dimanche 10 janvier 2016

André Comte-Sponville




Emission Les Mots de minuit








" Plus doué pour la pensée que pour la vie". Il y a dans ce signe particulier qu'admet le docteur en philosophie qu'il est un écart avec le ici et maintenant qui oblige à toujours chercher "à penser neuf et penser juste". Qui amène à aller de temps à autre du côté des états modifiés de conscience qui apaisent. L'humanisme de Montaigne qu'il découvre à 30 ans, lui va bien comme un gant de velours.
D'accord pour parler avec son éditeur d'"Un livre-bilan, à la fois singulier et fort"! Dans cette émission, André Comte-Sponville complète cette série d'entretiens avec François L'Yvonnet. Une chose est remarquable dans notre conversation : le peu de temps laissé au silence, comme si l'enfant, perdu entre la mélancolie d'une mère et l'autoritarisme d'un père, mal à l'aise avec le langage qu'il fut, continuait chez l'adulte d'aspirer à dire nécessairement et à combler nos incomplétude et solitude existentielles. Ce "doué pour l'angoisse"  ("Du tragique au matérialisme (et retour)" en 2015) qui a aussi traité du désespoir, de la béatitude ou des grandes vertus est passé par la foi ou le communisme. Il a signé une oeuvre, moins médiatique que celle de certains de ses contemporains. Comme viatique, elle est substantielle et suffisante, souvent intranquille... Une vie, en somme.

"Ce n'est pas qu'il faille vivre au présent. C'est que nul n'a jamais vécu autre chose. Vivre au présent, ce n'est pas un idéal, qu'il faudrait atteindre. C'est la vérité de vivre. Essayez un peu de vivre une seconde de passé, ou une seconde d'avenir! Tout ce que vous pourrez faire, c'est vivre une seconde de souvenir ou d'anticipation. Mais le souvenir est actuel comme l'anticipation. Vous n'êtes pas sorti du présent : vous êtes passé du présent de l'attention à celui de la mémoire ou de l'attente. Vous auriez d'ailleurs bien tort de vous l'interdire. Vivre au présent, ce n'est pas vivre dans l'instant, ni même dans l'hédonisme du carpe diem! Il ne s'agit pas de s'amputer vivant de la mémoire et de l'imagination, mais de comprendre que le souvenir, l'image ou le projet n'existent qu'au présent, comme tout le reste. Aucun instant n'est une demeure pour l'homme, mais le présent seul, qui dure et qui change, mais la conscience seule, qui anticipe et se souvient. Habitez donc la présence de votre souvenir, la présence de votre anticipation, plutôt que le manque en vous (qui n'a de réalité qu'imaginaire) du passé ou du futur!"

Couverture  "C'est chose tendre que la vie"





C'est chose tendre que la vie : Entretiens avec François L'Yvonnet par Comte-Sponville


                                                                     

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5 commentaires:

  1. Vivre au présent c'est construire le futur qui sera le passé de notre prochain ou ce lointain( car l'autre est à la fois si lin et si proche de nous). Le temps, c'est en cela que je diffère de ce cher ACS, est pour moi circulaire et spiralé et non linéaire. Cela induit l'existence, en tant que manifestation de l'étant, d'un temps accompli ou inaccompli. La temps présent ne cessant de passer n'a pas cette possibilité de manifestation si ce n'est au premier degré dans le champ de la réalité. Celle-ci n'a rien de commun avec le réel qui lui est bel et bien dans le temps circulaire et spiralé.Cristian Ronsmans

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  2. Merci cher Cristian ! J'avoue que je partage plutôt ce que nous dit ACS, même si j'essaie de comprendre cette notion de "temps spiralé", un peu confuse à mes yeux. Et je ne sais que te répondre, puisque le Temps est de toute manière un découpage purement illusoire, qu'il soit linéaire ou circulaire. Il arrive pour la simple mortelle que je suis, de vivre le présent comme une éternité...à d'autres moments, le passé envahit toutes mes pensées, devient paralysant. Seul le futur me semble absent, si ce n'est dans quelque projet, quelque désir, un besoin d'espoir et/ou d'espérance. Et tu t'en doutes, je pense à Lamartine

    " Aimons donc, aimons donc ! de l'heure fugitive,
    Hâtons-nous, jouissons !
    L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive ;
    Il coule, et nous passons ! "

    ... à Apollinaire et tant d'autres ! Le regard des poètes est-il le même que celui des philosophes, des croyants, des mystiques...je ne sais vraiment pas.

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  3. Ma chère Françoise, je comprends fort bien cette idée assez simple qui consiste à penser qu'il y a un passé, un présent et un futur. C'est essentiellement lié au fait que nous existons. Mais le présente n'a en vérité pour moi aucun sens. Même il n'existe pas dans la mesure où la réalité (ce qui fait toute la vision du monde que nous avons) n'est qu'une gigantesque illusion. Elle n'existe pas. ACS ne peut admettre cette idée que la réalité n'existe pas car je sous entends de ce fait que seul le Réel existe là où le temps ne veut strictement rien dire. Cette pensée qui est mienne est celle d'une spiritualité qui échappe au matériel, un irrationnel qui n'est pas envisageable avec les critères de la réalité-illusion. Alors pourquoi ACS refuse-t-il cette notion? Parce que précisément il a fait le choix du rationnel. Il a et c'est dit plus haut tâté de la foi (je suppose spirituelle) et de la croyance idéologique. Il a abandonné ces pistes au profit d'un rationalisme athée, je pense, pur et dur. C'est son choix et je le respecte. Mais ce n'est pas mon monde. Lui et moi en débattront peut-être un jour dans le vrai monde quand tous deux y serons. En attendant je serai toujours heureux d'en parler. Je t'embrasse.Cristian

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  4. Cristian, je ne pense pas qu'il y ait un présent, un passé, un futur, rationnellement parlant, puisque je te disais que c'est nous qui découpons le temps, que ce soit le calendrier ou tout autre temporalité. Nous avons besoin de repères, juste cela. C'est notre vécu de la réalité qui privilégie tantôt les souvenirs, tantôt l'immédiateté de l'action, tantôt la projection dans l'avenir. Je crois que la réalité existe, ne saisis pas bien la différence que tu fais avec le Réel. Je crois comprendre ta "spiritualité qui échappe au matériel", et même, il m'arrive de la partager intuitivement, sans être en mesure de l'expliquer. ACS a fait le choix du rationnel car il lui fallait bâtir une pensée philosophique en dehors de toute "croyance", ce que tu appelles son "rationalisme athée pur et dur". Il s'est interrogé, a effectivement émis d'autres hypothèses plus spirituelles, proche alors des mystiques. Mon fils, philosophe lui aussi, a suivi un temps ACS, puis s'en est détaché, restant fidèle aux mystiques.Notre vie me semble être mue par une quête perpétuelle du sens. Sans avoir de vraie réponse, à moins d'appartenir à une religion qui dicte, parfois impose, sa propre idée. Je vois trop quelles en sont les dérives...Je ne sais s'il y a un "vrai monde", je ne sais s'il y a une Vérité...

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  5. Il me semble néanmoins que ACS cultive une certaine ambiguïté quand il dit "ce n'est pas qu'il faille vivre au présent" et dans le même temps "Mais le souvenir est actuel comme l'anticipation. Vous n'êtes pas sorti du présent. Vous êtes passé du présent de l'attention à celui de la mémoire et de l'attente". Or donc, s'il ne faut pas nécessairement vivre au présent, comme il le dit, on n'y échappe pas car le futur (anticipation) est du présent non accompli et le passé (souvenir) du présent accompli.
    De ce point de vue je suis d'accord et donc le présent, démonstration faite n'existe pas puisqu'il ne trouve, hors sa pseudo manifestation (bien tangible dans la réalité, seul monde qu'apparemment nous connaissons)dans la "concrétude" de l'instant qui n'est déjà plus ou non arrivé. En revanche le passé comme le futur dans un temps circulaire (retour des saisons par exemple. Le plus simple) sont dans une dynamique d'un éternel retour, une éternelle renaissance et mort qui abolissent le présent. Mais cela pour moi se passe dans un monde qui nous dépasse car il dépasse ce qui fait notre réalité comme il fit la réalité de nos prédécesseurs et fera celle de nos successeurs. Ces réalités ne sont, pour moi, que manifestation d'un plan ou processus plus vaste, infini que j'appelle le Réel. La réalité elle est un temps et un espace finis.

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