vendredi 26 décembre 2014

Poème de Yannis Stiggas


XIII

Nous sommes enlacés
       elle a la vision du vide
c'est une paix aveugle
qui surveille la poitrine
épingles à cheveux aux lèvres


J'ai vécu ainsi le spasme
qui argente les choses
     et je n'aime plus la lune
     et je n'aime plus la mer


je veux des craquements nus dans le sang
mon destin telle une vigne
ayant où elle peut pour fruit
le soleil à genoux
se tordant aux grillages


Pas question que je rouvre jamais
la porte
j'allumerai seulement mon ouïe
pour vous transmettre des sanglots
et l'amour
stagnera dans les tasses


Être enlacé veut dire
parfumer le vide



Traduction: Michel Volkovitch

Yànnis Stìggas, né en 1977, est l’un des plus talentueux poètes grecs d’aujourd’hui. Il a fait des études de médecine.


Ses poèmes sont traduits en français, anglais, allemand, suédois, espagnol, bulgare et serbe.

Α retenir parmi  ses titres: Vagabondages du sang (2004), La vue recommencera (2006), Blessure ex æquo (2010), Le chemin vers le kiosque (2012), Je vois le cube Rubik dévoré (2014).

Yànnis Stiggas a parlé à GrèceHebdo.


Peut-on parler aujourd’hui en Grèce à propos des jeunes poètes d’une «génération de la crise»?

Je ne suis pas d’ accord avec le terme «génération». Oui, la crise est visible autour de nous, mais si quelqu’un veut parler du présent, c’est mieux d’utiliser une polaroid! La poésie avance autrement et ne cède pas aux regroupements faciles. Elle parle du présent avec les termes d’une éternité éclatée, elle parle de la nature de la douleur et c’est pour cela que la poésie c’est le feu lui-même. C’est pourquoi les poètes demeurent peu nombreux. D’ ailleurs chaque poète reste unique comme l’âme de chacun. La poésie est avant tout un phénomène psychique.

La réalité des «collectivités digitales» de masse (Ιnternet etc.) facilite les contacts du «grand nombre» avec la poésie?

Je ne crois pas. Les contacts dont vous parlez présupposent une certaine disponibilité intérieure. Ce n’est pas une question d’accès technologique. Les poèmes demandent un effort considèrable de la part du lecteur. Je vous rappelle les paroles de Jorge Luis Borges: «on trouve plus facilement un bon poète qu’un bon lecteur». Je partage son point de vue. Parfois la solitude des poèmes est  terrifiante et un “like” sur “facebook” ne parvient pas à faire face à cette solitude.

Εst-ce qu’il y a de la place pour l’humour au sein de l’univers énigmatique de la poésie?

Tsezare Pavese affirme dans son «métier de vivre», ce journal intime étonnant, que la grande poésie est de l'ordre ironique. Je partage cette approche. Je vous rappelle que NikosKarouzos a intégré une blague entière dans l’un de ses poèmes. Α noter également l’ironie subtile d’ Engonopoulos ou l’autosarcasme désespéré de Livaditis. L’humour est la santé du regard, l’antidote à l’égotisme et au sentimentalisme nocif. L’humour est sans doute notre seul luxe dans ce monde.




http://www.grecehebdo.gr/2014/12/interview-de-yannis-stiggas-la-poesie.html

3 commentaires:

  1. Oui, ce poème est très beau. De plus, l'interview de Yannis Stiggas est intéressante... j'aime ce qu'il dit de la poésie et des poètes. Je vais aller plus loin dans ma découverte. Merci de t'être arrêté !

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    1. Yiannis Stiggas a été publié en bilingue aux Éditions des vanneaux (2012), traduit par Michel Volkovitch.
      https://editionsdesvanneaux.wordpress.com/

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