Mon Rimbe, voilà ta saison aux enfers qui nous revient ! Prélude. C'est par ici. Dira-t-on bientôt que tu n'as pas écrit tes poèmes d'enfant ; il n'y avait pas d'enfants à ton époque !
En fin de compte, mon Rimbe, as-tu jamais existé ? Tu es un pur phantasme verlainien, nouvellien. Le réincarné fabuleux. En transcrivant tes mots, ton ami avait sans doute les yeux assaillis de trop de désir, et il aura commis des étourderies. A moins qu'il n'aie souhaité que son oeuvre personnelle soie publiée sous ton nom divinisé. Alors, quelle étrange idée que la sienne. Quel amour fanatique.
Par l'infini hasard des choses, par la vie éternelle vouée à l'imaginaire de la mort, tu existes en moi aujourd'hui, et moi seule t'écoute, et ressens ce que tes infirmités de rebelle t'infligent, dans leur antre joufflue de vents sahariens.
Le monde en poussière de désastre t'a dévoré. Le grand doute perpétuel t'a inoculé l'anti-matière. Je me ris de savoir si tu es fait de chair, si ta main a écrit « Qu'en est mon néant, auprès de la stupeur qui vous attend? » ,et si ton outrageuse inventivité a pu être l'apanage d'un autre, et de qui ? Et pourquoi pas l'inverse ? dit le chercheur ! Peu importe. Ce qui est écrit me transporte. Je me ris des cirques ambulatoires qui sèment après leur passage les verres à coktail sifflés, les imprimés douteux. En moi je le sais et c'est un bien précieux.
Tu écris de ta main frénétique dans mes veines qui ne saillent plus sur ma peau religieuse, tu écris dans mon sang, mes pieds s'enracinent dans tes souliers maudits. J'aime ce défi que tu nous lances encore, ce diamantaire défi d'évidence. Tous les défis sont de strictes vérités : ils s'érigent au pied du mur de la mort et donnent vie.
( Voilà, je sais : tu es l'homme en moi, le seul homme de ma vie, tous les autres sont des rats de biblilaboratoire. ( paix ait leurs âmes impératives !). Tu es l'idole aux féminités abstraites en ton corps enfantin, radieux.)
Ne le disons à personne, mon Rimbe de méchant fou. Rimbaud, c'est moi, et je te suis toi-même ! Le soir venu, après avoir fait mine d'être affectés par les clapoteries numériques du monde, nous, nous ferons la bombe, nous boirons du vin en pichet en nous lisant des vers écrits pour que l'ombre vive heureuse. Et nous rirons trop fort en parlant de romances ; hier inexistants, nous avons écrits dans les venelles de l'utopie cruelle ; aujourd'hui nous célébrons notre amour face à la comédie humaine, amants de soif dans une vie de synthèse qui ne doit son nom qu'à la chimie. Et demain donc ! Nous rirons davantage après le déluge, à pleines gorges que nous sommes, car les hommes ne communiquerons plus que par télépathie, il n'y aura plus la parole, plus d'écriture, et personne ne saura, hormis quelque mage dans un désert météorique, que nous aurons été au monde.
Mon Rimbe, par Ernest Pignon-Ernest.
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Joli texte. Jolie déclaration d'amour. Joli idéal de beauté disparue trop tôt. Par projection dans notre monde cruel, c'est beau comme une utopie. La découverte d'un homme poète, hors du commun, sans âge en dépit de l'innocence de sa jeunesse et qui ne trouve aucun rival dans la réalité d'une vie bien décevante. A son corps défendant, le poète se transforme en manipulateur de bons sentiments, tel un incube auquel on ne peut résister.
RépondreSupprimerMerci de ce partage Francy !!!!!!!!
RépondreSupprimerEt oui, mon Rimbe, Nerval, Mallarmé, T.S. Eliot, Akhmatova, et tant d'autres...........