Pour toi Michel
Nous t'appelions Socrate
tant tu étais féru de grec et de littérature classique
derrière ton apparence de vieux loup de mer
A l'origine de ce pseudo des anecdotes
qui toujours me feront sourire
malgré le chagrin de ton départ
Un coeur tendre et fidèle en amitié
aimant extérioriser tes invectives
contre la bêtise et tous les conformismes
tel un capitaine Haddock au langage fleuri
Tu aimais Julien Gracq et me fis découvrir Corbière
« Au vieux Roscoff » que tu récitais de mémoire
Nous retrouver Chez Carole ou Au café du port
Affronter le vent glacial pour apercevoir
les oies bernaches à la Pointe de Pen Bron
Parler poésie et découvrir l'immense sensibilité
que tu dissimulais d'un haussement d'épaule
ou d'une grimace bougonne
Je me souviens de la semaine passée en Bourgogne
Tu voulais voir des chapelles romanes
et nous vîmes la Basilique de Vézelay...
Il pleuvait il pleuvait vite se réfugier
Refuge gastronomique Au Bougainvillier
les vins les mets nous souriaient
Tes enfants aux quatre coins du monde
et si présents en toi
Tu te livrais parfois
quelques confidences où tu disais
ta fierté tes regrets aussi
Ils étaient loin
Socrate pudeur et réserve
lorsque tu voyais partir de jeunes vies
fauchées beaucoup trop tôt
La mort nous n'en parlions pas
ou avec les yeux reflets de notre coeur
Presque un sujet tabou
Je fus heureuse et fière de t'offrir et dédicacer
« L'Âme des marées » ce recueil de poèmes
né de mes larmes et de ma colère de mère
de mes espoirs en la Vie malgré tout
C'était en novembre dernier
Comment aurais-je alors pu imaginer
La Camarde insatiable implacable
t'a désigné à l'aube du printemps Elle savait
que plus jamais nous ne serions ensemble
près de l'Océan que nous chérissons
Au revoir Socrate ami si cher
tu seras une autre Etoile qui brillera pour moi
fruban
le 1er mars 2015
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crédit photos fruban |
Je voudrais ajouter ce poème de Tristan Corbière (1845-1875) que Michel m'avait fait découvrir et qu'il connaissait par coeur.
Au vieux Roscoff
Berceuse en Nord-Ouest mineur
Trou de flibustiers, vieux nid
À corsaires ! – dans la tourmente,
Dors ton bon somme de granit
Sur tes caves que le flot hante…
Ronfle à la mer, ronfle à la brise ;
Ta corne dans la brume grise,
Ton pied marin dans les brisans…
– Dors : tu peux fermer ton œil borgne
Ouvert sur le large, et qui lorgne
Les Anglais, depuis trois cents ans.
– Dors, vieille coque bien ancrée ;
Les margats et les cormorans
Tes grands poètes d’ouragans
Viendront chanter à la marée…
– Dors, vieille fille-à-matelots ;
Plus ne te soûleront ces flots
Qui te faisaient une ceinture
Dorée, aux nuits rouges de vin,
De sang, de feu ! – Dors… Sur ton sein
L’or ne fondra plus en friture.
– Où sont les noms de tes amants…
– La mer et la gloire étaient folles ! –
Noms de lascars ! noms de géants !
Crachés des gueules d’espingoles…
Où battaient-ils, ces pavillons,
Écharpant ton ciel en haillons !…
– Dors au ciel de plomb sur tes dunes…
Dors : plus ne viendront ricocher
Les boulets morts, sur ton clocher
Criblé – comme un prunier – de prunes…
– Dors : sous les noires cheminées,
Écoute rêver tes enfants,
Mousses de quatre-vingt-dix ans,
Épaves des belles années…
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Il dort ton bon canon de fer,
À plat-ventre aussi dans sa souille,
Grêlé par les lunes d’hyver…
Il dort son lourd sommeil de rouille.
– Va : ronfle au vent, vieux ronfleur,
Tiens toujours ta gueule enragée
Braquée à l’Anglais !… et chargée
De maigre jonc-marin en fleur
Roscoff. – Décembre
Tristan CORBIERE
Recueil : "Les Amours jaunes"
Magnifique message d'amour pour l'ami avec lequel on est dans le partage. Message simple, fait de pudeur, de respect et d'amitié que rien ne peut détruire.
RépondreSupprimerCar ceux que la mort sépare restent unis dans un monde où elle n'a et n'aura jamais accès! Cristian R.
Merci Cristian, comme j'aimerais que tu aies raison... "ceux que la mort sépare restent unis dans un monde où elle n'a et n'aura jamais accès". Ce qui est certain c'est que notre coeur est ce monde où demeurent tous ceux qui nous quittent et que nous aimons.
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