jeudi 8 février 2018

Poème de Yannis Ritsos



I

Je quitterai
le blanc sommet enneigé
qui réchauffait d'un sourire nu
mon infini isolement.

Je secouerai de mes épaules
la cendre dorée des astres
comme les moineaux
secouent la neige
de leurs ailes.

Ainsi un homme, simple et intègre
ainsi tout joyeux et innocent
je passerai
sous les acacias en fleurs
de tes caresses
et j'irai becqueter
la vitre rayonnante du printemps.

Je serai l'enfant doux
qui sourit aux choses
et à lui-même
sans réticence ni réserve.

Comme si je n'avais pas connu
les fronts mornes
des crépuscules de l'hiver
les ampoules des maisons vides
et les passants solitaires
sous la lune
d'Août.

Un enfant.

Yannis Ritsos

in, Symphonie du printemps
éd Bruno Doucey (2012)
traduit du grec par Anne Personnaz




photo fruban



Le mot de l’éditeur :

“Je suis le ciel étoilé des moissons.” Le poète qui écrit cela paraît pourtant l’avoir perdue, sa bonne étoile. Voyez plutôt : Yannis Ritsos naît en Grèce dans une famille de nobles propriétaires terriens, mais sa jeunesse est marquée par la ruine économique, des drames familiaux et la maladie. Proche du parti communiste grec, il aspire à un idéal de fraternité, mais la dictature dévaste son pays. C’est dans ce contexte désespéré que le poète écrit l’une de ses plus belles oeuvres, jusqu’alors inédite en français : Symphonie du printemps. Un hymne à l’amour, à la nature, à la vie. À mes yeux, un antidote à la crise. Dans la situation douloureuse que connaît la Grèce, le lyrisme explosif de Yannis Ritsos est une tentative de libération par l’imaginaire. Le poète danse à deux pas de l’abîme, les bras tendus vers les étoiles.

Site Bruno Doucey