le 25 août 2014-08-25
Cher François, Monsieur le Président de la République,
Cher Manuel, Monsieur le Premier Ministre, mon cher Manuel
Depuis deux années, malgré les difficultés, je n’ai jamais manqué à la solidarité gouvernementale ni à la loyauté.
François, je t’ai soutenu dès la primaire de 2011 et j’ai participé ardemment à la campagne de 2012.
Manuel, mon amitié ne t’a jamais fait défaut depuis plusieurs années.
Aujourd’hui nos électeurs sont désemparés. Ils nous interpellent, nous attendent, sont dans un désarroi qui les jette dans la désillusion politique, ou, pire, dans les bras du Front National comme à Hayange, ville symbole de la Lorraine sidérurgique.
Ce qu’ils nous disent dans leur silence ou par leur colère c’est que le réalisme ne peut être synonyme de renoncement. Le débat qui a été ouvert sur la politique économique est salutaire et nécessaire. Car si nous ne sommes pas les porte-parole des sans-voix, qui le sera ?
Je suis élue de cette région où la crise fait rage plus fortement qu’ailleurs et je porte la responsabilité, comme chacun d’entre nous, d’écouter et d’entendre, mais aussi de répondre, aux attentes et à la confiance de mes électeurs. De nos électeurs. De ceux qui ont fait leurs représentants, les incarnations de l’espoir de la gauche qui n’avait plus gouverné ce pays depuis dix années. Depuis la tragédie du 21 avril 2002, dont nous avion tous fait serment qu’elle ne devait plus jamais se reproduire.
Je ne conçois pas la politique autrement que comme une fidélité à ces électeurs à leur histoire, qui est aussi mon histoire. J’ai constamment voulu aller au-devant d’eux : en 2012 aux élections législatives, aux municipales de mars dernier. Je suis élue de Moselle et j’entends le message de désespérance de ceux qui croient encore en la gauche.
Ma loyauté a été et demeure sans faille, même lorsqu’il m’a fallu affronter la fermeture des hauts-fourneaux de Florange, alors que je m’étais battue comme députée pendant 5 années sous le mandat de Nicolas Sarkozy contre le renoncement politique face à Mittal.
Aujourd’hui les hauts fourneaux sont éteints. Avec eux beaucoup d’espoirs. Hayange est aux mains d’un maire qui repeint en bleu-blanc-rouge les anciens wagonnets de la mine, et Florange est passée à l’UMP.
Je n’ai jamais fait prévaloir un quelconque intérêt personnel sur l’engagement collectif. J’ai fait face avec la même loyauté lorsque j’ai dû subir une baisse sans précédent du budget du ministère de la Culture, pourtant symbole de la gauche, deux années consécutives. J’ai tenu à la solidarité gouvernementale après l’accord du 22 mars sur le régime des intermittents, sur lequel j’ai pourtant dans la nuit même alerté le premier ministre Jean-Marc Ayrault en lui disant qu’il n’était pas conformé à nos engagements, et sur lequel je t’ai, toi aussi, François, à de nombreuses reprises demandé d’intervenir.
La réunion des ministres de jeudi dernier à Matignon a été malheureusement à la fois un révélateur et un exemple des raisons qui rendaient indispensable une discussion collective. Au moment où nos concitoyens attendent de nous une politique réaliste mais de gauche, les discussions qui y ont eu lieu furent le tragique contrepied de tout ce pour quoi nous avons été élus. Je l’ai dit lors de cette réunion, faudrait-il désormais que nous nous excusions d’être de gauche ?
Aujourd’hui, vous avez choisi de clore ce débat pourtant attendu par nos militants et nos électeurs, par beaucoup de nos parlementaires, et par les Français.
L’alternative n’est pas entre la loyauté et le départ. La question est : de quelle loyauté parle-t-on et pourquoi est-on investi d’une responsabilité politique ?
Il y a un devoir de solidarité mais il y a aussi un devoir de responsabilité vis à vis de ceux qui nous ont fait ce que nous sommes.
Je choisis pour ma part la loyauté de mes idéaux.
Je ne serai donc pas, cher François, Monsieur le Président de la République, cher Manuel, Monsieur le Premier Ministre, candidate à un nouveau poste ministériel.
Avec toute mon amitié,
Bien à toi,
Aurélie Filippetti.
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