samedi 10 décembre 2016

Asli Erdogan, l'écrivaine turque embastillée

Asli Erdogan





Asli Erdogan, l'écrivaine turque embastillée



Ce samedi, c'est la Journée internationale des droits de l'Homme. Les soutiens d'Asli Erdogan ne vont pas manquer de manifester pour réclamer la libération de la romancière et journaliste turque, emprisonnée depuis le 16 août. Des rassemblements sont annoncés en France, notamment à Brest et Nantes, lundi.
Dans son dernier roman traduit en français, Le bâtiment de pierre ( Actes Sud ), inspirée par la détention de ses parents sous la dictature militaire, Asli Erdogan racontait l'horreur du monde carcéral en Turquie. Triste ironie : c'est elle qui se trouve maintenant dans une cellule à Istanbul.
Âgée de 49 ans, Asli Erdogan, qui partage avec le président turc un patronyme courant, mais rien d'autre, est devenue le symbole des milliers d'intellectuels qui se sont opposés à la toute puissance de Recep Tayyip Erdogan. Et qui en payent le prix.
Depuis que le pouvoir turc s'est lancé dans une implacable chasse aux opposants de tout poil, après le coup d'état manqué de juillet, on compte plus de 36 000 personnes derrière les barreaux. Asli Erdogan attend son procès pour « propagande en faveur d'une organisation terroriste ». Traduisez : soutien aux indépendantistes kurdes armés. Une absurdité, quand on sait qu'elle a toujours milité pour la non-violence.
Quelques jours avant son arrestation, la romancière avait publié sur son blog une « lettre grave et nécessaire », où elle faisait part de ses craintes pour les libertés publiques...
Une goutte d'eau cependant, comparée à l'ensemble de son œuvre. Car Asli Erdogan écrivait dans Özgür Günden, journal pro-Kurde désormais interdit ; elle avait dénoncé les viols de jeunes Kurdes par la police ; milité pour la reconnaissance du génocide arménien. Convaincue qu'un peuple qui refuse de voir ses propres crimes est un peuple qui s'abîme.

Patrick ANGEVIN

paru dans « Ouest-France » du 10-11 décembre 2016





vendredi 9 décembre 2016

Asli Erdogan, On n'enfermera pas sa voix

ASLI ERDOGAN On n'enfermera pas sa voix


ASLI ERDOGAN On n'enfermera pas sa voix
Ceci n'est pas un conte.
Suite à l'appel de Tieri Briet et Ricardo Monserrat concernant l'emprisonnement d'Asli Erdoganromancière et journaliste turque, voici la lecture de cet appel ainsi que quelques-uns des textes d'Asli Erdogan.Trouvez plus bas l'intégralité de cette lecture.

Date: 22/11/16
Lieu: studio RDWA
Durée: 32'13
Réalisation:Tania et Henri



jeudi 8 décembre 2016

LU cie & co: Lectures quotidiennes pour Aslı Erdoğan







LU cie & co: Lectures quotidiennes pour Aslı Erdoğan: Aslı Erdoğan. On le sait, l'écrivaine turque de 49 ans  Aslı Erdoğan a été arrêtée à son domicile d'Istanbul durant la nuit...


On le sait, l'écrivaine turque de 49 ans Aslı Erdoğan a été arrêtée à son domicile d'Istanbul durant la nuit du 16 au 17 août 2016, tout comme vingt autres membres de la rédaction du journal d'opposition "Özgün Güden" auquel elle collabore depuis plus de dix ans. Il y a déjà presque quatre mois de cela. Depuis, elle est toujours incarcérée à la prison pour femmes d'Istanbul et risque la prison à vie pour des chefs d'accusation comme celui d'être "membre d'une organisation terroriste armée". Son procès devrait débuter le 29 décembre.

Que faire? La lire, la soutenir, lui écrire, parler d'elle...








dimanche 4 décembre 2016

Tristan Cabral, poète

Tristan Cabral


C'est en lisant ce texte d'André Chenet que j'ai voulu aller au-devant de Tristan Cabral trop peu connu de moi.



L'ami Tristan Cabral me manque; sa folie contagieuse; ses visions sur l'échelle de Jacob et ses larmes qui explosent comme des éclats de rire contre tout ce qui nous sépare et nous expose au règne des assassins. Il est depuis des mois dans un hôpital de Montpellier. Il n'en dit guère plus à part peut-être "une opération de l'oesophage sans gravité". Il me demande des nouvelles du pays; se souvient de l'Avenue Florida à Buenos Aires où jadis il avait croisé Borgès en compagnie de son compagnon de l'époque. Comme j'aimerais aujourd'hui lui faire découvrir ces univers polyphoniques où je rajeunis de jours en jours; sommeils brefs, yeux et sens en alerte. Les voyous sont beaux à Buenos Aires, les poètes s'adressent au peuple;, au ciel et à la terre. Les femmes brûlent d'une beauté intérieure sans affectation, elles ne font rien pour séduire sinon vous transpercer d'un regard aiguisé.
Mon ami, ta dernière lettre m'a tellement réjoui mais aussi empli d'une tristesse profonde. Le poème est un pont; un rendez-vous certain où ne manquons jamais de rien.
La légende de Tristan Cabral (extrait) :
.../...
Tristan Cabral tout de noir vêtu de la tête aux pieds
sous un ciel d'apocalypse flamboyant
ouvre le livre des Heures de de la nuit profonde
lui seul sait déchiffrer les ouvrages du sang
les hautes dérives dévorantes du temps
Chevrier des Cévennes dans les maquis de l'âme humaine
prophète halluciné au milieu des bûchers de Montségur
je l'ai rencontré sur mon chemin ardent de Palestine,
moi-aussi je n'étais qu'un enfant complètement déboussolé
Dans une autre vie je l'ai retrouvé à Istanbul
en compagnie de Nazim Hikmet
ils fumaient assis côte à côte un narguilé parfumé
sous les poutres de métal du pont de Galata
en se saoulant de poésie et de thé fort
Il me donnait des rendez-vous fabuleux
parmi les ruines de la vieille Europe
Partout où des victimes se tordaient de douleur
il n'avait de cesse de dénoncer les crimes
au bord des charniers des Balkans
où pleuvaient des pétales de roses folles
dans la Grèce épouvantée des colonels
contre lesquelles Yannis Ritsos arma "le premier mot"
.../...
André Chenet, in "La légende de Tristan Cabral"

photo du Net



Biographie

Tristan Cabral, poète est né à Arcachon, le 29 février 1944.
Etudes secondaires à Bergerac, puis faculté de théologie protestante à Montpellier. Il abandonne le pastorat, entreprend des études de philosophie. Nommé professeur de philosophie au lycée Daudet à Nîmes, il y exerça son métier durant trente ans.
Il fit une entrée fracassante en littérature " en portant son cadavre sur son dos " comme écrivit Roger Gilbert-Lecomte. En 1974, effectivement le professeur de philosophie Yann Houssin du lycée Daudet préfaça un recueil de poèmes intitulé : " Ouvrez le feu " d'un jeune poète de 24 ans, Tristan Cabral, qui s'est suicidé en 1972.
La critique est élogieuse : " Qu'on se donne le temps d'écouter cette voix tourmentée, cette poésie convulsive, aux couleurs de feu dans le maquis des mots. " écrit François Bott dans le journal " Le Monde ". Nous apprendrons plus tard en 1977 que Tristan Cabral est bien vivant et que le préfacier Yann Houssin est en fait le poète Cabral.
Cabral occupe une place singulière dans le paysage poétique contemporain. C'est un révolté permanent au lyrisme flamboyant allant à contre-courant des modes d'écriture du moment. Au travers de ses textes, il épouse la cause des exclus, des taulards, des aliénés, des insoumis, de tous ceux que la société écrase.

Bibliographie :

Testament Funambule, Actes Sud, 2008
Requiem Océan, Bord à bord avec Xavier Grall, Voix d'encre, 2007
L'Enfant de guerre, Le Cherche-Midi, 2001
La Messe en mort, Le Cherche-Midi, 1999
L'Enfant d'eau, Livre I du Quatuor de l'Atlantique, Cahiers de l'Égaré, 1997
Mourir à Vukovar, Cheyne, 1997
Le Désert-Dieu, éditions De l'Alpha et Oméga, 1996
Le Passeur d'Istanbul, éditions Du Griot, 1992
La Lumière et l'exil, Le Temps parallèle, 1986
Le Passeur de silence, La Découverte, 1986
Et sois cet Océan ! Plasma, 1981
Demain, quand je serai petit, Plasma, 1979
Du pain et des pierres, Plasma, 1977
Ouvrez le feu !, Plasma, 1975

(dans Maison de la Poésie)




Sur le blog de ses amis

LaFrenière

André Chenet (Danger Poésie)


Le Passeur de silence (extrait)



À mon ami Gaston Miron
.

Plus personne n’arrive à Ellis Island…
des visages anciens glissaient sur l’East River
Et j’étais plein d’un vieux sang arménien
ou peut-être italien je portais le carquois de l’indien brise-lames
avec pour toute aurore
le vieux regard des émigrants
vêtus de peur et de douleur

plus personne n’arrive à Ellis Island…

Sur l’East River
j’allais dans un canot avec Petite Fleur
couchée en chien de fusil
je portais vers le Nord des ballots de lueurs
les oies du Cap Tourmente
s’en venaient vers le cœur acéré du flécheur
et j’attendais la longue nuit des couteaux

plus personne n’arrive à Ellis Island…

Je suis plein d’un vieux sang arménien
ou bulgare
et j’ai vu à Brooklyn un certain marchand d’ombres
qu’on appelait Bontchek
qui calculait la nuit
tout le temps qui restait
avant la venue du Messie
Je suis le voyageur des mémoires manquées

mais Ellis Island est fermé pour toujours…

.
                                  Tristan Cabral, in Le Passeur de silence (extrait)