Ville portuaire, Valparaiso est le paradis de l’art urbain : tous les coins de rue laissent entrevoir les couleurs d’un mouvement graffiti fort et dynamique construit avec l’influence des U.S.A, la culture hip hop et d’autre part l’influence française, datant de mai 68.
Issu de la scène Street art sud-américaine, INTI (traduisez littéralement ‘soleil’ en langue quechua) est un artiste peintre chilien, né en 1982 à Valparaíso. Il étudie à l’École des Beaux-Arts de Viña Del Mar, avant d’imposer son style poétique et surréaliste en Amérique du Sud, aux États-Unis et en Europe, tant dans les rues que dans les galeries. Lorsqu’il n’est pas en voyage pour son travail, il vit entre la France et le Chili.
Il développe un univers pictural festif, avec une mise en scène presque théâtrale et une symbolique empruntée à l’imaginaire populaire latino-américaine, et s’inspire de la culture populaire sud-américaine, de l’art précolombien et des fresques propagandistes de le BRP (Brigada Ramona Parra : brigades communistes) pour réaliser des fresques XXL où il peint des personnages hauts en couleur regorgeant de multiples détails.
Il s’approprie notamment une figure emblématique du Carnaval d’Ouro : le ‘Kusillo’, un petit clown de carnaval issu de la culture bolivienne habillé d’un patchwork de tissus.
Le ‘Kusillo’ est son personnage fétiche, et l’élément récurrent de son oeuvre.
Peu à peu, Inti exporte ses fresques gigantesques un peu partout dans le monde.
Il a réalisé plus d’une centaine de fresques aux quatre coins du globe : France, Espagne, Allemagne, Norvège, Liban, Pologne, U.S.A… A Paris, il s’est fait remarquer en réalisant une fresque XXL sur le flanc d’un immeuble du 13ème arrondissement. Pour sa collection Printemps/Été 2014, la maison malletière Louis Vuitton a confié la création d’une édition inédite de foulards à trois artistes issus du mouvement Graffitis. Inti s’approprie le fameux carré de soie qu’il pare de couleurs chaudes et où il met à l’honneur le dieu Inca ‘Wiracocha’.
Outre le visuel qu’Inti nous a prêté pour l’illustration de ces prochaines Escales de Saint-nazaire, il réalisera une fresque géante sur le port de Saint-Nazaire, quelques jours avant l’ouverture des portes du Festival.
Et nous sommes l’un à l’autre, à l’heure où l’ombre pénètre son ombre dans le marbre
Et je me ressemble lorsque je suspends mon être à un cou qui n’étreint que les nuages.
Tu es l’éther qui se dénude devant moi, larmes de raisin.
Tu es le commencement de la famille des vagues lorsqu’elles s’agrippent à la terre ferme, lorsqu’elles migrent,
Et je t’aime et tu es le prélude de mon âme et l’épilogue.
S’envolent les colombes
Se posent les colombes.
- Mon aimé et moi, deux voix sur les mêmes lèvres.
J’appartiens à mon aimé, moi, et mon aimé appartient à son étoile fugitive
Et nous entrons dans le rêve, mais il ralentit le pas pour nous échapper.
Lorsque mon aimé s’endort, je me lève pour protéger son rêve de ce qu’il pourrait voir
Et chasse les nuits passées avant notre rencontre.
Je choisis nos jours de mes mains
Et choisis pour moi la rose de notre table.
Dors, mon aimé,
Que les voix des mers s’élèvent jusqu’à mes genoux.
Dors mon aimé,
Que je me pose en toi et délivre ton rêve d’une épine jalouse.
Dors,
Que les tresses de ma poésie soient sur toi, et la paix.
S’envolent les colombes
Se posent les colombes.
- J’ai vu avril sur la mer.
J’ai dit : Tu as oublié le suspens de tes mains, oublié les cantiques sur mes plaies.
Combien peux-tu naître dans mon songe
Et me mettre à mort,
Pour que je crie : Je t’aime.
Et que tu trouves le repos ?
Je t’appelle avant les mots.
Je m’envole avec ta hanche avant d’arriver chez toi.
Combien parviendras-tu à déposer les adresses de mon âme dans les becs de ces colombes, à disparaître, tel l’horizon sur les pentes,
Pour que je sache que tu es Babel, Egypte et Shâm ?
S’envolent les colombes
Se posent les colombes.
- Où m’emportes-tu mon petit aimé, loin de mes parents,
De mes arbres, de mon petit lit et de mon ennui,
De mes miroirs, de ma lune, du coffre de mes jours, de mes nuits de veille,
De mes habits et de ma pudeur ?
Où m’emportes-tu mon aimé, où ?
Dans mon oreille tu enflammes les steppes, tu me charges de deux vagues,
Tu brise deux côtes, tu me bois, tu me brûles, et
M’abandonnes sur le chemin du vent vers toi.
Pitié … pitié …
S’envolent les colombes
Se posent les colombes.
- Ma hanche est une plaie ouverte, car je t’aime
Et je cours de douleur dans des nuits agrandies par la crainte de ce que j’appréhende.
Viens souvent et absente-toi brièvement.
Viens brièvement et absente-toi souvent.
Viens et viens et viens. Aah d’un pas immobile.
Je t’aime car je te désire. Je t’aime car je te désire.
Et je prends une poignée de ce rayon encerclé par les abeilles et la rose furtive.
Je t’aime, malédiction de sentiments.
J’ai peur de toi pour mon cœur. J’ai peur que mon désir se réalise.
Je t’aime car je te désire.
Je t’aime, corps qui créé les souvenirs et les met à mort avant qu’ils ne s’accomplissent.
Je t’aime car je te désire.
Je modèle mon âme à l’image des deux pieds, des deux édens.
J’écorche mes plaies avec les extrémités de ton silence… et la tempête
Et je meurs pour que les mots trônent dans tes mains.
S’envolent les colombes
Se posent les colombes.
- « L’eau me blesse », car je t’aime
Les chemins de la mer me blessent,
Le papillon,
L’appel à la prière dans la lumière de tes poignets me blessent.
Mon aimé, je t’appelle à longueur de sommeil. J’ai peur de l’attention des mots.
Peur qu’ils ne découvrent l’abeille en larme entre mes cuisses.
L’ombre sous les réverbères me blesse car je t’aime,
Un oiseau dans le ciel lointain, le parfum du lilas me blessent
Et le commencement de la mer,
Et sa fin.
Aah si je pouvais ne pas t’aimer,
Ne pas aimer,
Qu’enfin guérisse ce marbre.
S’envolent les colombes
Se posent les colombes.
- Je t’aperçois et j’échappe au trépas. Ton corps est un havre.
Chargé de dix lys blancs, dix doigts, le ciel s’en va vers son bleu égaré.
Et je tiens cet éclat marbré, je tiens le parfum du lait caché
Dans deux prunes sur l’albâtre et j’adore celui qui décerne à la terre ferme et à la mer
Un refuge sur la rive du sel et du miel premiers. Je boirai le suc de caroube de ta nuit
Et je m’endormirai
Sur un blé qui brise le champ, brise jusqu’au cri qui se rouille.
Je te vois et j’échappe au trépas. Ton corps est un havre.
Comment la terre m’exile-t-elle dans la terre ?
Comment s’endort le songe ?
S’envolent les colombes
Se posent les colombes.
- Mon amour, j’ai peur du silence de tes mains.
Ecorche mon sang, que s’endorme la jument.
Mon amour, les femmes des oiseaux volent vers toi,
Prends-moi, souffle ou épouse.
Mon amour, je demeurerai là, que mûrissent dans tes mains les pistaches de mes seins,
Que les gardes m’arrachent de tes pas.
Mon amour, je te pleurerai toi toi toi,
Car tu es le toit de mon ciel
Et mon corps est ta terre sur terre
Et ta demeure.
S’envolent les colombes
Se posent les colombes.
Sur le pont, j’ai vu l’Andalousie de l’amour et du sixième sens.
Sur une fleur desséchée,
Il lui rendit son cœur
Et dit : L’amour requiert de moi ce que je n’aime pas.
Il requiert que je l’aime.
La lune s’endormit
Sur une bague qui se brise
Et les colombes s’envolèrent.
Sur le pont, j’ai vu l’Andalousie de l’amour et du sixième sens.
Sur une larme désespérée,
Elle lui rendit son cœur,
Et dit : L’amour requiert de moi ce que je n’aime pas.
Il requiert que je l’aime.
La lune s’endormit
Sur une bague qui se brise
Et la nuit noire se posa sur le point et les amants.
S’envolent les colombes
Et se posent
1984
In : Mahmoud Darwich, La terre nous est étroite et autres poèmes, Collection Poésie chez Gallimard, traduit de l’arabe par Elias Sanbar, pp171-177.
"Poète palestinien, Mahmoud Darwich est né en 1941 à al-Birwa en Galilée. À la suite de la création de l'État d'Israël en 1948, sa famille quitte la Galilée pour le Liban. Un an plus tard, elle y retourne clandestinement et découvre que son village a été rasé. Elle s'installe alors à Dayr al-Asad, où l'enfant Mahmoud commence des études qu'il poursuit à Jdaydé avant de s'installer à Haïfa. Militant dès son plus jeune âge, il adhère en 1961 au parti communiste israélien Rakah. Incarcéré à cinq reprises entre 1961 et 1967 et assigné à résidence à Haïfa, il choisit l'exil en 1970. " (Encyclopédie Universalis)
Très beau site de Mahmoud Darwich, poète palestinien (1941-2008)
Un poème sonore de Rodolphe Burger (guitare, chant), avec Julien Perraudeau (basse, clavier), Mehdi Haddab (oud), Yves Dormoy (électro, clarinette), Ruth Rosenthal (chant) & Rayess Bek (chant)
Cette pièce, issue d'un spectacle créé en mars 2010 sur le plateau du Théâtre Molière à Sète, est un double hommage rendu à Alain Bashung et à Mahmoud Darwich, une mise en miroir de deux chants d'amour.
Celle-ci est la deuxième partie, une nouvelle création musicale à partir du poème S'envolent les colombes de Mahmoud Darwish, poète palestinien.