Qui arrive ou se retire
Comme un rêve d'enfant,
Manipulant des distances
Qui s'écourtent ou s'allongent
Sans changer de mesure.

La rencontre et la séparation
Occupent le même espace,
Qui s'éveille parfois vers un côté
Et parfois vers l'autre
Comme un homme dans son lit,
Qu'il soit seul ou non.

La tendresse dissout
Cette ligne illusoire
Qui partage les eaux
De la séparation et de la rencontre.

Près et loin n'existent pas.
La tendresse les crée
Comme la mer crée la plage
avec le bord insaisissable
De ses sages marées.

Douzième poésie verticale, traduction de Fernand Verhesen






mardi 2 octobre 2018

Max-Pol Fouchet

 "J’ai la nostalgie d’une époque où la culture venait du sol, venait du peuple"

Max-Pol Fouchet











Écrivain, poète, critique musical et littéraire, homme de radio, créateur avec Pierre Desgraupe et Pierre Dumayer de "Lecture pour tous" et de l'émission "Terre des arts", Max-Pol Fouchet était un homme occupé. Aussi était-il, en 1965, un invité tout désigné pour dire ce que lui inspiraient les vacances au micro d'Harold Portnoy, dans "Impromptu de vacances".

Max-Pol Fouchet parlait de ses voyages, de l'Amérique du Sud, de sa famille et de sa fille en particulier, de la culture et des livres, de la liberté, de Vézelay et son jardin où il aimait passer ses congés... à travailler, bien entendu.

Il n’y qu’une valeur que je respecte avec la liberté, c’est la révolte. Aujourd’hui, on fait tout pour limer la révolte, pour l’épuiser et en faire une valeur marchande.

Des écrivains font leur fortune sur la révolte… C’est comme la notion de culture : qu’est-ce que ça veut dire ? Cela veut dire qu’on apporte au gens, comme des boîtes de conserve, ce que nous savons, 'Regardez-nous, écoutez-nous' : c’est un mensonge, une duperie, une forfaiture ! Il ne faut pas donner une culture toute faite, il faut provoquer une culture. Il faut faire revivre une profonde culture populaire. J’ai la nostalgie d’une époque où la culture venait du sol, venait du peuple.

L'entretien avec Max-Pol Fouchet était entrecoupé de lectures de ses œuvres par Bernard Jousset, René Farabet et Michel Bouquet.

Production : Harold Portnoy
Impromptu de vacances - Max-Pol Fouchet
1ère diffusion : 19/07/1965
Indexation web : Sandrine England, Documentation sonore de Radio France
Archive Ina-Radio France






Image de Vézelay où vécut l'écrivain Max-Pol Fouchet, août 2017.• Crédits : Benoît Prieur, via wikimedia






mercredi 26 septembre 2018

Croisement, Denis Tellier




Dans le couloir frôlant mon compartiment.
Train de nuit dans son roulement.
Vous passez...
La lune est blanche avec des reflets bleus.
Train de nuit dans son emportement.
Vous passez sur moi à chaque aiguillage.
Ligne électrique et poteaux bleus.
Nous allons dans la même direction.
Train de nuit dans son empressement.

Denis Tellier

© Tous droits réservés







manuscrit Denis T


J'ai tout de suite pensé à la Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France (Blaise Cendrars), comme ça un flash, à cause de cela sans doute




(...) Et pourtant, et pourtant
J'étais triste comme un enfant
Les rythmes du train
La "moëlle chemin-de-fer" des psychiatres américains
Le bruit des portes, des voies, des essieux grinçant
sur les rails congelés
Le ferlin d'or de mon avenir
Mon browning, le piano et les jurons des joueurs de cartes
dans le compartiment d'à côté
L'épatante présence de Jeanne
L'homme aux lunettes bleues qui se promenait nerveusement
dans le couloir et qui me regardait en passant
Froissis de femmes
Et le sifflement de la vapeur
Et le bruit éternel des roues en folie dans les ornières du ciel
Les vitres sont givrées
Pas de nature !
Et derrière, les plaines sibériennes, le ciel bas et les grandes ombres
des Taciturnes qui montent et qui descendent
Je suis couché dans un plaid
Bariolé
Comme ma vie
Et ma vie ne me tient pas plus chaud que ce châle écossais
Et l'Europe tout entière aperçue au coupe-vent
d'un express à toute vapeur
n'est pas plus riche que ma vie
Ma pauvre vie
Ce châle
Effiloché sur des coffres remplis d'or
avec lesquels je roule
Que je rêve
Que je fume
Et la seule flamme de l'univers
est une pauvre pensée...

Du fond de mon cœur des larmes me viennent
Si je pense, Amour, à ma maîtresse ;
Elle n'est qu'une enfant, que je trouvai ainsi
Pâle, immaculée, au fond d'un bordel.

Ce n'est qu'une enfant, blonde, rieuse et triste,
elle ne sourit pas et ne pleure jamais ;
mais au fond de ses yeux, quand elle vous y laisse boire,
tremble un doux lys d'argent, la fleur du poète.

Elle est douce et muette, sans aucun reproche,
avec un long tressaillement à votre approche ;
mais quand moi je lui viens, de-ci, de-là, de fête,
elle fait un pas, puis ferme les yeux

et fait un pas.
Car elle est mon amour, et les autres femmes
n'ont que des robes d'or sur de grands corps de flammes,
ma pauvre amie est si esseulée,
elle est toute nue, n'a pas de corps

elle est trop pauvre. (....)



tout petit extrait


texte intégral ICI

et sur mon blog







lundi 24 septembre 2018

Barbare plus que les barbares, de Jean-Michel Sananès







                                                                                                          À Davis Troy
Barbare plus que les barbares

Barbare plus que les barbares
Ils ont tué Davis Troy
Et je n’ai rien su empêcher

Amérique, Amérique, que fais-tu de mon amour ?

Un doigt coincé aux portières du temps
Je vis dans la douleur sucrée du permanent départ
J’entends tressaillir les larmes
J’entends les chevaux courir
J’entends les femmes dans le tipi

Amérique, Amérique, que fais-tu de mon amour ?

Je traverse l’immensité d’un cri plus large que le vent
Il s’éreinte au sacrifice de tant de morts
Venus libérer ma France
De tant d’hommes partis sauver mon peuple

Amérique, Amérique, que fais-tu de mon amour ?

La mémoire accrochée à un passé
Vrillé en multitude d’échos
J’entends les rires qui piétinent les ghettos
J’entends pleurer Cheval Fou
Et nous n’avons rien empêché

Barbare plus que les barbares
Est-ce la couleur du monde ?
Amérique, j’entends pleurer Dylan

Amérique, Amérique, que fais-tu de mon amour ?


© JMS

Publié dans Et leurs enfants pareils aux miens


le 25 octobre 2011 par Cheval fou (Sananès)



Blog de JMS





Troy Davis
photo du Net

samedi 22 septembre 2018

Les saisons de l'Âme, poème de FRuban (2012)





Les saisons de l'Âme

" Il pleut chez moi, chez toi le soleil est de plomb.

Quand pourrons-nous enfin marier nos saisons "

Barbara / Moustaki

L'Amour vogue

sur le fleuve

des saisons de l'Âme

Hiver de glace impitoyable

dentelle de givre déposée

sur le Sophora sacré

ange de tes nuits

témoin de tes cris

gardien de tes prières muettes

- Ô douleur

D'En-Haut

se déversèrent des larmes diluviennes

le jour où s'entrouvrit la terre.

Le coeur prisonnier et vengeur

hérissé de glaçons acérés

- Ah... mordre le Monde entier et le Ciel avec !

au fil des lunes... se surprit à frémir

Pour la Chandeleur

Pierrot et Colombine s'élancèrent

en une subtile pantomime

valse lunaire

et masques rieurs ....

Ténu

un souffle

nouveau

irrigua mon sang

ranima le désert aride

de mon ventre creux

- Mystérieux murmures aux lueurs de l'aube

Attentes fébriles rires partagés

Jamais iris n'eurent si noble élégance

dans la fierté de leur robe bleue

Jamais terre enneigée ne s'était parée

de notes si délicates et fleuries

Au coeur de mon âme

imperceptibles d'abord

de menus battements ...

La Vie est là !

Âme purifiée

dépouillée libérée

soudain

de ses oripeaux de colère

de l'aveugle violence

dont l'avait affublée la Camarde

doigts crochus

ailes charbonneuses de rapace faucheuse

Parfums de lilas et de roses

Flux et reflux de baisers au rythme de l'Océan

Souffle perdu

vite retrouvé

Le coeur s'enflamme la vague incendie

l' âme ruisselle irradiante incontrôlée

les joues s'empourprent

couleurs de l'été finissant

Nuits blanches

Nuits d'émoi

Regard pâle

Sourire étale

Sanglots... au-delà des mots

- Comme il fait froid....

Je tremble et ce n'est plus l'hiver

Les arbres s'habillent de flammes

dansantes alléchantes

tournoyantes incandescentes...

Eclats de la Vie

Flamboiements de la Passion

Aimer

Emotions... fulgurances folles follement diffusées

Merveilleux naufrages

Irréels et sublimes orages !

Le corps et l'âme apaisés

Le coeur riche de cet Amour

Amour au-delà d'Eros

Amour par trois fois vainqueur de Thanatos

Amour

qui rira

te suivra

me guidera

Amour

tu prendras ma main

chaque jour

chaque saison

de tous nos lendemains..

© F.R

le 09 septembre 2012

Tous droits réservés

(protégé par copyright)

Poème extrait du recueil "L'Âme des marées" (éd ene, 2014)







©photo fruban






samedi 8 septembre 2018

Pedro Salinas, La voix qui t'est due (extrait)




Pardonne-moi d'aller ainsi te cherchant
si maladroitement,
en toi-même.
Pardonne-moi la douleur, parfois.
C'est que je veux tirer
de toi ton meilleur toi.
Celui que tu n'as pas vu et que je vois,
ce nageur, très précieux de tes profondeurs.
Et l'attraper
et le tenir dressé vers le ciel
comme l'arbre retient la dernière lumière
qu'il a trouvée dans le soleil.
Et alors toi
tu viendrais le chercher, là-haut.
Pour parvenir à lui
haussée sur toi-même, comme je t'aime,
ne touchant désormais ton passé
que des pointes roses de tes pieds,
tout le corps tendu,t'élevant désormais
de toi à toi-même.

Et que réponde alors à mon amour
la créature neuve que tu étais.

trad Bernard Sesé




Perdóname por ir así buscándote
tan torpemente, dentro
de ti.
Perdóname el dolor, alguna vez.
Es que quiero sacar
de ti tu mejor tú.
Ese que no te viste y que yo veo,
nadador por tu fondo, preciosísimo.
Y cogerlo
y tenerlo yo en alto como tiene
el árbol la luz última
que le ha encontrado al sol.
Y entonces tú
en su busca vendrías, a lo alto.
Para llegar a él
subida sobre ti, como te quiero,
tocando ya tan sólo a tu pasado
con las puntas rosadas de tus pies,
en tensión todo el cuerpo, ya ascendiendo
de ti a ti misma.
Y que a mi amor entonces le conteste
la nueva criatura que tú eras.

Pedro Salinas, en «La voz a ti debida»




édition bilingue le calligraphe

prologue Jorge Guillén






Pedro Salinas (1891-1951)

samedi 25 août 2018

Depardieu chante Barbara


Dis quand reviendras-tu










Concert du 3 novembre 2017












"Depardieu chante Barbara" (Gérard Depardieu/ Gérard Daguerre) : enregistrement audio du concert privé, diffusé sur France Inter en direct du studio 104 le Vendredi 3 novembre 2017  https://www.franceinter.fr/emissions/...



1:05      Mémoire

3:28      Mon enfance

7:35.     O mes théâtres

10:06    A mourir pour mourir

13:30    Du bout des lèvres

16:49    Marienbad

22:37    Drouot

29:14    Le Soleil noir

34:45    L'Île aux mimosas

38:50    Une petite cantate

42:34    Sid'amour-à-mort

48:03    La solitude

51:25    Au bois de Saint-Amand

53:48    Perlimpinpin

59:52    Emmène-moi

1:03:47 A force de

1:07:47 Ma plus belle histoire d'amour

1:13:07 L'Aigle noir

1:17:47 Nantes

1:22:39 Dis, quand reviendras-tu ?

1:27:00 Göttingen

1:34:33 Une petite cantate



(N.B.: Le concert n'étant plus disponible sur franceinter.fr, cet enregistrement est partagé en mode public dans son intégralité et sans montage,  sous réserve de droits et d'autorisation de diffusion. Toutes notifications d’atteinte présumée aux droits d’auteur entraînera sans délai la suppression de ce dernier. Véro R.)





Plus d'infos : http://www.depardieuchantebarbara.fr/


mardi 21 août 2018

Hélène Cadou








Dors mon enfant paré de lys et de silence
Dors sur le grand vaisseau qui traverse le temps
La nuit est douce

Les réverbères sur la ville
Versent des larmes comme une rosée
Dans la brume des quais je ne vais pas me perdre
Je rentre sous la lampe avec ton souvenir
Plus calme qu'un goéland
Dors mon petit enfant

Je ne sais plus dormir
Mais au bord de la nuit comme on cueille des fleurs
Je cherche des rêves pour te les offrir

Dors toi qui connus le malheur de vivre
Dors
Et qu'un rayon de lune te console et te suive
Au-delà des marées.

Hélène Cadou
in, Le bonheur du jour
suivi de Cantates des nuits intérieures
éd. Bruno Doucey p 55

© photo F.Ruban







© photo fruban



Je sais que tu m'as inventée
Que je suis née de ton regard
Toi qui donnais lumière aux arbres
Mais depuis que tu m'as quittée
Pour un sommeil qui te dévore
Je m'applique à te redonner
Dans le nid tremblant de mes mains
Une part de jour assez douce
Pour t'obliger à vivre encore.

Hélène Cadou

in, Le bonheur du jour, suivi de Cantate des nuits intérieures p 23

éd Bruno Doucey



mercredi 15 août 2018

Tatiana Roy, hommage



J'écrivais ceci le 13 août 2012



Tatiana Roy, épouse de Jules Roy, grande poète trop souvent méconnue parce que dans l'ombre de Julius, le Grand homme... vient de rejoindre les étoiles...

Elle vivait à Vézelay, tout près de leur ancienne maison avec ses terrasses et son magnifique parc, aujourd'hui devenue Résidence d'écrivain. Je l'avais rencontrée plusieurs fois, avais assisté à une lecture de ses poèmes par elle-même et... nous avions bavardé, j'avais même osé lui demander une dédicace, un exploit pour moi !

J'ai lu son journal, ses différentes oeuvres, tant je découvrais une femme et un écrivain qui me touchait profondément.

Belle Tatiana, je vais vous relire... Je vous dis au revoir... Bientôt, j'irai vous rendre visite à Vézelay où vous devez avoir retrouvé votre Julius, votre amour et le "censeur" involontaire sans doute, de votre oeuvre. Je vous aime...



FR








Sommes-nous donc nés
pour affronter le Tunnel
nous débattre contre les fantômes
avant d'atteindre un Ailleurs
Alleluia de lumière
ou ténèbres éternelles ?
Port paisible
ou apocalypse muette ?
Voit-on sa chair se désagréger
dans la joie ou l'horreur?

Rose, belle rose dans ton épanouissement
que septembre apprête
dis-moi quelle âme vas-tu parer
dans cet au-delà
où fondent tes couleurs ?

Tatiana Roy
Chants de l'Inaccueillie (1997)
Préface de Jacques Lacarrière




Le ciel traîne sur la terre sa lourde graisse
la vieille chouette en son miroir
a la peau souillée de ciel.

Comment vivre face à face avec ce double
cette étrangère aux yeux de pluie ?

Dès que la quitte mon regard
elle glisse en mon âme
et saccage.

Ah ! si j'avais deux corps
celui de l'âme
celui de l'âge.

Tatiana Roy

Chants de l'Inaccueillie

p 25, éd DOMENS
préface Jacques Lacarrière








Orage à Vézelay

Seule avec le vent sur la terrasse dominant la vallée, je m'accoude
par-dessus le sépulcre de Madeleine, par-dessus les terres
mouillées, le vent est avec moi
quand grolle le choucas
l'esplanade en son décor de ruines est verte, au loin l'averse traverse l'iris du ciel, l'étoile y déroule une pavane.

J'écoute la nuit des vents, la basilique en croix noire
sur les jonchées d'orage
j'écoute vivre l'énorme chose qui n'a pas de nom
les songes qui errent autour des vieilles demeures
La chouette s'égare dans une lune de menthe et toi,
l'homme absent, tu es en moi.

S'ouvre la nuit, voici le vent de pluie, j'aime et tu es en moi
et puis voici la pluie, j'entends sa chute sur les tuiles,
son cliquetis au râtelier des marronniers.
Il pleut sur la terrasse, quelle âme en moi soudain bat de l'aile ?
Mon amour tu es en moi, j'élève vers toi la source de mon âme

Il pleut, la lune a couleur d'alun, le ciel se vêt des plumes du paon
L'aube vole ses heures à la tristesse
j'ai froid.
Mon amour vivons même si la chair n'est plus chair, avec
le cri cinglant des hirondelles au haut des tours.

Bel âge me voici, toi et moi sur la route avec ce vent d'ailleurs.

Tatiana Roy
Chants de l'Inaccueillie
( Préface de Jacques Lacarrière )





© photo fruban

"Deux pommes de pin, sphynx de pierres, gardent l'entrée de la vasque qui recueille le liquide sacré. Leur nuque bouclée s'imprègne d'une teinte de Sienne.

Le sentier se faufile entre les murets chancelants, se perd dans la clairière où des lucioles pirouettent sur la cime des herbes (...)"

Tatiana Roy
Chants de l'Inaccueillie






Où es-tu vérité ?
source d'exils
Anges noirs ou Anges clairs
je suis triste ô beauté alentour
qui te contemple?
cette antique maison
je suis l'une de ses pierres
la vieille patine de ses meubles
le temps me tourne et me retourne
comme le soleil qui roule sur le ciel.

Suis-je ces crépitements
d'oiseaux en liberté?
suis-je ce gong du coeur
dans l'errance du passé?
ou ce vrombissement de la boule d'or
des mouches au-dessus de ma tête
ou ne suis-je que ma mort
en cet arbre abattu?

Où es-tu vérité?
beauté qui surgit
entre ombre et lumière
entre chaud et froid.

Tatiana Roy
Chants de l'Inaccueillie



                                                                                           *****




Voyez mon coeur fait naufrage et mon corps le suit
il existe pourtant le baiser d'automne
celui de la main qui rêve la main qui étreint
Venez, venez - allons explorer
il y a quelque chose à trouver
entre les lèvres du dernier soleil d'automne

Venez, venez - mais où fouiller ?
- il est là caché là - qui cela ?
quoi ? un simple baiser d'automne
Peut-être est-ce les yeux des chats qui fixent dans la nuit
peut-être mon Kotik les essaime dans la vitre
ou la mort qui grave en moi ses yeux magnétiques

Qui aime le sourire aime le mystère
trouvera les bras les lèvres l'énigme et l'oubli
alors que mon corps fait naufrage et mon coeur le suit
il niche là - où donc ? Là !
Venez -cherchons - impossible ne pas trouver
le baiser d'automne dans la main qui étreint
avant que mon corps ait fait naufrage
mon coeur déjà le suit

hier aujourd'hui ou demain peine perdue.

Tatiana Roy

Ne restera qu'un peu de vent
Editions L'Or des Etoiles (p.8)


                                                                                             *****




Je prends à pleine main la masse de la nuit
et ce sont des étoiles, je déplie
la couverture du silence, et découvre
très proche et très lointaine la forme nue
de la terre
et mon voeu devient cristal
éprouvé de lumière.

L'aube oblongue
le temps de se mouvoir en elle
le couchant finitude d'une vie
fulgurant

Tatiana Roy
in, Ne restera qu'un peu de vent (éd L'Or des étoiles)




Une Mère est morte





Parfois je suis pleine de voix anciennes

le moment vient on entend Son pas

on ne voit rien dans le miroir qui n'y soit déjà

on croit vivre longtemps l'immédiat

alors qu'il file à vive allure


Et ce ciel terriblement vivant qui nous guette

par-dessus les étoiles sans jour et sans nuit

elle prie

muettes les lèvres remuent

Où s'ouvre donc cette porte

qui ne se referme que sur soi ?

O lumière ! Est-elle dehors est-elle dedans ?

peut-être l'avait-elle un instant entrevue quand la brèche s'entrebâillait ?


Les jours se suivent de si près en la souffrance

à peine un peu de nuit pour séparer

et les nuits s'emboîtent si étroitement aux nuits

les jours entre elles s'effacent.

La jeunesse en secret la visite

alors qu'elle se débat et halète

aborde l'autre rive

une icône en main.


Aux bouts d'une longue table

deux hommes qu'elle ne sut aimer

l'accueillent sur le seuil

et déposent sur son front

le baiser fraternel et glacé qui scelle leur complicité.


La tombe de ma mère conduit les pas

vers le plus haut silence


peut-être que le miroir du souvenir

n'est ni miroir ni souvenir

peut-être que les larmes d'un instant de peine

ne frémissent pas sous la chaleur d'un baiser


peut-être n'y a-t-il pas de mystère

sous cette dalle

où se penche le bouleau

peut-être que mes lèvres ne savent plus prier

et l'image s'est assombrie dans le passé

de douleur et sous la solitude


peut-être éclatera-t-il mon coeur d'un mal encore plus aigu

peut-être que la lumière usée de ses yeux

ne pénètre plus en mon âme


tu es là malheureuse telle étais-tu vivante

peut-être me pardonneras-tu





Tatiana Roy

Ne restera qu'un peu de vent








Dans Encyclopédie de la mort


http://agora.qc.ca/thematiques/mort/dossiers/roy_tatiana 



Tatiana Roy, née SOUKHOROUKOFF en Bulgarie de parents immigrés russes, a écrit et publié pendant plusieurs décennies. Journaliste, traductrice, poète, écrivaine, ayant touché à de nombreuses expressions artistiques, elle est décédée et inhumée à Vézelay en août 2012.

Tatiana a écrit Bonheurs quotidiens, Paris, Éditions Tirésias, 2000

« Être l'épouse d'un grand écrivain est une situation à la fois terrible et merveilleuse, tel devrait être notre avis, certes sommaire, mais Tatiana Roy, toute en finesse, avec malice et un immense talent, nous livre, jour après jour, ses relations jamais atones avec Jules Roy et nous irradie cette drôle d'aventure. Elle nous narre ses émois, ses peurs à rassurer, ses allégresses à partager l'ombre et la lumière de « son » Julius; alors l'écriture devient comme une empreinte à cette vie si peu commune. Elle nous dit sans fard, avec une vraie nudité, cruelle et pourtant si belle, non exhibitionniste, ses regrets de femme de lettres, parfois son calvaire de femme sensible, sensuelle, se sentant abandonnée, mais toujours chan­tant son amour pour celui qu'elle nomme « son grand écrivain de mari ». Avec elle, nous traversons sa première rencontre, un peu rude, et avec elle, nous sommes désarçonnés de l'accueil qui lui est fait, à la limite de la maniaquerie, elle si nonchalante. De page en page, elle va nous apprendre à aimer cet homme, à prendre conscience de son oeuvre, de sa sensibilité et de sa place dans l'histoire de la littérature française, de cette fin du XXe siècle ». (Éditeurs)

Unica unicae , Correspondance amoureuse entre Jules et Tatiana Roy
par Jules Roy, Tatiana Roy, Paris, Tirésias, 2007.

« Unique, tel au féminin, tel au masculin, est le souhait Unica Unicae de Jules Roy, qui nous porte dans ces pages de lettre en lettre, d'année en année. Des mots, des sentiments, des vies, des instantanés, avec les interrogations domestiques, les petits riens qui font une vie belle ou empoisonnante. Ces faits qui marquent et coulent à la rigole de la plume nous sont offerts comme une page d'écriture ou encore une maison à entretenir, une correspondance à tenir, l'empreinte du temps, l'errance d'un parcours, les angoisses de l'écrit, l'avant difficile d'un livre à faire naître et toutes ces pensées qui obsèdent l'esprit de celui qui écrit et qui pourtant espère convaincre, de sa force littéraire, tous les lecteurs. Et Jules Roy écrit et dit, et Tatiana, qui n'est pas un réceptacle, ni de ses plaintes, ni de ses joies, ni de son succès, ni de ses douleurs, devient un miroir à double face, qui renvoie à son mari son état d'écrivaine, la naissance de mots faisant oeuvre pour la littérature. Nous lirons les dépenses et ses angoisses, le train de vie, la maison à entretenir de la ville, qui est désuète et surannée, et à celle à la campagne, champêtre, à laquelle on doit garder sa magie de rêverie. Toutes ces obsessions, comme une misère sur cette quête de reconnaissance, sur ces mots à inscrire, comme pour marquer le respect que l'on porte à l'autre, comme si on prenait soin de sa propre personne ». (Éditeurs)

Ne restera qu’un peu de vent
Poèmes de TATIANA ROY

Ce troisième recueil de poèmes de Tatiana Roy, qui vit à Vézelay depuis vingt-cinq ans, témoigne d’une inaltérable sensibilité au lieu, à son charme entêtant. C’est le Vézelay d’automne et
d’hiver qui est transcrit ici, pluvieux et presque « slave », habité de rares figures, plus animales qu’humaines. Les poèmes sont imbibés de mélancolie sans pathos : une ambiance singulière se dégage, alliage de simplicité et de profondeur. La perspective de la mort n’est pas niée ou rejetée, elle est intégrée au paysage, à sa place…

En attendant l’éternité, poèmes, Grasset, Paris,  1972 
              Châteaux d’Exils, roman, Balland, Paris, 1988

Chants de l’inaccueillie, poèmes, préface de Jacques Lacarrière, Domens, Pézenas, 1997


L’Ane sur la colline, récit, L’Or des Etoiles, Vézelay, 2001















jeudi 9 août 2018

Chant des baleines, de Domi Bergougnoux











Chant des baleines



Mon très grand mon tout petit
Mon enfant perché
Entre le Très haut et le Très bas
J’adresse ces mots friables à ton silence de granit
Je vole à la nuit la rondeur de la lune,
qu’elle te berce dans sa lumière ambrée

Je me dois de chanter à la surface des heures lentes
De ramener ton âme éperdue
Au centre de ce qui de toi dérive et se dilue

Mon tout petit mon très grand
Dans cette nuit glacée où tout paraît hostile
Je n’ai que mes mains trouées à te tendre
L’écorce de mon cœur de silice et de quartz
a volé en éclats acérés dans l’azur assombri
en copeaux dispersés sous un soleil de plomb

Reste mon chant de baleine sous l’océan flou
le silence sacré et le psaume très doux
de mon amour inconditionnel de mère
Pour bercer ta douleur d’être au monde.

Domi Bergougnoux,

Où sont les pas dansants ?
[préface de Robert Notenboom, autoédition, 2018]









Dans Recours au poème 


Dominique Bergougnoux


Dominique Bergougnoux vit en région parisienne. Elle a exercé plusieurs métiers : chargée de communication, professeur de lettres, et orthophoniste. Enfant, elle a dévoré tout le rayon poésie de la bibliothèque municipale, des poètes francophones aux traductions de poètes du monde entier. L’art du haïku, auquel elle s’est  intéressée bien avant qu’il soit à la mode, a influencé son écriture dans sa recherche du dépouillement. Elle est revenue à l’écriture depuis 2 ans, après des années consacrées au chant.

A  publié :

Où sont les pas dansants , 2017
A rebrousse-cœur/ Poètes du temps présent, 1981 (Ed. La pensée universelle), in Revue Les cahiers du détour/Silence n°5, 2000 (Ed. Acerma).
A participé à l’ouvrage collectif de haïkus « L’Herbier » (Ed. Graines de vent)

Depuis 2015, elle poste régulièrement ses textes récents sur sa page Facebook. (domi.bergougnoux). Plusieurs textes ont été publiés récemment  par les revues Le Capital des Mots, 17 secondes, Lichen et sur le site Accents poétiques. Un article prévu dans la rubrique Découverte de la revue Possibles en mars 2018.



Dans Revue Possibles , de Pierre Perrin

mercredi 25 juillet 2018

Je pense que tout est fini et autres poèmes, Alain Borne

Alain Borne
1915-1962






Je me couche dans la poussière, les yeux fermés

La nuit sera totale, tant que l'aube

Et le grand jour de ta chair

Ne passeront pas au-dessus de moi

Comme un vol de soleils. 

Alain Borne








Je pense que tout est fini


Poème dédié à Paul Vincensini.


Je pense que tout est fini
Je pense que tous les fils sont cassés qui retenaient la toile
Je pense que cela est amer et dur
Je pense qu’il reste dorénavant surtout à mourir.

Je pense que l’obscur est difficile à supporter après la lumière
Je pense que l’obscur n’a pas de fin
Je pense qu’il est long de vivre quand vivre n’est plus que mourir.

Je pense que le désespoir est une éponge amère
qui s’empare de tout le sang quand le cœur est détruit.

Je pense que vous allez me renvoyer à la vie qui est immense
et à ce reste des femmes qui ont des millions de visages.

Je pense qu’il n’y a qu’un visage pour mes yeux

Je pense qu’il n’y a pas de remède

Je pense qu’il n’y a qu’à poser la plume
et laisser les démons et les larmes continuer le récit
et maculer la page

Je pense que se tenir la tête longtemps sous l’eau finit par étourdir
et qu’il y a de la douceur à remplacer son cerveau par de la boue

Je pense que tout mon espoir que tout mon bonheur
est de devenir enfin aveugle sourd et insensible.

Je pense que tout est fini.



Alain Borne (1915-1962) –

L’amour brûle le circuit (Club du Poème, 1962) – Œuvres poétiques complètes (Curandera, 1980-1981)



                                                                             ***



Mes lèvres ne peuvent plus s'ouvrir

que pour dire ton nom

baiser ta bouche

te devenir en te cherchant.

Tu es au bout de chacun de mes mots

tu les emplis, les brûles, les vides.

Te voici en eux

tu es ma salive et ma bouche

et mon silence même est crispé de toi.

Je me couche dans la poussière, les yeux fermés

La nuit sera totale, tant que l'aube

Et le grand jour de ta chair

Ne passeront pas au-dessus de moi

Comme un vol de soleils.

Alain Borne




 « Pour moi la poésie seule est la vie, tout le reste est subsistance »



Je sais que vous veillez dans cette nuit si blanche

Qu’on croirait un verger assailli par le vent

Et l’heure des lampes devient douce

Si votre ombre descend sur la plage d’un livre

Si votre souffle éveille la charbon du poème

A la vie de la flamme.



Peut-être suis-je seul avec ma blessure

Et mon sang qui écrit

Peut-être suis-je loin de vous

De ce visage dont j’existe

Et de ces mains ravies à l’écume des astres

Et de ce corps si pur et sans baiser

Peut-être

Et j’envie votre chambre

Qui peut vous voir sans cesse

Cette table ces livres et la couleur du mur

Et la fenêtre où le visage du soir écrase sa noirceur

Et l’eau qui coule entre vos doigts

Sans souvenirs ni pensée.



« Ô je vous aime

Ma solitude crie à travers ce papier

Comme dans le château

La voix du prince vers la belle endormie.



Ô je vous aime

Ma solitude crie et tend ses mains lointaines

À tâtons vers vos mains

Je ne veux plus de ce poème

Ni du mensonge de mon rêve

Mais le pain de vos lèvres

Mais le vin de vos yeux


Mais l’air de votre souffle. »

extrait de "C'était hier et c'est demain", éd. Seghers, 2004



                                                                                        ***       




La nuit me parle de toi



La nuit me parle de toi

elle ne me donne pas de rêves

pleins de femmes transparentes

mais elle m'apporte ton image

afin que ton absence

ne m'étrangle pas tout à fait.



Elle voit avec scandale

que je n'ai pas ton corps dans mes bras

et elle allonge près de moi

le fantôme de ta peau.



Elle me dit

qu'à force de t'aimer tu m'aimeras

et qu'ainsi cessera ma longue insomnie

sur ta présence réelle

et sur ton vrai sang.



Il le faut



Il  le faut

il le faudra un jour



Nous saurons inventer

Tout sera pur comme l'hiver



Personne n'aura su avant nous.

Nos craintes seront plus douces qu'une ombre blanche.



Ce sera comme si nous avions invité

d'invisibles colombes

à voler avec nous.



Ce sera comme si nous habitions le feu de leurs ailes

avant de ne plus savoir

qui nous sommes l'un de l'autre.


Poèmes à Lislei (Seghers 1946)



                                                                                  ***




Bibliographie


2001  Terre de l’été suivi de Poèmes à Lislei  « Editinter »

2001 Un brasier de mots  - Poèmes inédits Voix D'encre

2002  L’eau fine suivi de En une seule injure  « Editinter »

2003  Poèmes d’amour ( Anthologie )  «  le cherche midi »

2003  Encres  « Atelier du hanneton »

2006  La nuit me parle de toi éditions Le trident Neuf



« L'Amour, la Vie, la Mort : deuxième anthologie de poèmes inédits », Voix d'encre, 1994.

Les « Œuvres poétiques complètes », aujourd'hui épuisées, ont été éditées en deux volumes par les éditions Curandera, en 1981.




Quelques poèmes sur le site Esprits nomades