mercredi 26 septembre 2018

Croisement, Denis Tellier




Dans le couloir frôlant mon compartiment.
Train de nuit dans son roulement.
Vous passez...
La lune est blanche avec des reflets bleus.
Train de nuit dans son emportement.
Vous passez sur moi à chaque aiguillage.
Ligne électrique et poteaux bleus.
Nous allons dans la même direction.
Train de nuit dans son empressement.

Denis Tellier

© Tous droits réservés







manuscrit Denis T


J'ai tout de suite pensé à la Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France (Blaise Cendrars), comme ça un flash, à cause de cela sans doute




(...) Et pourtant, et pourtant
J'étais triste comme un enfant
Les rythmes du train
La "moëlle chemin-de-fer" des psychiatres américains
Le bruit des portes, des voies, des essieux grinçant
sur les rails congelés
Le ferlin d'or de mon avenir
Mon browning, le piano et les jurons des joueurs de cartes
dans le compartiment d'à côté
L'épatante présence de Jeanne
L'homme aux lunettes bleues qui se promenait nerveusement
dans le couloir et qui me regardait en passant
Froissis de femmes
Et le sifflement de la vapeur
Et le bruit éternel des roues en folie dans les ornières du ciel
Les vitres sont givrées
Pas de nature !
Et derrière, les plaines sibériennes, le ciel bas et les grandes ombres
des Taciturnes qui montent et qui descendent
Je suis couché dans un plaid
Bariolé
Comme ma vie
Et ma vie ne me tient pas plus chaud que ce châle écossais
Et l'Europe tout entière aperçue au coupe-vent
d'un express à toute vapeur
n'est pas plus riche que ma vie
Ma pauvre vie
Ce châle
Effiloché sur des coffres remplis d'or
avec lesquels je roule
Que je rêve
Que je fume
Et la seule flamme de l'univers
est une pauvre pensée...

Du fond de mon cœur des larmes me viennent
Si je pense, Amour, à ma maîtresse ;
Elle n'est qu'une enfant, que je trouvai ainsi
Pâle, immaculée, au fond d'un bordel.

Ce n'est qu'une enfant, blonde, rieuse et triste,
elle ne sourit pas et ne pleure jamais ;
mais au fond de ses yeux, quand elle vous y laisse boire,
tremble un doux lys d'argent, la fleur du poète.

Elle est douce et muette, sans aucun reproche,
avec un long tressaillement à votre approche ;
mais quand moi je lui viens, de-ci, de-là, de fête,
elle fait un pas, puis ferme les yeux

et fait un pas.
Car elle est mon amour, et les autres femmes
n'ont que des robes d'or sur de grands corps de flammes,
ma pauvre amie est si esseulée,
elle est toute nue, n'a pas de corps

elle est trop pauvre. (....)



tout petit extrait


texte intégral ICI

et sur mon blog







lundi 24 septembre 2018

Barbare plus que les barbares, de Jean-Michel Sananès







                                                                                                          À Davis Troy
Barbare plus que les barbares

Barbare plus que les barbares
Ils ont tué Davis Troy
Et je n’ai rien su empêcher

Amérique, Amérique, que fais-tu de mon amour ?

Un doigt coincé aux portières du temps
Je vis dans la douleur sucrée du permanent départ
J’entends tressaillir les larmes
J’entends les chevaux courir
J’entends les femmes dans le tipi

Amérique, Amérique, que fais-tu de mon amour ?

Je traverse l’immensité d’un cri plus large que le vent
Il s’éreinte au sacrifice de tant de morts
Venus libérer ma France
De tant d’hommes partis sauver mon peuple

Amérique, Amérique, que fais-tu de mon amour ?

La mémoire accrochée à un passé
Vrillé en multitude d’échos
J’entends les rires qui piétinent les ghettos
J’entends pleurer Cheval Fou
Et nous n’avons rien empêché

Barbare plus que les barbares
Est-ce la couleur du monde ?
Amérique, j’entends pleurer Dylan

Amérique, Amérique, que fais-tu de mon amour ?


© JMS

Publié dans Et leurs enfants pareils aux miens


le 25 octobre 2011 par Cheval fou (Sananès)



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Troy Davis
photo du Net