jeudi 8 juin 2017

La ronde sous la cloche, Aloysius Bertrand



La ronde sous la cloche


Douze magiciens dansaient une ronde sous la grosse cloche
de Saint-Jean. Ils évoquèrent l’orage l’un après l’autre,
et du fond de mon lit je comptai avec épouvante douze
voix qui traversèrent processionnellement les ténèbres.

Aussitôt la lune courut se cacher derrière les nuées,
et une pluie mêlée d’éclairs et de tourbillons fouetta
ma fenêtre, tandis que les girouettes criaient comme des
grues en sentinelle sur qui crève l’averse dans les bois.

La chanterelle de mon luth, appendu à la cloison, éclata ;
mon chardonneret battit de l’aile dans sa cage ; quelque
esprit curieux tourna un feuillet du Roman-de-la-Rose qui
dormait sur mon pupitre.

Mais soudain gronda la foudre au haut de Saint-Jean. Les
enchanteurs s’évanouirent frappés à mort, et je vis de
loin leurs livres de magie brûler comme une torche dans
le noir clocher.

Cette effrayante lueur peignait des rouges flammes du
purgatoire et de l’enfer les murailles de la gothique
église, et prolongeait sur les maisons voisines l’ombre
de la statue gigantesque de Saint-Jean.

Les girouettes se rouillèrent ; la lune fondit les nuées
gris de perle ; la pluie ne tomba plus que goutte à goutte
des bords du toit, et la brise, ouvrant ma fenêtre mal
close, jeta sur mon oreiller les fleurs de mon jasmin
secoué par l’orage.

Aloysius BERTRAND
Recueil : "Gaspard de la nuit"



photo du Net



mardi 6 juin 2017

Emission de France Culture sur Nikos Kazantzakis

Rencontres autour de Nikos Kazantzakis - Georges Stassinakis et Nicolas Zallu


Nikos Kazantzakis : si le cœur de l'homme ne déborde pas d'amour ou de colère, rien ne peut se faire
30.05.2017



Penseur influencé par Nietzsche et Bergson, dont il suivit l'enseignement à Paris, Níkos Kazantzákis fera jaillir sa propre source : une éthique puissante où résonnent les mots lutte, refus des espoirs, quête d’une certaine immortalité à travers l’élaboration d’un surhomme qui s’incarnera dans l’Ulysse de son "Odyssée".

Níkos Kazantzákis se situe sur le plan de la spiritualité. Son but permanent était l’harmonie, la liberté absolue. Dieu pour Kazantzákis est dans chaque être, même le plus athée. Pour lui nous créons Dieu. Il a ainsi étudié toutes les religions : bouddhiste, taoïste, juive, chrétienne, musulmane, mais plus que tout autre, c’est le triste qui l’a le plus impressionné.

Nikos Kazantzakis est l'un des écrivains européens les plus importants du XXe siècle, auteur de "Alexis Zorba", adapté au cinéma sous le titre" Zorba le Grec" et de "La dernière tentation du Christ", Poète, érudit et homme d'action engagé dans son temps.



Une œuvre prolifique et protéiforme : poésie, roman, essai, livres pour la jeunesse, théâtre, récits de voyage, traductions, scénarios... Ses œuvres sont fondées sur le sens de la liberté, la protection de la nature, les valeurs humanistes et spirituelles et un vif intérêt aux autres peuples et cultures.

Un homme véritable est celui qui résiste, qui lutte et qui n'a pas peur au besoin de dire Non, même à Dieu. Níkos Kazantzákis, "Lettre au Greco"

Une rencontre enregistrée en janvier 2017, dans le cadre de la Chaire Esprit méditerranéen - Paul Valery de l'Université de Corse, sous le haut patronage de la Délégation Interministérielle à la Méditerranée.

Georges Stassinakis, fondateur et président de la Société internationale des Amis de Nikos Kazantzakis (SIANK), chevalier de l'Ordre national du Mérite de la République française, auteur de nombreuses publications et rédacteur en chef de la revue annuelle "Le Regard Crétois".

*Le titre fait référence à une citation de Nikos Kazantzakis.






Lire et écouter aussi sur France Culture (ci-dessous)

France Culture




"La dernière tentation du Christ" par Martin Scorsese

lundi 5 juin 2017

Couleurs vous êtes des jours, de f.ruban


Couleurs, vous êtes des jours


Comme le Rimbe pour les voyelles, sans le connaître à l'époque, depuis que je suis gamine, je vois les jours de la semaine en couleurs. Ne me demandez surtout pas pourquoi, je n'en sais fichtrement rien ! Je continue à les voir ainsi...
Dimanche rouge
Lundi blanc
Mardi gris pâle
Mercredi noir
Jeudi jaune
Vendredi gris
Samedi noir.

fruban
le 3 juin 2017

dimanche 4 juin 2017

Il ne faut pas, Jacques Prévert






photo du Net





Il ne faut pas…

Il ne faut pas laisser les intellectuels jouer avec les allumettes
Parce que Messieurs quand on le laisse seul
Le monde mental Messssieurs
N’est pas du tout brillant
Et sitôt qu’il est seul
Travaille arbitrairement
S’érigeant pour soi-même
Et soi-disant généreusement en l’honneur des travailleurs du bâtiment
Un auto-monument
Répétons-le Messssssieurs
Quand on le laisse seul
Le monde mental
Ment
Monumentalement.

Jacques Prévert