mardi 13 février 2018

Autant en emporte le temps, Françoise Ruban




« Ah tout devait arriver comme ça !
Voir les espoirs et les roses s’effeuiller,
voir les barques des années s’échapper,
s’échapper et s’éteindre ».(1)
Kostas Karyotakis 



Autant en emporte le temps




Après la surprise l'étonnement
vinrent désir caresses complicité
quelques violents orages
c'était l'été dans nos cœurs
Eté de poésie de découvertes
Et puis il y eut ce livre
il y a toujours ce livre

Ce livre tel un fil qui relie

Au fil des jours des semaines des mois
des années maintenant
désir caresses s'effilochent
même la complicité perd ses couleurs
Hiver des émotions des sentiments
Toujours la même quête
pour un livre pour des écrits

Ce livre tel un fil qui sépare

Aimer s'apprivoise comme un animal sauvage
c'est du moins ce que j'ai cru
mais complicité désir caresses
sous les ciels gris se sont perdus
Y aura-t-il un nouveau printemps
Le printemps des poètes
Notre printemps

Toi et moi
tant d'oubli
tant de solitude
choisie toujours choisie
Allons-nous lâcher le fil
le fil qui relie le fil qui unit.....

Autant en emporte le temps



© fruban, le 13 février 2018

Tous droits réservés
recueil en cours d'écriture



(1)in, Telles des guitares désaccordées
Maria Polydouri et Kostas Karotakis
éditions Bruno Doucey















© photos fruban

Pour connaître davantage Maria Polydouri et Kostas Karotakis, vous pouvez lire quelques extraits ICI d'un article que je leur ai consacré.

dimanche 11 février 2018

Trilogie, Denis Tellier





"J'avais un pote à St Naz, son père bossait à Penhoët. Il me racontait des histoires comme ça, comme si c'était vrai. J'écoute les gens encore, j'aime quand les histoires sont fortes et me prennent entièrement. Et puis cette âme ouvrière, libertaire. Et puis pour les hommes." Denis T


I


Il s'appelait Wlodzimietz.
Il était natif de Malbork au sud de Gdansk en Pologne du nord.
C'était un spécialiste de la soudure au carbure de tungstène.
Il travaillait au sein des usines Renault à Boulogne Billancourt.
Il habitait juste à côté, rue Marcel Bontemps.
Il jouait sur son harmonica : "Da Doo Ron Ron" un classique américain de Jeff Barry.
Alors il fallait le voir, comment il creusait ses joues, comment il faisait rouler ses yeux, comment il voulait donner à son air "un air de mur du son".
Il était venu en France en 1964 avec tout ça dans un sac fourre-tout qui trônait sur une chaise en guise de décor et sur lequel était marqué au pochoir et en polonais "zeglarz morski Wlodzimietz".



II



Je l'ai su après, lui il s'appelait Lukas, il habitait Borholmer Strasse bloc 2 dans une cité au 4ème étage à l'Ouest dans Berlin, en bas il y avait le mur.
Tous les mercredi Lukas brandissait à sa fenêtre une roue de vélo, une roue avant...
Elle je l'ai su après, elle s'appelait Mia, elle habitait Borholmer Strasse bloc 3 dans une cité au 6ème étage à l'Est dans Berlin, en bas il y avait le mur.
Tous les mercredi Mia brandissait à sa fenêtre une roue de vélo, une roue arrière...
C'est elle qui a arrêté la première de faire des signaux, les volets de son appartement se sont soudainement fermés du jour au lendemain !
Je l'ai su longtemps après...



III



Lululelaminé avait bossé au laminoir dans le bassin de St Nazaire, il laminait des tôles pour des coques de bateaux.
Il les rendait concaves.
A la fin de son ouvrage, il marquait sur les ferrailles à la craie blanche "Bon pour soudure" ou à la craie jaune "Bon pour soudure au 7/10ème".
En 1956, il avait travaillé sur le "Gascon" un navire vraquier, qui fut assemblé tout au long du goulet à Penhoët.
C'est à 18 heures que tous les ouvriers du réservoir enfourchaient leurs vélos pour rejoindre le bistrot de la Germaine, Quai des Darses.
Le bar faisait six mètres de long, il y avait sur le zinc 58 verres à limonade remplis pour moitié de vin blanc, du "Gros Plant", 58 verres de blanc limé.
Lululelaminé buvait son blanc limé et rentrait chez lui, c'est pour cela qu'il en parle encore aujourd'hui...


Denis Tellier

février 2018

Tous droits réservés
© textes et photos manuscrits