24 janvier 1939
Votre œil est le poignet de la lumière. J’ai vu votre Exposition. Jamais la condition plastique n’avait surplombé le convulsif avec une telle sécurité, une telle communicabilité, un tel zénith émotionnel. Soyez remercié. La répartition de la chaleur, de la lumière et du givre manuel consomment la conquête.
J’ai donné à Ch. Zervos pour le prochain Cahier d’art le texte ci-joint. Peut-être consentiriez-vous à lui affranchir la vie ? Je pense au poème d’Eluard que vous aviez si fortement projeté en l’entourant de vos multiplex. Dans les abominables heures que nous vivons où la France est truie, cette Cléopâtre de gouttière tourne le dos à l’Espagne, impossible de donner sa tête à autre chose qu’à cet acier enfant trempé dans la mort…
J’aimerais beaucoup vous parler cher Picasso. Je vais écrire une « étude » sur vous. Voulez-vous avoir l’extrême bonté de dire à ma femme quand je puis vous venir voir. Aujourd’hui je suis un peu souffrant, mais la semaine prochaine je serai tout à l’éventualité de cette rencontre, si vous le voulez bien ?
René Char
Deslettres
( Les archives de Picasso : « On est ce que l'on garde ! » RMN – 24 octobre 2003 ) - (Source image : Modigliani, Picasso and André Salmon in front the Café de la Rotonde, Paris, image taken by Jean Cocteau in Montparnasse, Paris in 1916 (détail), Modigliani Institut Archives Légales, Paris-Rome, © Wikimedia Commons)
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