mercredi 10 octobre 2018

René Char, Fureur et mystère




Tu as bien fait de partir Arthur Rimbaud





René Char
photo du Net







Tu as bien fait de partir Arthur Rimbaud...
Tes dix-huit ans réfractaires à l’amitié, à la malveillance, à la sottise des poètes de Paris ainsi qu’au ronronnement d’abeille stérile de ta famille ardennaise un peu folle, tu as bien fait de les éparpiller aux vents du large,
de les jeter sous le couteau de leur précoce guillotine.
Tu as eu raison d’abandonner le boulevard des paresseux, les estaminets des pisse-lyres, pour l’enfer des bêtes, pour le commerce des rusés et le bonjour des simples.
Cet élan absurde du corps et de l’âme, ce boulet de canon qui atteint sa cible en la faisant éclater, oui, c’est bien là la vie d’un homme !
On ne peut pas, au sortir de l’enfance, indéfiniment étrangler son prochain.
Si les volcans changent peu de place, leur lave parcourt le grand vide du monde et lui apporte des vertus qui chantent dans ses plaies.
Tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud ! Nous sommes quelques-uns à croire sans preuve le bonheur possible avec toi.

René Char, in Fureur et mystère, 1962









Rimbaud par Ernest Pignon Ernest
photo du Net





2 commentaires:

  1. J'aime beaucoup ce poème, comme tous ceux de René Char

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  2. Toujours un grand plaisir de relire ce poème et de le faire connaître

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