samedi 18 janvier 2020

Le bâton de Plutarque de Cristian Ronsmans, article de Francine Ghysen










Le Carnet et les instants
blog des Lettres belges francophones

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Des notes sur toute la gamme

Dans Le bâton de Plutarque, deuxième volet de ses Miscellanées (le beau nom, quelque peu oublié, des mélanges littéraires), Cristian Ronsmans nous livre une nouvelle brassée de notes cueillies dans ses carnets, aux couleurs et humeurs variées. Groupées par chapitres fantaisistes : Aphorismes et périls, Aphorismes et mantilles, Aphorismes et basse continue, Aphorismes et vieilles dentelles…

Ici, un air de confidence : « Je n’ai jamais verrouillé mon cœur. J’aurais dû. J’aurais dû le cadenasser ».

Là, des réflexions dans le sillage de la phrase ‘lumineuse’ d’Hölderlin : « La poésie est un jeu dangereux ». « L’objectif essentiel de la poésie [est] de rendre visible l’invisible, de faire remonter le ’moi’ enfoui. »

Plus loin, une conversation avec le Silence, début d’une mystérieuse amitié.

Une brève histoire d’une ironie mélancolique, dédiée à Claude Nougaro : « Elle m’aimait pour ce que je fus. Elle ne m’aime plus pour ce que je suis. L’amour est aveugle non parce que l’authenticité de l’objet se dissimule au regard mais parce que le regard ne voit que ce qu’il rêve de voir. ».

Des méditations sensibles sur l’art : « L’art, quelle que soit la façon dont il touche un être, tend à lui offrir la possibilité de se dépasser, d’être autre dans un mouvement d’allégresse incomparable. » «  L’art est une marche sur les sentiers escarpés de notre recherche vers la subtilité des profondeurs qui le met en action. ».

Des pages captivantes sur Tàpies : « Un peintre loup. Solitaire, il l’est et entend le rester.» Dans son abstraction figurative, il rencontre un subtil écho de Paul Klee, « si proche de la peinture d’au-delà de la peinture ».

«Tàpies s’interroge, nous interroge : la création n’est-elle pas une œuvre à deux dans une dialectique en tension constante entre artiste et spectateur ?

Cristian Ronsmans évoque Marcel Duchamp, le grand ‘Chamboulateur’. « De Cézanne au futurisme, en passant par toutes les avant-gardes de son temps, il a tout exploré rapidement, car c’est un homme pressé d’en finir, pour se consacrer à son projet. » Projet s’appuyant sur une idée-force, qui hantait l’artiste : « ‘Quitter le champ de la peinture rétinienne’, la peinture qui fait plaisir. Pour mieux gagner les rives aporétiques d’un monde qui n’existe pas encore vraiment ».

Il rappelle l’influence qu’eut sur son œuvre Raymond Roussel, dont il tient Locus Solus pour « l’un des grands chefs-d’œuvre de la littérature du XXe siècle ».

En revanche, il n’épargne pas les imposteurs, au premier rang desquels Jeff Koons« Après avoir été longtemps courtier en matières premières à Wall Street, Jeff Koons se lance dans l’art ‘en tant que vecteur privilégié de merchandising’, cet ancien trader s’est très tôt reconverti dans la marchandisation de l’art, aux bénéfices bien plus juteux que les bénéfices boursiers à risques. […] On a condamné Madoff, à juste titre. À quand, pour outrage à l’art, l’inculpation de Jeff Koons ? »

Tour à tour sérieux et léger, grave et moqueur, Cristian Ronsmans aime jouer avec les mots : « un bouc hémisphère », « à double tour d’ivoire », « j’ai l’estomac dans l’étalon »…

Et l’on choisit de le quitter sur un sourire: « Comme disait un vieux talmudiste: ‘Quand je découvre quelque chose qui me dépassait jusqu’alors, j’ai envie de danser sur la table’. Je vous souhaite à tous de danser sur la table. »

Francine Ghysen





Je vous invite à ouvrir l'article afin de le lire en entier. Une très belle critique-hommage de ce livre unique comme l'était déjà Ostraka (mêmes éditions)
fruban, le 18 janvier 2020