mercredi 30 décembre 2015

Je te l'ai dit, poème

Et sans prévenir, ça arrive 
Ça vient de loin 
Ça s´est promené de rive en rive 
Le rire en coin 
Et puis un matin, au réveil 
C´est presque rien 
Mais c´est là, ça vous émerveille 
Au creux des reins 

La joie de vivre 
La joie de vivre 
Oh, viens la vivre 
Ta joie de vivre
                                       
                                                                                                                     Barbara

                                         Je te l'ai dit                                      
                                                   
                                                                                                                                 



Je te l'ai dit

Ce fut d'abord le gris de cendre
Un gris dentelé de bleu
Et je m'enfuis

Respirer l'iode océane et ses embruns
cheveux fous sous le vent vivifiant
Un souffle caressé d'amour

Je te l'ai dit

Mots croisés éparpillés
mes deuils renouvelés
Et j'ai pleuré

Quand tu revins aspirer mes chagrins
comme un vaurien tu as ri
Et moi aussi j'ai ri

Je te l'ai dit

2015 la barbare

Son cortège de fantoches assassins
dévastant la Liberté
crachant feu de haine souillé de sang
Ses flots d'ignorance gonflés d'arrogance et de vengeances
Terre craquelée prête à exploser
A l'orée il y eut Charlie
Au crépuscule rougeoyant ce fut le Bataclan
Le sang déversé

Je te l'ai dit

Les marchands du temple
Guirlandes éteintes au pied des sapins
nœud coulant et cœur serré
cadeaux enrubannés éparpillés refusés piétinés
Et le tourbillon de la vie autre galaxie
Fils emmêlés
Nous nous sommes étranglés
En mon cœur la lumière s'est enfuie
inondant de noir les ciels d'hiver

Je te l'ai dit

Lentement j'entre dans l'hiver je l'apprivoise
Me nourris de l'odeur rouge du bois qui gémit
Et cette lune si ronde au soir de Noël
Je scrute les ciels encore les ciels
Quelques éoliennes clignotent rouge à l'horizon
presque une guirlande en ces fêtes ravagées
Et la lune enfle toujours se camoufle de sang
Dans quelques jours St Sylvestre sera le terme

Aujourd'hui

Je te le dis

Sous les feuilles mortes naissent les perce-neige
En juin un autre Solstice
une jupe de soie sauvage
une vague déferlante
une brise caressante

©fruban

le 29 décembre 2015

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in Chorégraphie de cendre (éd épingle à nourrice),2017






crédit photo fruban





lundi 28 décembre 2015

Lettre d'Elsa Triolet à Louis Aragon

photo du Net







Il n’est pas facile de te parler. Tu sembles oublier que nous vivons l’épilogue de notre vie, qu’ensuite il n’y aura plus rien à dire et que l’index lui-même d’autres le liront — pas nous.

Je te reproche de vivre depuis trente-cinq ans comme si tu avais à courir pour éteindre un feu. Dans ta course, il ne faut surtout pas déranger, ni te devancer, ni t’emboîter le pas, ni te suivre — quel que soit l’ouvrage — aussi bien couper des branches sèches, il ne faut surtout pas s’aviser de faire quoi que ce soit avec toi, ensemble. Cette dernière entreprise est bien ce que j’avais vécu de plus affreusement triste. Tu es là à trembler devant mes initiatives, jamais tu ne discutes, tu ne fais que crier ou tu « prends sur toi ». Le plaisir normal de faire quelque chose ensemble, tu ne le connais pas. Un mot anodin à ce sujet et tu te mets à m’expliquer la montagne de choses que tu as à faire. Comme au téléphone, tu racontes toutes tes activités, à n’importe qui, pour expliquer que tu ne peux pas voir ce quelqu’un justement maintenant. En somme, rien de changé depuis l’exposition anti-coloniale.

Pourtant, il serait peut-être aussi urgent de parfois nous rencontrer. Il nous reste extrêmement peu de temps, et tu le sais mieux que quiconque. Mon Dieu, ce que la sérénité me manque, toute une vie comme dans la voiture où je ne peux jamais te dire « regarde ! » puisque toujours tu lis ou tu écris, et qu’il ne faut pas te déranger.

J’étouffe de toutes les choses pas dites, sans importance, mais qui auraient valu la vie simple, sans interdits. Avoir constamment à tourner la langue sept fois avant d’oser dire quelque chose, de peur de provoquer un cyclone — et lorsque cela m’échappe, cela ne rate jamais ! J’y ai droit.

Pourquoi je te le dis ? Pour rien. Comme on crie, bien que cela ne soulage pas. La solitude n’est pas le grand thème de mes livres, elle l’est — de ma vie. J’y suis habituée, je m’y plais après tout. À l’heure qu’il est, le contraire me dérangerait. Ce que je veux ? Rien. Le dire. Que tu t’en rendes compte. Mais j’ai déjà essayé, je sais que c’est impossible. Et si tu me dis encore une fois combien juste maintenant tu tiens tout à bout de bras — je casse tout dans la maison ! Je ne mendie pas, rien, ni ton temps, ni ton assistance, ce que je ne supporte pas c’est la manière dont tu te tiens sur la défensive, les barbelés et les fossés. Ma peine te dérange, il ne faut pas que j’aie mal, juste quand tu as tant à faire. Moi aussi je prends sur moi, et même je ne fais que cela. À en éclater, à sauter au plafond. Même ma mort, c’est à toi que cela arriverait.

Et puis — zut ! Je suppose que quand on n’a pas de larmes, il vous faut une autre soupape. Allons mettons que ce que je ressens soit pathologique, et consolons-nous avec ça. Autrement tu vas encore me sortir que « tu as encore commis un péché… » Et si c’était vrai ? Un péché contre un semblant de bonheur. Je te rappelle seulement l’heure : nous en sommes à moins cinq. Ne me dis pas à mois six et demi, parce que c’est la même chose.

Elsa Triolet


Deslettres.fr

mercredi 23 décembre 2015

Le prix à payer, poème de FRuban

                                                     Le prix à payer




Elles arrivent elles sont là  __  fêtes de fin d'année
manne commerciale régal des banquiers
Sont exclus les démunis les endeuillés les assassinés
par la faim la folie les coups des guerriers
Cette année je dis Non
aux honteuses orgies hypocrites vitrines
Peut-être la honte d'une vie qui s'incruste
quand mille sourires assoiffés de Vivre
ne sont plus que décharnés rictus par la Mort abattus


Et pourtant et pourtant  __  regard et cœur d'enfant
longtemps j'ai gardé
Choisir préparer l'arbre chercher au fond d'un placard
anciennes parures soyeuses illuminées
Accrocher ici  _  ou plutôt là-bas  _  quelques branches de houx
quelques rameaux enneigés
Parfois sous les sarcasmes malicieux
Installer le village de santons autour de la crèche
Non par esprit religieux ou quelconque croyance
pour l'ambiance le clair obscur la lueur des bougies parfumées


Lorsque tu es parti mon fils bien-aimé
je me fis violence pour les petits yeux émerveillés  __  pour Toi
je perpétuai les gestes ancestraux préparai les repas de fêtes
Coeur serré par ce manque cruel  __  Ta place à jamais vide
D'année en année de colère en colère
de sanglots en cadeaux
Noël s'invitait sous notre toit  __  Et puis
Vint 2015 la sanglante la barbare
Cette fois je ne peux plus


Et pourtant et pourtant  __  Ce soir je le sais
la colère noyée sous les larmes est privation
J'aimerais tant redevenir enfant émerveillée
Ce soir je garderai la douce chaleur du feu de bois
la lueur des bougies parfumées
les saveurs de cannelle les senteurs d'encens
Je prendrai ta main par-delà l'ignominie
Je poserai un baiser sucré sur ton front
une écharpe de soie sur mon cou
Je te garderai Toi.

©fruban, 22 décembre 2015

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Recueil en cours





crédit photo fruban







Le Messie de Haendel, à la Philharmonie

La première vidéo que j'avais publiée n'est plus disponible, en voici une nouvelle
FR







La Philharmonie de Paris invite à célébrer Noël avec cette oeuvre populaire et emblématique de la période de l'Avent
Le Messie de Haendel est considéré comme un chef d'œuvre de l'oratorio. En Angleterre, cette pièce liturgique est devenue un symbole national à Noël. La Philharmonie propose une version avec l'Orchestre de Chambre de Paris, accentus et quatre solistes britanniques, sous la direction de Douglas Boyd.

La création du Messie
Cet oratorio a été composé en seulement 24 jours en 1741. C'est la pièce la plus connue de Georg Friedrich Haendel, compositeur allemand naturalisé anglais de la période baroque, qui souhaitait renouveler ce genre. « Je pensais voir tout le Ciel devant moi et le grand Dieu lui-même » écrivit-il  après la création de l'œuvre à Londres. La pièce est très régulièrement donnée à Noël, en particulier en Angleterre où le public a pour habitude de rester debout pour le célèbre "Alleluia", en souvenir du Roi qui se leva lors de la première.

Une œuvre très populaire
La pièce présente des chœurs grandioses et des airs très lyriques qui rappellent les nombreux opéras de Haendel. Le Messie est toujours donné avec éclat et le public est régulièrement appelé à participer ; les mélodies étant souvent connues des mélomanes. La Philharmonie de Paris a décidé de suivre cet esprit et de proposer un bis participatif (Voir le site de la Philharmonie pour apprendre les bis).

Culturebox.fr




mardi 15 décembre 2015

Comment les Grecs célèbrent-ils les fêtes de fin d'année ?

Tilemahos Efthimiadis flickr DR



Comment se déroulent les fêtes de fin d'année chez nos voisins européens ou de plus loin ? Chaque pays célèbre Noël et le Nouvel An avec ses propres rites et coutumes. En Grèce, par exemple, la période des fêtes débute le 6 décembre et s'achève le jour de l’Epiphanie. Décorations, gastronomie, chants…Eirini, étudiante de 28 ans dans l'audiovisuel, nous éclaire sur les traditions grecques.



JOL Press : Quand commencent les fêtes de Noël en Grèce ?

Eirini : Les fêtes de fin d’année commencent officiellement le 6 décembre et se terminent le 6 janvier, jour de l’Epiphanie. À partir du 6 décembre, les magasins ajustent les derniers détails des vitrines, et les décorations de la ville s’illuminent.

Dans les îles grecques et les petits villages, il n’y a pas de sapin de Noël mais des maquettes de bateaux-voiliers en bois que l'on orne de guirlandes. Ces décorations rappellent l'univers de la mer, qui joue un rôle important dans la vie du peuple grec.

JOL Press : Comment les Grecs célèbrent-ils Noël ?

Eirini : En famille, comme le Nouvel An d’ailleurs. Le 24 décembre nous nous réunissons en famille, et le lendemain, nous fêtons la naissance de Jésus. Il n’y a pas de distribution des cadeaux ce jour-là. Il faut attendre la fête de Saint-Basile (Agios Vassilis), le 1er janvier. En Grèce, notre Père Noël, c'est Agios Vassilis (IVème siècle après JC), connu pour avoir créé des écoles et des orphelinats dans l’histoire de l’orthodoxie. C’est lui qui apporte les cadeaux !

JOL Press : Quelles sont les grandes traditions liées à Noël ?

Eirini: Le 24 décembre, les enfants de 6 à 21 ans descendent dans les rues pour chanter des chansons populaires grecques de Noël, qu'on appelle "Kalanda". Il existe les kalandes connues et chantées dans les grandes villes, mais également différentes versions que l'on chante dans les petits villages ainsi que dans les îles de Grèce. Les jeunes accompagnent leurs chants du son aigu d'un triangle en acier, et reçoivent en récompense de l’argent et des gâteaux.

JOL Press : De quoi se compose le repas de Noël ?

Eirini : Le repas du 24 décembre marque pour les Grecs la fin d'une période de jeûne de 40 jours. Les repas varient en fonction des traditions familiales et des régions. Certaines familles préparent une dinde farcie à la viande, aux tomates et aux groseilles. Il est également de tradition de préparer deux sortes de gâteaux de Noël : les "melomakarona", un biscuit au miel et aux noix, et les fameux "kourabiedes" à base d’amandes et de fleur d’oranger, recouverts de sucre glace. À partir du mois de décembre, on trouve ces gâteaux partout ! Le plus souvent, les familles les cuisinent ensemble, mais dans les grandes villes, les gens pressés peuvent les acheter dans n’importe quelle boulangerie.

Par tradition, les Grecs préparent également le pain du Christ, le "christopsomo", le 24 décembre. Il s’agit d’un pain rond dans lequel on dessine une croix byzantine avant de le faire cuire. Lors du repas, les membres de la famille se partagent le pain.

JOL Press : Comment se déroule le Nouvel An ?

Eirini: Comme pour Noël, les jeunes Grecs défilent dans les rues pour le Nouvel An et chantent les "kalanda". Le matin, les familles grecques cassent une grenade – que l’on retrouve dans toutes les décorations de Noël en Grèce - devant la porte de leur maison pour leur porter chance. Lors du Réveillon, on se retrouve surtout en famille. Après minuit, les jeunes peuvent rejoindre leurs amis pour célébrer la nouvelle année. Pour un enfant, le Nouvel An est encore plus important que Noël, car la distribution de cadeaux à lieu. C’est plus festif !

JOL Press : Comment s'achève la période des fêtes en Grèce ?

Eirini : Les fêtes de fin d'année s’achèvent le 6 janvier par la cérémonie du baptême de Jésus. Lors de la fête orthodoxe "Ta Fota", les prêtres de chaque église bénissent l’eau de la mer ou de la rivière la plus proche et y jettent la croix de leur église. Une douzaine de jeunes se jettent alors à l’eau pour tenter de la récupérer. Celui qui réussira sera béni par le prêtre et son exploit lui portera chance, dit-on souvent.

écrit par Louise Michel D

http://www.jolpress.com/noel-nouvel-an-grece-traditions-eglise-repas-cadeaux-epiphanie-saint-nicolas-article-815442.html#.VnAXaQaYi7I.facebook




Associé aux souvenirs amers et aux séparations douloureuses, même comme ex-voto des marins aux moments de danger en mer, le bateau ne pouvait que symboliser les rassemblements familiaux avec la présence de tous les membres, quelque choses qui se passait à chaque moment de l’année et pas seulement pendant les jours festifs de Noël. C’est pourquoi on  ne l’utilisait pas seulement comme décoration de Noël. Il y avait le bois du Christ, un morceau trouvé dans la forêt qui servait à la décoration, portant l’espoir d’une nouvelle floraison et d’un meilleur avenir .
Cependant, après les annés 1970, une grande discussion autour du vieux symbole a commencé et plusieurs hommes ont cherché à remplacer l’arbre par le bateau comme une belle combinaison de la tradition et la conscience écologique. Aux îles, on trouve toujours des bateaux décoratifs,  bien entendu. Dernièrement, on le trouve dans les grandes villes également.
Alors, prenons le large avec le petit bateau grec, son nom ELPIDA=ESPOIR, pour envisager la mer agitée de notre temps!

https://prenonslelarge.wordpress.com/2011/12/28/le-petit-bateau-grec-de-noel/

mercredi 9 décembre 2015

L'Heureux Naufrage, avec André Comte Sponville




L'Heureux Naufrage :


Après l’effondrement de l’Institution religieuse, celle des grandes utopies politiques, et la désillusion, plus récente, du libéralisme économique : les québécois et québécoises font face à une perte de sens, un vide profond. Nous sommes plus prospères que jamais, plus libres que jamais de créer notre vie, mais quelque chose nous manque. Tout le monde le sent.

L’Heureux Naufrage est un film documentaire profond et humain sur le sens de la vie et nos valeurs. À travers le regard de plus d’une trentaine de personnalités publiques, québécoises et françaises, il aborde des questions essentielles, jamais explorées de cette manière chez nous. Denys Arcand, Éric-Emmanuel Schmitt, Denise Bombardier, Pierre Maisonneuve, et bien d’autres, y livrent leurs réflexions très personnelles, sur le vide qui les habite, la quête de sens, la spiritualité, Dieu.

Après avoir renoncé à toute forme de foi, ce pourrait-il, comme le pense Stéphane Laporte, que nous assistions en ce moment, au Québec, à un « retour vers les choses fondamentales », un « renouveau spirituel » ? Ou bien, comme le suggère Alain Crevier, que nous soyons « en train de se réapproprier le mot foi » ?
Face au futile et au frivole d’un monde utilitariste, face à l’instantanéité, au prêt-à-porter, le film interroge les fondements de nos valeurs et de nos croyances. Il met des mots autour de grandes questions qui nous habitent tous et propose de faire la paix avec notre héritage religieux. Un film inspirant et touchant, construit au fil des rencontres, dans lequel s’entrecroisent des visions et des pistes de réponses sur le vide spirituel de notre société postmoderne.

« La réaction est toujours forte quand je présente des extraits d’entrevues du film. Il provoque des silences, des sourires, il apaise. Pour moi, c’est la preuve que L’Heureux Naufrage est profondément pertinent. C’est un film universel qui touche toutes les générations québécoises. C’est un retour vers l’essentiel. La proposition d’une introspection personnelle, mais aussi de société, et je pense que le moment n’a jamais été aussi propice à ces réflexions. » — Guillaume Tremblay, réalisateur.




ANDRÉ COMTE-SPONVILLE - Un philosophe athée non-dogmatique et son expérience mystique. Mon clip inédit du film préféré!
Posté par L'Heureux Naufrage sur vendredi 13 novembre 2015











crédit photos pages L'Heureux Naufrage 


samedi 5 décembre 2015

Gris ... le Ciel en cendre, poème de FRuban

Quelle cendre peut encore empêcher la braise d'épouser la flamme
Max-Pol Fouchet
                                                                                   
                                           
crédit photo fruban

                                                                 Gris
                                                                        ... le Ciel en cendre



Je n'y vois que du gris

Gris le ciel
gris mes mots
gris mon coeur
gris l'espace sans lueur
La cendre a tout pénétré
Le souffle s'est envolé
En silence je t'ai appelé
Le vent a refusé de porter ton prénom


Je n'y vois que du gris

Gris le monde
des hommes gris
gris tous ces morts qui jamais plus
ne verront se lever l'aube
grise la chape sur le sang séché
La noire barbarie s'est abattue
La Vie s'est arrêtée net
Des larmes des cris de peur d'horreur
Le silence m'assourdit


Je n'y vois que du gris

Gris ce petit con
grises les blessures infligées
à ton cœur pur petite princesse
gris ces gamins déboussolés
Violence absence de repères
Arrogance bestiale des mal-aimés
Domination ces morsures à l'âme
ces coups à l'autre portés
Hurlements de l'enfance confisquée


Je n'y vois que du gris

Et pourtant un matin gris
le soleil se lève le bleu resplendit
bleues tes caresses murmurées
bleu ton sourire de tendresse habillé
Ta main me conduit sur les sentiers
Empreintes chéries du passé
dans les pas des Hommes aimés
Compassion ou Amour fou
Mais surtout baisers sucrés dans le cou


© fRuban

5 décembre 2015

publié dans Chorégraphie de cendres (2017)
ene épingle à nourrice éditions





Lou Andréa Salomé, Correspondances (dont Rainer Maria Rilke)

photo du Net




13 novembre 1905

Chère Lou,

Cela me touche étrangement qu’il y ait maintenant une patrie autour de toi, une maison remplie de ta présence, un jardin qui vit de toi, un espace qui t’appartient ; oui, je comprends que tout cela ait été et n’ait pu qu’être lent à advenir : car ton univers exige la réalité et a la force de l’exiger ; le premier et lointain Loufried était presque comme un rêve, légèrement fragile et plein de choses anticipées ; mais il tenait à toi, et quand tu venais, la maison était grande et le jardin sans fin. C’est ce que j’éprouvais alors, et je sais aujourd’hui que c’est justement l’infinie réalité qui t’entourait qui constitua pour moi l’événement le plus profond de cette époque indiciblement bonne, grande et généreuse ; le processus de métamorphose qui s’empara alors de moi en mille endroits à la fois émanait de ton existence indiciblement réelle. Jamais, dans mes timides tâtonnements, je n’avais autant senti l’être, autant cru à la présence et autant admis l’avenir ; tu étais l’antithèse de tous les doutes et pour moi une preuve que tout ce que tu touches, atteins et regardes existe. Le monde perdit pour moi son caractère nébuleux, cette façon flottante de se former et de se décomposer qui fut la manière et la pauvreté de mes premiers vers ; des choses advinrent, des bêtes que l’on discernait, des fleurs qui existaient ; j’appris une simplicité, j’appris avec lenteur et difficulté que tout est simple, et j’acquis la maturité pour parler des choses simples.

Et tout cela se produisit parce qu’il m’a été accordé de te rencontrer à un moment pour la première fois je courais le danger de m’abandonner à l’informe. Et si ce danger ne cesse de revenir d’une façon ou d’une autre et sous une forme de plus en plus adulte, le souvenir de toi, la conscience de toi grandissent cependant en moi au point de devenir immenses. A Paris, pendant ces journées extrêmement difficiles où toutes les choses se retiraient de moi comme d’un homme devenant aveugle, où je tremblais de l’angoisse de ne plus reconnaitre le visage de mon prochain, je me raccrochais au fait que toi, je te reconnaissais encore en mon for intérieur, que ton image ne m’était pas devenue étrangère, qu’elle ne s’était pas éloignée comme tout le reste, mais se maintenait seule dans le vide étranger où j’étais contraint de vivre.

Et ici aussi, au milieu du déchirement avec lequel j’ai renoué, tu as été le lieu sûr auquel mon regard est resté fixé.

Je comprends si bien que les choses viennent à toi comme les oiseaux retournent au nid lointain quand le soir tombe. Mille lois, grandes et petites, se sont accomplies avec la maison qui s’est construite autour de toi. Je suis si heureux qu’elle existe, et j’ai l’impression que ses effets bienfaisants me parviennent jusqu’ici.

Mon combat, Lou, et mon péril consistent en ceci que je ne puis devenir réel, qu’il y a toujours des choses qui me nient, des événements qui me traversent, plus réels que moi, comme si je n’existais pas. Autrefois, j’ai cru qu’un mieux surgirait le jour où j’aurais une maison, une femme et un enfant, toutes choses réelles et irréfutables ; j’ai cru que cela me rendrait plus visible, plus tangible, plus concret. Tu vois, Westerwede existait, était réel : car j’ai construit moi-même la maison et tout fait à l’intérieur. Mais c’était une réalité en dehors de moi, je n’étais ni intégré à elle ni confondu avec elle. Et maintenant que cette petite maison avec ses belles chambres silencieuses n’existe plus, le fait de savoir qu’il existe encore un être lié à moi et quelque part un petit enfant qui n’a rien de plus proche dans la vie que cet être et moi – cela me donne sans doute une certaine sécurité et l’expérience de beaucoup de choses simples et profondes -, mais cela ne m’aide pas à parvenir à ce sentiment de réalité, à cette égalité de condition à laquelle j’aspire tant : être quelqu’un de réel au milieu du réel.

C’est seulement pendant mes journées de travail (fort rares) que je deviens réel, que j’existe, que j’occupe l’espace comme une chose, pesant, gisant, tombant, et puis une main vient me relever. Inséré dans l’édifice d’une grande réalité, j’ai alors le sentiment d’être un élément important, posé sur des fondations profondes, encadré à droite et à gauche par d’autres portants. Mais chaque fois, après ces moments d’insertion, je redeviens la pierre rejetée au loin, si inerte que l’herbe de l’inaction a le temps de pousser sur elle. Et le fait que ces moments de rejet ne se fassent pas plus rares, mais soient au contraire quasi constants, ne doit-il pas m’angoisser ? Si je gis ainsi, complètement enseveli, qui me retrouvera sous tout ce qui me recouvre ? Et n’est-il pas possible que je me sois depuis longtemps effrité, presque pareil à la terre, presque aplani, si bien qu’il y a toujours un morne chemin de traverse pour me passer dessus ?

Il y a donc constamment devant moi cette unique tâche à laquelle je ne m’attèle toujours pas, bien que je doive le faire : trouver le chemin, la possibilité d’une réalité quotidienne…

J’écris cela, chère Lou, comme dans un journal intime, tout cela parce que je ne peux pas écrire de lettre maintenant mais n’en suis pas moins désireux de te parler. J’ai presque perdu l’habitude d’écrire, aussi pardonne-moi si cette manière de lettre est détestable et désordonnée. Peut-être n’y voit-on même pas qu’elle est emplie de joie à la pensée de ta maison et y apporte mille voeux. Mille. Tous.

Rainer








mardi 1 décembre 2015

Lettre de Khalil Gibran à May Ziadah




Eloignés par le sort, lui aux Etats Unis, elle en Egypte, telles deux âmes soeurs dans la quête de la réalité ultime,
ils ne se rencontrèrent jamais, sauf en imagination et en rêve.Cette correspondance, de 1912 à 1931, jusqu'à la mort de Gibran, témoigne de l'amitié, puis de l'amour qu'ils se portèrent.


Voici une des lettres de cette union sacrée.

26 février 1924

Vous me dites que vous avez peur de l'amour ; pourquoi cela, ma tendre amie ? Avez-vous peur de la lumière du soleil ? Avez-vous peur du flux et du reflux de la mer ? Avez-vous peur du jour naissant ? Avez-vous peur du retour du printemps ? Je me demande pourquoi vous avez peur de l'amour ? Je sais que l'amour d'une âme basse ne peut vous satisfaire, tout comme je sais qu'il ne peut pas me plaire. Vous et moi ne saurons jamais satisfaire de ce qu'il y a de mesquin dans l'esprit. Nous voulons tout en quantité. Nous voulons tout avoir. Nous voulons la perfection. Je dis, Mary, que dans cette aspiration qui est la nôtre se trouve notre accomplissement, car si notre volonté n'était qu'une ombre parmi les innombrables ombres de Dieu, nul doute que nous atteindrions l'un des nombreux rayons de Sa lumière.

Oh ! Mary, n'ayez pas peur de l'amour ! N'ayez pas peur de l'amour, amie de mon cœur. Nous devrons nous soumettre à lui malgré ce qu'il peut nous apporter de souffrance, de désolation, de nostalgie, de perplexité et de confusion. Ecoutez, Mary : aujourd'hui, je suis dans une prison de désir, qui sont nés lorsque moi-même je suis venu au monde. Et aujourd'hui, je me trouve entravé par les chaînes d'une idée aussi vieille que les saisons de l'année. Pouvez-vous faire montre de mansuétude à mon égard, dans ma prison, afin que nous puissions émerger enfin à la lumière du soleil ? Resterez-vous près de moi jusqu'à ce que ces chaînes soient détruites et que nous puissions marcher librement et sans entraves jusqu'au sommet de la montagne ? Et maintenant, venez plus près, rapprochez votre front de moi - comme ceci, comme ceci, et que Dieu vous bénisse et vous protège, compagne bien-aimée de mon cœur.


http://eddenya.com/question-reponse/3695-lettre-de-khalil-gibran-a-may-ziadah-n-ayez-pas-peur-de-l-amour-amie-de-mon-coeur

vendredi 27 novembre 2015

Conversation avec mon androïd, de Cristian Ronsmans






Conversation avec mon androïde. En fait sa maîtresse c’est ma compagne. Aussi quand je dis Mon androïde je sais que ce personnage, qui se présente comme une sorte d’ardoise écran pour homo ecranus, fait un peu la gueule car je partage la couche de sa maîtresse ce qui, je crois, le rend un peu jaloux.
Le matin ma compagne s’en va avec son pote. Un type qui s’appelle Smart Phone. Bien sûr je suis convaincu que c’est un pseudo. Car se faire prénommer Smart quand on me voit c’est un peu gonflé, vaniteux même.
En revanche elle laisse à ma surveillance son androïde qu'elle allume (cela doit fort l’exciter, l'androïde, et je lui ai déconseillé à ma compagne, maintes et maintes fois de cesser de jouer à ce jeu dangereux avec l’androïde mais en vain). Une fois allumé elle lui demande de me laisser écouter France Inter. Je pourrais entre nous allumer la radio. Ça marche aussi bien et c’est fait pour ça. Mais bon ! Entre temps, je sens l’androïde contrarié d’être mis à mon service car au bout d’un moment tout en continuant sa face illuminée (pour faire plaisir à sa maîtresse je suppose) se ferme et passe en écran noir. Je sens qu’il me fait la gueule.
Au bout d’un moment quand ma compagne est partie bosser et que nous nous retrouvons en tête à tête je le titille un peu en lui tripotant les boutons. Je le déverrouille ce qui semble le rendre fou. Et aussitôt il tente d’engager une conversation de diversion :
A (l’androïde) : Que puis-je pour vous ? (à noter que je ne lui évidemment rien demandé)
Moi : Pardon ? Que me veux-tu ?
A ( il fait l’idiot) : Que puis je pour vous ?
Moi : Rien, Je ne t’ai rien demandé.
A : Je ne comprends pas ce que vous voulez. Que puis-je pour vous ?
Moi (j’articule, je ne hurle pas encore) : Je ne t’ai ri-en de-man-dé. Tu com-prends main-te-nant ?
A : Pourquoi vous me parlez comme ça ?
Moi : Quoi ? Je te par-le co-mment ?
A : Vous êtes fatigué ?
Moi : Non je ne vois pas le rapport. Je vais bien
A : Pourquoi vous me parlez comme ça ?
Moi : Tu commences à me gonfler
A : Vous n’êtes pas très poli !
Moi : Tu te fous de ma gueule, ‘en veux une, connard ?
A : Que puis-je pour vous. Je ne comprends pas ce que vous voulez.
Moi : Tu vas voir Ducon
Là-dessus je me saisis de l’androïde, je baisse son couvercle, je l’empoigne d’une main et par le collet, le hubot, real human, et je le balance dans le placard au dessus des wc. Non mais !
Si on se laisse faire dans quelque temps, que j’espère ne jamais voir, ils nous pisseront dessus ! Vous verrez, vous verrez, vous verrez !

Cristian R

le 24 novembre 2015

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vendredi 20 novembre 2015

Requiem, Léo Ferré






Pour ce rythme inférieur dont t'informe la Mort
Pour ce chagrin du temps en six cent vingt-cinq lignes
Pour le bateau tranquille et qui se meurt de Port
Pour ce mouchoir à qui tes larmes font des signes

Pour le cheval enfant qui n'ira pas bien loin
Pour le mouton gracieux le couteau dans le rouge
Pour l'oiseau descendu qui te tient par la main
Pour l'homme désarmé devant l'arme qui bouge

Pour tes jeunes années à mourir chaque jour
Pour tes vieilles années à compter chaque année
Pour les feux de la nuit qui enflamment l'amour
Pour l'orgue de ta voix dans ta voix en allée

Pour la perforation qui fait l'ordinateur
Et pour l'ordinateur qui ordonne ton âme
Pour le percussionniste attentif à ton coeur
Pour son inattention au bout du cardiogramme

Pour l'enfant que tu portes au fond de l'autobus
Pour la nuit adultère où tu mets à la voile
Pour cet amant passeur qui ne passera plus
Pour la passion des araignées au fond des toiles
Pour l'aigle que tu couds sur le dos de ton jeans
Pour le loup qui se croit sur les yeux de quelqu'un
Pour le présent passé à l'imparfait du spleen
Pour le lièvre qui passe à la formule Un
Pour le chic d'une courbe où tu crois t'évader
Pour le chiffre évadé de la calculatrice
Pour le regard du chien qui veut te pardonner
Pour la Légion d'Honneur qui sort de ta matrice
Pour le salaire obscène qu'on ne peut pas montrer
Pour la haine montant du fond de l'habitude
Pour ce siècle imprudent aux trois quarts éventé
Pour ces milliards de cons qui font la solitude

Pour tout ça le silence.







Pour tous les morts innocents, assassinés par la barbarie des hommes FR

mercredi 18 novembre 2015

Lettre à Daech, après la mort de Madeleine, par Simon Castéran








Lettre à Daech après la mort de Madeleine, au Bataclan (Simon Castéran)

15 NOVEMBRE 2015 |  PAR MONICA M.




Oui, je suis un pervers et un idolâtre

Par Simon Castéran



Mon cher Daech,

J'ai bien lu ton communiqué de presse victorieux. Comme on l'imagine, tu dois être heureux du succès de tes attaques menées vendredi soir à Paris. Massacrer des civils innocents qui ne demandaient qu'à jouir d'un bon match de foot, d'un concert de metal ou tout simplement d'un petit restau entre potes, ça défoule, pas vrai ? Alors certes, ça ne te change pas beaucoup des milliers d'exactions commises quotidiennement, depuis des années, en Irak et en Syrie. Mais en bonne multinationale des lâches et des peine-à-jouir que tu es, il te fallait t'imposer sur le marché occidental. Ce que tu as fait, dès janvier, avec l'attentat de Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher. Toutes mes félicitations : grâce à tes happenings sordides et sanglants, la marque Daech est plus forte que jamais. Elle a même effacé jusqu'au souvenir d'Al-Qaeda qui, à côté de toi, semble désormais presque raisonnable.

Donc, tu as tué. Oh bien sûr, pas par goût du sang et de la violence, mais au nom « d'Allah le Très Miséricordieux». Moi qui croyais que la "miséricorde" suppose la bonté et l'indulgence envers les autres, je ferais mieux de jeter mon dictionnaire. Et de m'acheter une kalachnikov et des grenades, pour m'en aller distribuer à mon tour amour et compassion partout où vous vous trouvez. Avant de laisser, sur vos corps enfin bénis, la photo de ma cousine Madeleine, que votre miséricorde a lâchement assassinée vendredi au Bataclan.

L'eussiez-vous connue, que vous l'auriez détestée immédiatement. C'était une femme libre et heureuse, pleine de cette lumière intérieure qui vous manque tant. Horreur suprême, c'était aussi une intellectuelle, qui aimait son métier de prof de lettres en collège. Car oui, chez nous, les femmes ont non seulement le droit d'être éduquées, mais aussi d'enseigner. Tout comme elles ont le droit d'aller où bon leur semble, d'écouter de la musique, de boire de l'alcool et d'aimer qui elles veulent. Sans burqa, ni violence. Bref, de jouir de cette liberté qui vous fait tant horreur. Et dont Paris, « la capitale des abominations et de la perversion », dis-tu, s'est fait depuis longtemps la représentante.

Oui, chers soeurs et frères, n'en doutons pas : l'abomination et la perversion n'est pas à chercher dans le massacre d'innocents par des fanatiques surarmés, qui travestissent le Coran en un manuel du parfait petit terroriste, mais dans cette vie païenne, faite de plaisirs et de joie. Cette « fête de la perversité » qui réunit, de semaine en semaine, des milliers « d'idolâtres » ; lesquels, au lieu d'adorer la Mort comme vous le faites en « [divorçant] de la vie d'ici-bas », préfèrent se rassembler pour communier ensemble, dans un instant de partage et d'adoration de l'existence.

À ce titre, mon petit, ridicule, mesquin Daech, je te dois un aveu : moi aussi, je suis un pervers et un idolâtre. J'aime la vie, le metal, les restaus et, parfois même, regarder un match de foot. Mea culpa, mea maxima culpa. Je suis un Croisé, comme tu dis. Un Croisé de la liberté, de l'amour et de la convivialité ; à la différence, cependant, que contrairement à toi, j'ai évolué depuis le Moyen-Âge. Ma religion n'est pas faite de fer et de sang, comme la tienne, mais de chair et d'espoir. Aussi, si tu veux un bon conseil, mon cher Daech, dépêche-toi : car l'Histoire est sur tes talons, et déjà les Lumières que tu veux éteindre menacent ton califat d'un autre âge.

« Allah est le plus grand », écris-tu. « Or c'est à Allah qu'est la puissance ainsi qu'à Son messager et aux croyants. Mais les hypocrites ne le savent pas » (sourate 63, verset 8). Sur ce point, je ne peux que te donner raison. Qu'on l'appelle Dieu, Yahvé ou Allah, le Tout-puissant n'a guère besoin que l'on tue en son nom, ni que l'on pervertisse Ses lois. Alors, pourquoi continuer à tuer ? Ton Seigneur est-il si faible, dans ton esprit, qu'il ne puisse agir de lui-même ? Je ne peux le croire. Ce que je crois, en revanche, c'est que tu t'arranges bien de Son silence. Qu'en tuant au nom de ce même Islam et des musulmans que tu prétends défendre, tout en les assassinant, c'est la Création divine que tu détruis. Ce qui fait de toi un impie, un pécheur, encore plus coupable que le croyant que tu exècres, ou les païens que nous sommes. Mais cela, les hypocrites ne le savent pas.

Cet article est dédié à la mémoire de ma cousine Madeleine, dont le seul crime fut d'aimer la vie. A la demande de ma famille, sa photo a été retirée, afin que de mauvais esprits n'en fassent pas un usage outrageant sur les réseaux sociaux.



http://www.lessermonsdulundi.com/2015/11/oui-je-suis-un-pervers-et-un-
idolatre.html

Publié par Mediapart, blog de Monica





photos du Net

dimanche 15 novembre 2015

Après le Vendredi 13 novembre 2015





Depuis vendredi 13 novembre
je n'ai pas regardé la télévision
je n'ai pas écouté ou lu le moindre discours de nos dirigeants
C'est donc spontanément que j'ai décidé
d'arborer les couleurs de la France
Parce que les assassins sanguinaires de l'EI*
ont frappé à Paris, en France
Je n'obéis donc
à aucun protocole
à aucune consigne
Je ne fais qu'écouter mon coeur
Je n'ai aucune leçon à recevoir
de qui que ce soit
Encore moins me faire cracher au visage
sur ma messagerie privée
des propos haineux rageurs contre ces couleurs de notre drapeau
J'ajoute qu'en d'autres circonstances
j'ai arboré le drapeau palestinien
j'ai arboré le drapeau grec
sans la moindre hésitation
Aujourd'hui je suis en deuil et "je suis Paris"
je pleure toutes les victimes
je suis au plus près de leurs familles
Seule, dans la maison de mon enfance
je me recueille
je ferai une minute de silence lundi
en même temps que tous ceux qui sont touchés
en France et partout dans le monde
Alors mesdames et messieurs
les donneurs de leçons
les extrémistes de tout poil
Vous qui ne faites qu'obéir à votre propre idéologie
ne croisez plus mon chemin
quittez au plus vite mon alpage !


fruban
le 15 novembre 2015


* EI : Etat islamiste, Daesh






crédit photo Audrey Facchi



Il y eut le choc brutal
Nous étions tous frappés de stupeur
Ces salauds avaient recommencé
Bains de sang sur Paris
Et puis, au fil des heures, des visages apparaissent
Décédé décédée disparu disparue
Beaucoup de jeunes des familles
Profitant de la douceur de novembre pour Vivre
boire un pot en terrasse, aller au concert, être amoureux
Etudiants personnes du quartier professeurs d'Université journalistes artistes
heureux de vivre d'être ensemble de rire
Comment oublier que ces assassins tuent des innocents
Ce pourrait être vous ou moi.

fruban

dimanche 15 novembre 2015


















jeudi 12 novembre 2015

Automne d'ors et de ténèbres, poème de FRuban

crédit photo fruban




                                                          Automne d'ors et de ténèbres



Là-bas sur les chemins d'enfance
Ici, dans mon jardin refuge
Les ocres et les verts mêlés
aux feuilles qui s'enflamment et tourbillonnent
en larmes d'automne illuminées
Soleil pâle
Tu es le plus lumineux de tous
Toi que j'aime
Là-bas
Ici
Mon Amour


Quelques grues cendrées en partance vers le Sud.
Que ne puis-je embarquer sur leur dos
Savourer la douceur de cette journée d'automne
Craindre l'arrivée du novembre noir
Déjà installé en mon âme
Il repartira quand seront de retour
nos oiseaux migrateurs nos grues criardes
joyeuses aux frémissements de printemps
Mon Amour


Simplement la Vie mon bel ami
La Vie qui offre la Vie qui reprend
Simplement le rêve porteur d'espoir
Et puis la réalité peinte d'habits noirs
Sans prévenir suffisent un souvenir d'abandon
une attente sous les feuilles qui virevoltent
et tombent crissantes sous mes pas
Un arbre enlacé un ciel sourd
Mon Amour


Hier encore pétillante de sourires
Des projets d'avenirs éclaboussant ta fatigue
Tu croyais renaître faire renaître les scories
d'un douloureux passé sous lequel
tu ployais âme désarmée recroquevillée
Agir coûte que coûte ne pas renoncer
ne pas céder __   Simplement vivre
Encore un peu
Mon Amour

©fruban
6 et 7 novembre 2015

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Recueil en cours










crédit photos fruban

dimanche 8 novembre 2015

Autoportrait à l'Aimée, de Martine Cros, Poésie

‘Autoportrait à l’aimée’, recueil inédit paru aux Éditions Qazaq aujourd’hui
Couverture Autoportrait finale
Il y a deux mois Jean-Claude Goiri, éditeur du Festival Permanent des Mots, introduisit Martine Cros chez nous, les Cosaques des Frontières. Elle a déjà participé au blog avec deux textes. Dès le début, elle exprimait le désir de publier aux Éditions QazaQ son recueil qui paraît aujourd’hui sous le titre : “Autoportrait à l’aimée”. Il va sans dire que j’ai accepté sans hésitation. J’espère que vous ferez un très bon accueil à cette merveilleuse poésie.
Son thème :
« L’aimée. Qui est-elle ? Est-ce la femme en elle qu’elle doit reconnaître, est-ce l’autre, l’être aimé, ou, encore, est-ce la Poésie, la Muse, pour laquelle elle cherche une terre promise? »
Spécialement pour vous, lecteurs, Martine accompagne son livre ici avec quelques mots :
« Sous le masque de bandit dont je me suis revêtu, sous tous les questionnements qui inondent mon visage, sous les fleurs que j’ai encore un peu dans les yeux, dans ce Valjean qui m’écartèle entre agir et penser mais qui m’anime à jamais, dans le portrait de l’âme que me renvoie l’écrire, je rêve de calme et d’art, et d’amour. C’est un portrait où j’oblique encore un peu les yeux, recherchant l’horizon pour sonder l’infini de tous les portraits qui me traversent, qui me sont des esquisses, que seul l’amour pourrait parachever . Un portrait fane, un autre émane. Celui-ci sera gravé sur la toile -!- mais ce n’est peut-être qu’une apparition. Une photographie à un moment donné. Avec ses failles et sa passion...
Lire la suite sur le lien...
Martine Cros
Couverture Autoportrait finale
Il y a deux mois Jean-Claude Goiri, éditeur du Festival Permanent des Mots, introduisit Martine Cros chez nous, les Cosaques des Frontières. Elle a déjà participé au blog avec deux textes. Dès le début, elle exprimait le désir de publier aux Éditions QazaQ son recueil qui paraît aujourd’hui sous le titre : “Autoportrait à l’aimée ". Il va sans dire que j’ai accepté sans hésitation. J’espère que vous ferez un très bon accueil à cette merveilleuse poésie.
Son thème :
« L’aimée. Qui est-elle ? Est-ce la femme en elle qu’elle doit reconnaître, est-ce l’autre, l’être aimé, ou, encore, est-ce la Poésie, la Muse, pour laquelle elle cherche une terre promise? »
Spécialement pour vous, lecteurs, Martine accompagne son livre ici avec quelques mots :
« Sous le masque de bandit dont je me suis revêtu, sous tous les questionnements qui inondent mon visage, sous les fleurs que j’ai encore un peu dans les yeux, dans ce Valjean qui m’écartèle entre agir et penser mais qui m’anime à jamais, dans le portrait de l’âme que me renvoie l’écrire, je rêve de calme et d’art, et d’amour. C’est un portrait où j’oblique encore un peu les yeux, recherchant l’horizon pour sonder l’infini de tous les portraits qui me traversent, qui me sont des esquisses, que seul l’amour pourrait parachever . Un portrait fane, un autre émane. Celui-ci sera gravé sur la toile -!- mais ce n’est peut-être qu’une apparition. Une photographie à un moment donné. Avec ses failles et sa passion.
Tout un temps énigmatique soulève son voile, à peindre ces autoportraits.
Dans une lettre à Verlaine, Mallarmé considère que « le seul devoir du poëte » est de proposer « l’explication orphique de la Terre » ( 16/11/1885).
Le seul devoir que j’apprécie est peut-être celui-là : écrire les levers de voiles du poète.
Ce recueil, je ne l’attendais pas. Il est venu à moi sans que je le sache.
Je l’avais dans mes mains, mais ce sont Jean-Claude Goiri et Jan Doets qui, les yeux dans leurs coeurs, l’ont ouvert, lu, et accueilli, avec tant de délicatesse. Je les remercie infiniment : de donner l’opportunité.
Et plus vite que je n’ai pu l’imaginer, il m’a été donné de la partager avec vous. Vous, amis des réseaux, qui êtes pour beaucoup dans cette réalisation, qui avez partagé mes poèmes, sachez que sous les mots, entre les blancs, vous êtes là, amis, mère, fils, aimées, muses, et je vous offre toute ma gratitude à l’orée de publier ce minois à l’émoi. »
N’hésitez pas à commander ce livre magnifique de Martine, en poursuivant avidement vos achats parmi les dix-sept livres, déjà, du catalogue des Éditions QazaQ qui ont besoin de votre coup de pouce ! Voici les liens :
Autoportrait à l’aimée : http://www.qazaq.fr/pages/martine-cros/
Tous les livres et auteurs: http://www.qazaq.fr/livres-et-auteurs/
Martine Cros 
Bonne lecture !
Jan Doets
Éditeur
http://www.qazaq.fr/pages/martine-cros/



vendredi 6 novembre 2015

Lettre de Gustave Flaubert à Louise Colet (août 1846)

colet flaubert


Deslettres









Du 8 au 9 août 1846

Le ciel est pur ; la lune brille. J’entends des marins chanter qui lèvent l’ancre pour partir avec le flot qui va venir. Pas de nuages, pas de vent. La rivière est blanche sous la lune, noire dans l’ombre. Les papillons se jouent autour de mes bougies, et l’odeur de la nuit m’arrive par mes fenêtres ouvertes. Et toi, dors-tu ? Es-tu à ta fenêtre ? Penses-tu à celui qui pense à toi ? Rêves-tu ? Quelle est la couleur de ton songe ? Il y a huit jours que s’est passée notre belle promenade au bois de Boulogne. Quel abîme depuis ce jour-là ! Ces heures charmantes, pour les autres, sans doute, se sont écoulées comme les précédentes et comme les suivantes, mais pour nous ça a été un moment radieux dont le reflet éclairera toujours notre cœur. C’était beau de joie et de tendresse, n’est-ce pas, ma pauvre âme ? Si j’étais riche, j’achèterais cette voiture-là et je la mettrais dans ma remise, sans jamais plus m’en servir. Oui, je reviendrai, et bientôt, car je pense à toi toujours, toujours, je rêve à ton visage, à tes épaules, à ton cou blanc, à ton sourire, à ta voix passionnée, violente et douce à la fois comme un cri d’amour. Je te l’ai dit, je crois, que c’était ta voix surtout que j’aimais.

Merci de ta bonne lettre, mais ne m’aime pas tant, ne m’aime pas tant, tu me fais mal ! Laisse-moi t’aimer, moi ; tu ne sais donc pas qu’aimer trop, ça porte malheur à tous deux ; c’est comme les enfants que l’on a trop caressés étant petits, ils meurent jeunes ; la vie n’est pas faite pour cela ; le bonheur est une monstruosité ! punis sont ceux qui le cherchent.

[…] Avant de te connaître j’étais calme, je l’étais devenu. J’entrais dans une période virile de santé morale. Ma jeunesse est passée. La maladie de nerfs qui m’a duré deux ans en a été la conclusion, la fermeture, le résultat logique. Pour avoir eu ce que j’ai eu, il a fallu que quelque chose, antérieurement, se soit passé d’une façon assez tragique dans la boîte de mon cerveau. Puis tout s’est rétabli ; j’avais vu clair dans les choses, et dans moi-même, ce qui est plus rare. Je marchais avec la rectitude d’un système particulier fait pour un cas spécial. J’avais tout compris en moi, séparé, classé, si bien qu’il n’y avait pas jusqu’alors d’époque dans mon existence où j’aie été plus tranquille, tandis que tout le monde au contraire trouvait que c’était maintenant que j’étais à plaindre. Tu es venue du bout de tes doigts remuer tout cela. La vieille lie a rebouilli, le lac de mon cœur a tressailli. Mais c’est pour l’Océan que la tempête est faite ! Des étangs, quand on les trouble, il ne s’exhale que de malsaines odeurs. Il faut que je t’aime pour te dire cela. Oublie-moi si tu peux, arrache ton âme avec tes deux mains, et marche dessus pour effacer l’empreinte que j’y ai laissée. Allons, ne te fâche pas.

Non, je t’embrasse, je te baise. Je suis fou. Si tu étais là, je te mordrais ; j’en ai envie, moi que les femmes raillent de ma froideur et auquel on a fait la réputation charitable de n’en pouvoir user, tant j’en usais peu. Oui je me sens maintenant des appétits de bêtes fauves, des instincts d’amour carnassier et déchirant ; je ne sais pas si c’est aimer. C’est peut-être le contraire. Peut-être est-ce le cœur, en moi, qui est impuissant.

La déplorable manie de l’analyse m’épuise. Je doute de tout, et même de mon doute. Tu m’as cru jeune et je suis vieux. J’ai souvent causé avec des vieillards des plaisirs d’ici-bas, et j’ai toujours été étonné de l’enthousiasme qui ranimait alors leurs yeux ternes, de même qu’ils ne revenaient pas de surprise à considérer ma façon d’être, et ils me répétaient : A votre âge ! à votre âge ! vous ! vous ! Qu’on ôte l’exaltation nerveuse, la fantaisie de l’esprit, l’émotion de la minute, il me restera peu. Voilà l’homme dans sa doublure. Je ne suis pas fait pour jouir. Il ne faut pas prendre cette phrase dans un sens terre à terre, mais en saisir l’intensité métaphysique. Je me dis toujours que je vais faire ton malheur, que sans moi ta vie n’aurait pas été troublée, qu’un jour viendra où nous nous séparerons (et je m’en indigne d’avance). Alors la nausée de la vie me remonte sur les lèvres, et j’ai un dégoût de moi-même inouï, et une tendresse toute chrétienne pour toi.

D’autres fois, hier par exemple, quand j’ai eu clos ma lettre, ta pensée chante, sourit, se colore et danse comme un feu joyeux qui vous envoie des couleurs diaprées et une tiédeur pénétrante. Le mouvement de ta bouche quand tu parles se reproduit dans mon souvenir, plein de grâce, d’attrait, irrésistible, provocant ; ta bouche, toute rose et humide, qui appelle le baiser, qui l’attire à elle avec une aspiration sans pareille…

Un an, deux ans, dix, qu’est-ce que cela importe ? Tout ce qui se mesure passe, tout ce qui se compte a un terme.

Il n’y a, en fait d’infini, que le ciel qui le soit à cause de ses étoiles, la mer à cause de ses gouttes d’eau, et le cœur à cause de ses larmes. Par là seul il est grand, tout le reste est petit. Est-ce que je mens ? Réfléchis, tâche d’être calme. Un ou deux bonheurs le remplissent, mais toutes les misères de l’humanité peuvent s’y donner rendez-vous ; elles y vivront comme des hôtes.

Tu me parles de travail ; oui, travaille, aime l’Art. De tous les mensonges, c’est encore le moins menteur. Tâche de l’aimer d’un amour exclusif, ardent, dévoué. Cela ne te faillira pas. L’Idée seule est éternelle et nécessaire. Il n’y en a plus, de ces artistes comme autrefois, de ceux dont la vie et l’esprit étaient l’instrument aveugle de l’appétit du Beau, organes de Dieu par lesquels il se prouvait à lui-même. Pour ceux-là le monde n’était pas ; personne n’a rien su de leurs douleurs ; chaque soir ils se couchaient tristes, et ils regardaient la vie humaine avec un regard étonné, comme nous contemplons des fourmilières.

Tu me juges en femme. Dois-je m’en plaindre ? Tu m’aimes tant que tu t’abuses sur moi ; tu me trouves du talent, de l’esprit, du style… Moi ! moi ! Mais tu vas me donner de la vanité, moi qui avais l’orgueil de n’en pas avoir. Regarde comme tu perds déjà à avoir fait ma connaissance. Voilà la critique qui t’échappe, et tu prends pour un grand homme le monsieur qui t’aime. Que n’en suis-je un ! pour te rendre fière de moi (car c’est moi qui suis fier de toi. Je me dis : C’est elle pourtant qui t’aime ! est-il possible ! (c’est celle-là). Oui, je voudrais écrire de belles choses, de grandes choses et que tu en pleures d’admiration. Je ferais jouer une pièce, tu serais dans une loge, tu m’écouterais, tu entendrais m’applaudir. Mais, au contraire, me montant toujours à ton niveau, est-ce que la fatigue ne va pas te prendre ?… Quand j’étais enfant, j’ai rêvé la gloire comme tout le monde, ni plus, ni moins ; le bon sens m’a poussé tard, mais solidement planté. Aussi est-il fort problématique que jamais le public jouisse d’une seule ligne de moi et, si cela arrive, ce ne sera pas avant dix ans au moins.

Je ne sais pas comment j’ai été entraîné à te lire quelque chose, passe-moi cette faiblesse. Je n’ai pas pu résister à la tentation de me faire estimer par toi. N’étais-je pas sûr du succès ? quelle puérilité de ma part ! Ton idée était tendre de vouloir nous unir dans un livre ; elle m’a ému ; mais je ne veux rien publier. C’est un parti pris, un serment que je me suis fait à une époque solennelle de ma vie. Je travaille avec un désintéressement absolu et sans arrière-pensée, sans préoccupation ultérieure. Je ne suis pas le rossignol, mais la fauvette au cri aigu qui se cache au fond des bois pour n’être entendue que d’elle-même. Si un jour je parais, ce sera armé de toutes pièces, mais je n’en aurai jamais l’aplomb. Déjà mon imagination s’éteint, ma verve baisse, ma phrase m’ennuie moi-même, et si je garde celles que j’ai écrites, c’est que j’aime m’entourer de souvenirs, de même que je ne vends pas mes vieux habits. Je vais les revoir quelquefois dans le grenier où ils sont, et je songe au temps où ils étaient neufs et à tout ce que j’ai fait en les portant.

A propos ! nous étrennerons donc la robe bleue ensemble. Je tâcherai d’arriver un soir vers six heures. Nous aurons toute la nuit et le lendemain. Nous la flamberons, la nuit ! Je serai ton désir, tu seras le mien et nous nous assouvirons l’un de l’autre, pour voir si nous en pouvons nous rassasier. Jamais, non, jamais ! Ton cœur est une source intarissable, tu m’y fais boire à flots, il m’inonde, il me pénètre, je m’y noie. Oh ! que ta tête était belle, toute pâle et frémissante sous mes baisers ! Mais comme j’étais froid ! Je n’étais occupé qu’à te regarder ; j’étais surpris, charmé. C’est maintenant, si je t’avais… Allons, je vais revoir tes pantoufles. Ah ! elles ne me quitteront jamais celles-là ! Je crois que je les aime autant que toi. Celui qui les a faites ne se doutait pas du frémissement de mes mains en les touchant. Je les respire ; elles sentent la verveine et une odeur de toi qui me gonfle l’âme.

Adieu ma vie, adieu mon amour, mille baisers partout. Que Phidias m’écrive, je viens. Cet hiver il n’y aura pas moyen de nous voir ; mais je viendrai à Paris pour trois semaines au moins. Adieu, je t’embrasse là où je t’embrasserai, là où j’ai voulu ; j’y mets ma bouche. Je me roule sur toi.

Mille baisers. Oh ! donne-m’en ! Donne-m’en !

Gustave Flaubert

jeudi 5 novembre 2015

Le monde, poème d' Yves Petident

photo YP









Le monde


Le monde

Une rivière qui trouve sa source
entre deux rochers.
Un cheval terminant sa course
dans l'herbe couchée.

Et ce zèbre qui boit et se ressource
avant que la lionne le digère.
Et si je suis la grande Ours
trouverais je sa tanière ?

Un passant se demande pourquoi il a peur
devant cet autre passant.
un moustique me réveille à toute heure
en suçant mon sang.

Et cette équation qui ne peut se résoudre
à être autre chose qu'une équation.
On se tait quand parle la poudre,
Elle ne pose pas de questions.

Un signal électrique pour impulser un rythme,
un échec commercial pour virer tout le monde,
un coup sec sur la nuque pour la frime,
un coup de trique pour la faconde.

Et entre ses cuisses se perdre
quand on a plus rien à gagner.
S'endormir sous un cèdre
quand la journée ne nous a rien épargné.

Un peu plus de lumière sur une joue,
un peu plus de vérité salée
qui coule sur la peau et déjoue
les rôles et les pis-aller.

Et tout ce que l'on croit posséder
et qui n'appartient qu'à l'autre.
Et ce gosse qui voudrait décider
avant que d'être

Cet ami qui n'existe plus quand
la justice s'en mêle.
Ce corbeau éloquent
qui noircit le ciel.

Accroché à mon monde
J'étreins sa lumière
je peins avec,
des éclats de jour.

Et cette mémoire qui n'en fini pas de trier
J'ai besoin d'elle pour pouvoir oublier.
Un arbre s'est embrasé dans l'orage
Tu m'as embrassé sans partage

Au matin un homme s'est pendu
de n'avoir su dire ses peurs.
Une eau claire éperdue
pourrait faire mon bonheur.

Je n'ai d'autre refuge que ce monde
d'autres subterfuges que d'exister
Je n'ai d'autres horizons à la ronde
que d'être multiple et résister.

Un pas dans la neige
Un rire sans retenue
Et ton fardeau que ces mains allègent
ces mains inconnues
Que tu craignais hier encore

te feront vibrer le corps.


© Yves Petident

22 octobre 2015

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Un blog que je vous invite à découvrir

mercredi 4 novembre 2015

Piotr Anderszewski, voyageur intranquille

PIOTR ANDERSZEWSKI







voyageur intranquille


Tout chez Piotr Anderszewski est hors normes, non pas anormal, mais pourrait-on dire, spontanément, « normalement » hors normes.
Et en tout premier lieu évidemment, son talent de musicien. Désormais reconnu de façon à peu près universelle comme l’un des tous premiers pianistes de notre temps, il est avant tout un musicien, presque détaché du véhicule qu’il utilise pour exprimer sa pensée musicale. Ce n’est pas le piano, ni la musique de piano qui l’intéressent, mais la musique tout court, et si possible celle qui ne se soucie pas d’exploiter les ressources, habituellement si flatteuses, de l’instrument.
Hors normes, les débuts de sa carrière. Agé de seulement 20 ans, Piotr Anderszewski, alors tout à fait inconnu, participe au prestigieux Concours International de Leeds. Parvenu au stade des demi-finales du Concours, il inscrit à son programme les Variations opus 27 de Webern, ainsi que les monumentales Variations Diabelli. Le succès obtenu auprès du public comme de la presse est fulgurant. Il ne fait alors plus aucun de doute que, non seulement il accédera à la Finale du concours, mais qu’il s’y verra décerner le Premier Prix. Mais au moment où le Jury annonce les résultats qui le sélectionnent pour la Finale, Piotr Anderszewski a déjà repris le train à destination de Varsovie. Les offres d’impresarios affluent, de même que les propositions de contrats d’enregistrement. Il n’en a cure. Il est reparti à la poursuite de l’essentiel : l’approfondissement de son art. Malgré tout, une carrière est bel et bien lancée.
Hors normes, son répertoire. Les programmes de récital qu’il donne sont savamment composés à partir d’œuvres fanatiquement préparées et qui ont rarement pour source le répertoire passablement rabâché du récital de piano.
Hors normes, son intelligence et l’attrait qu’il exerce sur le public.
Hors normes enfin, la manière dont il soumet son activité d’interprète à un constant questionnement.
Tout cela, pour donner une idée de l’originalité du personnage, qui en fait le digne successeur, si l’on tient absolument à ce genre d’étiquette, des Richter, Michelangeli et autres Glenn Gould, autrement dit des plus importantes personnalités pianistiques du passé le plus récent.
Il n’était naturellement pas question de tenter de cerner la réalité d’un personnage aussi complexe en ayant recours aux recettes habituelles du portrait filmé. Un film qui lui serait consacré ne pouvait dès lors, lui aussi, qu’être hors normes. En accord avec Piotr, et avec sa très active participation, sinon à l‘écriture, du moins à la conception du scénario qui structurerait notre film, je retins pour celui-ci deux options fondamentales.

en tournage à Lisbonne, juillet 2008


Il s’agirait d’un film frontière, quelque part entre le documentaire et la fiction; le film aurait pour cadre un voyage hivernal à travers la Pologne, puis jusqu’en Hongrie, les deux pays dont Piotr est originaire, avant de nous rendre en Allemagne, à Londres, Paris et finalement Lisbonne, où il a décidé récemment de résider. Mais ce périple serait effectué selon un moyen de transport pas vraiment conventionnel. Piotr, tel un troubadour des temps modernes, ne se déplacerait ni en avion, ni en voiture, mais à bord d’un wagon particulier loué pour la circonstance, et qu’il ferait accrocher à tel ou tel train, en fonction des lieux qu’il souhaitait visiter ou dans lesquels il avait prévu de donner des concerts. La planification des concerts des années à l’avance, le caractère figé des salles de concert conventionnelles, sont autant de facteurs qui semblent à Piotr devoir être enfreints pour redonner à la musique sa dimension vivante, et pour casser le caractère routinier de l’activité du musicien en tournée.
Disposant d’un piano de travail installé dans son wagon, Piotr y travaillerait, s’arrêterait au gré de sa fantaisie, une église ou une place de village, en des lieux évocateurs de tel ou tel compositeur. On y débarquerait le matériel nécessaire pour y donner des récitals impromptus.


Un wagon ne pouvait évidemment constituer le décor unique d’un long métrage. Moyen de déplacement, il permettait d’avoir recours au flash back, comme pour circonscrire toute une série d’activités sédentaires : répétitions, séances d’enregistrement et de montage d’un disque etc. Mais, ce serait avant tout un lieu de méditation. D’où la deuxième option que nous avons retenue : il n’y aurait pas dans le film de situation d’interview. Tout ce que Piotr Anderszewski s’apprêtait à révéler de lui-même ferait l’objet d’une narration en voix off qui rythmerait le déroulement des diverses scènes envisagées.
Une structure cinématographique qui intégrait la métaphore ferroviaire, les activités musicales et le récit, était évidemment indispensable, car il était bien dans mon intention de faire en sorte que ce voyage hivernal ne relève pas de la simple anecdote touristique. J’étais bien-sûr convaincu que la juxtaposition de la poésie de l’hiver dans les contrées d’Europe orientale que nous visiterions, et du caractère éminemment cinématographique du parti qu’on pouvait tirer d’un train mis à notre disposition, filmé de l’intérieur aussi bien que de l’extérieur, ne manquerait pas d’avoir une grande force esthétique. Mais nous ambitionnions davantage. Nous faisions un film sur un musicien fascinant, un homme tourmenté et énigmatique. Il ne pouvait être question de sacrifier la musique à une simple esthétique de l’image. La musique devait rester le thème principal de cette aventure, et ce serait le savant mélange de tous ces ingrédients qui procurerait au film sa teneur émotionnelle.

en tournage sur les plages de Lisbonne, juillet 2008


Le répertoire musical au menu du voyage, des répétitions et concerts qui y sont donnés, s’appuie principalement sur des pages essentielles - et inattendues - de Bach, Mozart, Chopin, Beethoven, Brahms, Schumann et Szymanowski.
Quant aux réflexions très personnelles qui ponctuent ces plages musicales, elles naviguent dans les mêmes eaux profondes. Que leur auteur soit remercié ici de s’y être livré avec autant de pudeur que d’abandon.
Bruno Monsaingeon. Juin 2009
à propos du film « Piotr Anderszewski, voyageur intranquille »




www.anderszewski.net


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