mercredi 25 juillet 2018

Je pense que tout est fini et autres poèmes, Alain Borne

Alain Borne
1915-1962






Je me couche dans la poussière, les yeux fermés

La nuit sera totale, tant que l'aube

Et le grand jour de ta chair

Ne passeront pas au-dessus de moi

Comme un vol de soleils. 

Alain Borne








Je pense que tout est fini


Poème dédié à Paul Vincensini.


Je pense que tout est fini
Je pense que tous les fils sont cassés qui retenaient la toile
Je pense que cela est amer et dur
Je pense qu’il reste dorénavant surtout à mourir.

Je pense que l’obscur est difficile à supporter après la lumière
Je pense que l’obscur n’a pas de fin
Je pense qu’il est long de vivre quand vivre n’est plus que mourir.

Je pense que le désespoir est une éponge amère
qui s’empare de tout le sang quand le cœur est détruit.

Je pense que vous allez me renvoyer à la vie qui est immense
et à ce reste des femmes qui ont des millions de visages.

Je pense qu’il n’y a qu’un visage pour mes yeux

Je pense qu’il n’y a pas de remède

Je pense qu’il n’y a qu’à poser la plume
et laisser les démons et les larmes continuer le récit
et maculer la page

Je pense que se tenir la tête longtemps sous l’eau finit par étourdir
et qu’il y a de la douceur à remplacer son cerveau par de la boue

Je pense que tout mon espoir que tout mon bonheur
est de devenir enfin aveugle sourd et insensible.

Je pense que tout est fini.



Alain Borne (1915-1962) –

L’amour brûle le circuit (Club du Poème, 1962) – Œuvres poétiques complètes (Curandera, 1980-1981)



                                                                             ***



Mes lèvres ne peuvent plus s'ouvrir

que pour dire ton nom

baiser ta bouche

te devenir en te cherchant.

Tu es au bout de chacun de mes mots

tu les emplis, les brûles, les vides.

Te voici en eux

tu es ma salive et ma bouche

et mon silence même est crispé de toi.

Je me couche dans la poussière, les yeux fermés

La nuit sera totale, tant que l'aube

Et le grand jour de ta chair

Ne passeront pas au-dessus de moi

Comme un vol de soleils.

Alain Borne




 « Pour moi la poésie seule est la vie, tout le reste est subsistance »



Je sais que vous veillez dans cette nuit si blanche

Qu’on croirait un verger assailli par le vent

Et l’heure des lampes devient douce

Si votre ombre descend sur la plage d’un livre

Si votre souffle éveille la charbon du poème

A la vie de la flamme.



Peut-être suis-je seul avec ma blessure

Et mon sang qui écrit

Peut-être suis-je loin de vous

De ce visage dont j’existe

Et de ces mains ravies à l’écume des astres

Et de ce corps si pur et sans baiser

Peut-être

Et j’envie votre chambre

Qui peut vous voir sans cesse

Cette table ces livres et la couleur du mur

Et la fenêtre où le visage du soir écrase sa noirceur

Et l’eau qui coule entre vos doigts

Sans souvenirs ni pensée.



« Ô je vous aime

Ma solitude crie à travers ce papier

Comme dans le château

La voix du prince vers la belle endormie.



Ô je vous aime

Ma solitude crie et tend ses mains lointaines

À tâtons vers vos mains

Je ne veux plus de ce poème

Ni du mensonge de mon rêve

Mais le pain de vos lèvres

Mais le vin de vos yeux


Mais l’air de votre souffle. »

extrait de "C'était hier et c'est demain", éd. Seghers, 2004



                                                                                        ***       




La nuit me parle de toi



La nuit me parle de toi

elle ne me donne pas de rêves

pleins de femmes transparentes

mais elle m'apporte ton image

afin que ton absence

ne m'étrangle pas tout à fait.



Elle voit avec scandale

que je n'ai pas ton corps dans mes bras

et elle allonge près de moi

le fantôme de ta peau.



Elle me dit

qu'à force de t'aimer tu m'aimeras

et qu'ainsi cessera ma longue insomnie

sur ta présence réelle

et sur ton vrai sang.



Il le faut



Il  le faut

il le faudra un jour



Nous saurons inventer

Tout sera pur comme l'hiver



Personne n'aura su avant nous.

Nos craintes seront plus douces qu'une ombre blanche.



Ce sera comme si nous avions invité

d'invisibles colombes

à voler avec nous.



Ce sera comme si nous habitions le feu de leurs ailes

avant de ne plus savoir

qui nous sommes l'un de l'autre.


Poèmes à Lislei (Seghers 1946)



                                                                                  ***




Bibliographie


2001  Terre de l’été suivi de Poèmes à Lislei  « Editinter »

2001 Un brasier de mots  - Poèmes inédits Voix D'encre

2002  L’eau fine suivi de En une seule injure  « Editinter »

2003  Poèmes d’amour ( Anthologie )  «  le cherche midi »

2003  Encres  « Atelier du hanneton »

2006  La nuit me parle de toi éditions Le trident Neuf



« L'Amour, la Vie, la Mort : deuxième anthologie de poèmes inédits », Voix d'encre, 1994.

Les « Œuvres poétiques complètes », aujourd'hui épuisées, ont été éditées en deux volumes par les éditions Curandera, en 1981.




Quelques poèmes sur le site Esprits nomades





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