Pour la Saint Sylvestre et le passage à l'An neuf 2018, j'ai rejoint quelques jours la maison de mon enfance et les chemins qui m'ont vu galoper, batifoler, rire, tomber amoureuse, pleurer...
C'est là-bas que vivaient mes grands-parents maternels, petits paysans qui travaillaient dur.
C'est là-bas que maman a vécu ses dernières années.
La ferme de Berthe et Léon a été vendue. Nous avons gardé la maison de maman.
La brume installée pour la journée donne une grande douceur à ces paysages de collines rondes. L'image ne peut montrer la violence du vent qui s'est abattu sur nous. Je le ressens pourtant sur mes joues et dans mes cheveux ébouriffés.
Gamine, j'allais garder les vaches avec ma grand-mère et la fidèle Paka qui veillait sur le petit troupeau. Berthe reprisait des chaussettes sur son oeuf en bois. J'en profitais pour cueillir quelques fleurs, parfois j'emportais un canevas ou un illustré. Ma plus grande joie était de sortir le goûter qui n'avait pas la même saveur au milieu des champs !
Vite se mettre à l'abri dans cette allée du bois ! Quelques rayons de soleil laissent deviner de belles éclaircies bleues.
Ce qui me plaît dans cette campagne, c'est qu'il suffit de marcher quelques centaines de mètres pour rencontrer des petits bois comme celui-ci. On se sent très vite éloigné du monde. Regarder la Nature qui change d'habit selon les saisons. Réfléchir, rêver... bavarder avec soi-même, avec les absents qui foulèrent cette même terre.
Beaucoup moins timide, le soleil éteint les arbres déjà bien décharnés. Il y a Lui et l'ombre alentour !
La mare et sa minuscule presqu'île, notre terrain de jeux favori et... interdit !
Autrefois, elle servait d'abreuvoir, les paysans y conduisaient leurs vaches. Les femmes avaient un plus petit bassin pour laver le linge. Aujourd'hui, les deux se sont rejoints.
On raconte que certains s'y sont noyés pour mettre fin à une vie trop dure à supporter.
Pour les enfants que nous étions, c'était là que nous jouions à Robinson ! L'hiver, nous bravions les interdits en faisant quelques glissades sur la glace... fous que nous étions ! A la belle saison, nous y laissions les poissons rouges gagnés à la fête foraine, que nos parents refusaient d'emporter. Pendant des décennies, ils s'y sont multipliés, croisés avec des carpes. Ils étaient aussi beaux que les koïs japonais ! Et puis et puis, les enfants les ont oubliés, des pêcheurs sont venus...
Ne restent que quelques canards sauvages qui font le régal des renards, lorsque les hivers sont rigoureux.
On pourrait croire qu'il s'agit de la lune, mais non, simplement le soleil qui s'efforce de percer le ciel de cendre. A chaque apparition j'y croyais, quand surgissaient de vilains nuages noirs poussés par le vent.
"Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l'horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits ;
Quand la terre est changée en un cachot humide,
Où l'Espérance, comme une chauve-souris,
S'en va battant les murs de son aile timide
Et se cognant la tête à des plafonds pourris ;(....)"
Comme Baudelaire a su nous dire ce Spleen qui s'abat sur notre âme !
Si vous observez avec attention vous apercevrez d'infimes notes bleues...
Dans l'heure qui suivit, tout le ciel a jailli éclaboussé de bleu !
les 2 et 3 janvier 2018
© photos fruban
De sentiers en vallons, de reflets en odeurs. J'ai rencontré des souvenirs, des couleurs d'autrefois. Surtout ne pas laisser les pensées, les émotions de l'enfance m'envahir. Simplement respirer, regarder, marcher doucement des heures durant. Rejeter la mélancolie lourde qui s'abat avec l'hiver. Et ce mois de janvier que j'aimerais rayer à jamais. Effacer ce passé qui revient sans être invité. Eplucher ses strates, ne retenir que rires, légèreté, insouciance. S'il suffisait de vouloir....
fruban
17 janvier 2018
Ô nostalgie des lieux qui n'étaient point
assez aimés à l'heure passagère,
que je voudrais leur rendre de loin
le geste oublié, l'action supplémentaire !
Revenir sur mes pas, refaire doucement
- et cette fois, seul - tel voyage,
rester à la fontaine davantage,
toucher cet arbre, caresser ce banc ...
Monter à la chapelle solitaire
que tout le monde dit sans intérêt ;
pousser la grille de ce cimetière,
se taire avec lui qui tant se tait.
Car n'est-ce pas le temps où il importe
de prendre un contact subtil et pieux ?
Tel était fort, c'est que la terre est forte ;
et tel se plaint : c'est qu'on la connaît peu.
Rainer Maria Rilke
( Vergers )
Superbe texte qui rappelle ton enfance et les moments passés dans ces endroits magnifiques. Merci PJ
RépondreSupprimerMerci à toi ! C'est vrai que ces balades, ces paysages, ont fait remonter des souvenirs que j'ai eu envie de fixer avec des mots. J'ai aimé faire cela !
Supprimer