photo Cristian R |
Longtemps, au lendemain de la seconde guerre mondiale, le prêt-à-porter donna des lettres de noble popularité doctrinaire à l’art de la haute couture en l’introduisant de manière industrielle dans les boutiques et la rue.
On inventait la mode à grande échelle.
La mode n’ayant pas pour objectif de fixer les canons du « se vêtir » mais bien d’orienter les masses vers un désir mimétique qui avait pour but de dévêtir et non vêtir. Dévêtir les cerveaux. Avec pour conséquence de cette perte d’identité, le désir de s’accaparer de celle de l’autre, qui bénéficie de la norme qu’on appela « mode ». Par extension, cela toucha tous les domaines jusqu’à la couette et le réfrigérateur.
C’est dans cette acception conformiste du « ce que l’on doit porter » qui concerne donc l’enveloppe, qu’on en vint à modéliser le contenu. Aussi, quand l’indigence de la pensée domine en nombre la pensée indépendante libre, à l’image du « prêt-à-porter » balayant l’originalité, elle ouvre la voie royale du « prêt à penser », avec ses différentes chapelles concurrentes.
Dans le droit fil de ces deux modèles morbides, un nouvel axe comportemental, depuis deux décennies, se développe de façon inquiétante, favorisé par un développement permissif et mondialisé de la disparition des frontières physiques morales et intellectuelles qui sépare le vulgum pecus du reste.
Ce nouvel axe comportemental complète les deux fondamentaux qui touchent le contenant (prêt-à-porter) et le contenu (prêt à penser) en y ajoutant le « prêt à parler ».
L’avènement du « prêt à parler »
Au-delà de l’indigence de vocabulaire, incident mineur, car conséquence inéluctable du succès du « prêt à penser » indexé aux chapelles rayonnantes de leurs idéologies respectives, il y a la disparition de l’originalité du contenu de la pensée. Au profit de celles totalisantes à visée uiversaliste, qui vivant en vase clos, bien au-delà de la divergence, nient l’existence du tout autre.
De sorte que les promoteurs du « prêt à penser » se sont armés du « prêt à parler » contribuant, de la sorte, à la paupérisation non seulement de la langue mais aussi du langage.
Or la langue véhicule les mots quand le langage colonne vertébrale du discours véhicule les concepts, les idées dont les mots ne sont que les instruments.
Cette paupérisation n'est évidemment en rien une finalité. Elle est un moyen de soumission qui affecte tous les courants idéologiques.
D’où le peu de goût pour ceux-ci, dans une consensuelle fainéantise, assorti d’une norme nouvelle d’indigence, à énoncer clairement le peu qu’ils conçoivent.
Augmentant leur brillante réflexion de la panacée incantatoire : « Le vivre ensemble » quand il s’agirait pour le mieux de réapprendre à « parler ensemble ».
Mais on atteint ici les limites de l’impossible retour.
Impossible, car il ne reste plus qu’un quarteron de vieux briscards, cultivateurs jardiniers de « la parole sur mesure » opposée au « prêt à parler ».
La « parole sur mesure » est dérangeante pour les indigents de la pensée et du parler. D’autant plus dérangeante qu’elle s’emploie à user du mot juste. Le mot juste est un mot simple, tel un costume sur mesure, il s’adapte parfaitement au discours. Blessés, vexés, humiliés par leurs carences qu’ils refusent de voir, fruit d’un manque de courage qui les paralyse, les derniers hussards de la « parole sur mesure » deviennent leurs opportuns boucs émissaires
Plutôt que de chercher à s’instruire, de comprendre, d’apprendre, de s’ouvrir, de se dépasser, comme il est bien plus confortable de s’engoncer dans une veule oisiveté et tout en s’appuyant sur la masse populaire qui lui ressemble et avec laquelle il se confond, de fustiger, vomir, condamner, mépriser, vouer aux gémonies celle ou celui qui a la coupable tendance à s’exprimer correctement.
Mais que croyez-vous donc, Mesdames et Messieurs les censeurs, contempteurs de l’art de la langue et du discours ?
Que nous devrions nous soumettre à vos diktats de petits potentats cossards, porte-enseignes de la soumission et de l’abêtissement généralisé, au nom de votre inculture et de votre absence de volonté à devenir meilleur et vous débarrasser de votre médiocrité ?
Chantres d’une déconstruction dont vous ignorez les engagements philosophiques et politiques, vous croyez qu’il s’agit simplement de détruire les élites de la parole, sans même comprendre le sens réel de ce terme, n‘en retenant que l’aspect exotérique au mieux, vulgaire au pire.
Beaucoup, une immense majorité, Stendhal dans Armance l’invoque, pense que « la parole a été donnée à l’homme pour cacher sa pensée »
Certes, tels sont ceux que j’étripe ci-dessus. Mais il convient d’ajouter ceci :
La parole juste a été donnée à l’homme pour dévoiler sa juste pensée. Encore faut-il avoir des oreilles pour entendre et une intelligence pour comprendre. .
« Alors les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père. Que celui qui a des oreilles pour entendre entende. » Matthieu 13-43
© Cristian Ronsmans
avril 2018
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Les lecteurs de ce blog connaissent forcément Cristian Ronsmans dont j'ai publié ici plusieurs articles, poèmes. Ecrivain au talent rare qui sait à merveille mêler malice, cynisme, à une vraie et belle érudition. Une grande générosité, mais il lui faut appeler un chat un chat ! Merci Cristian
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Ma chère Sirène, j'ai tardé à te répondre car je ne sais que dire, d'être à nouveau à l'honneur sur ton blog. Mais c'est très simple, je n'ai qu'à te dire: Merci.Ton vieux cachalot.
RépondreSupprimerC'est à tous ceux qui te lisent de te dire Merci ! Ceci dit, c'est un plaisir et un honneur pour moi de partager tes écrits.Et il y en a tant d'autres !
RépondreSupprimerD'ailleurs, à quand un nouveau livre ?
Je t'embrasse mon Cachalot... vieux, vous avez dit vieux ?
Envie de te taquiner !