jeudi 4 juillet 2019

A un ami, de Maria Polydouri



À un ami


Je viendrai un soir, en déviant de la route qui me mène,
je viendrai pour te trouver seul avec ton vieux rêve.
La soirée étirera avec paresse les ombres fines,
en passant devant ton unique fenêtre.
Tu m’accueilleras dans ta chambre silencieuse et des livres
seront abandonnés partout dans un silence profond.
On s’assiéra côte à côte. On parlera de tout ce qui part,
de tout ce qui est mort avant qu’on le perde,
de l’amertume de la vie ingrate, de l’ennui,
de ce dont on n’attend même pas qu’il se réalise,
de l’usure, et doucement dans le calme obscur,
s’effaceront notre parole et notre dernière pensée.
Et la nuit viendra s’arrêter devant la fenêtre,
pour mêler des parfums, des reflets d’astres et des brises
avec le grand appel que la Nature exhalera,
avec ton cœur que le silence ne protégera pas.

Maria Polydouri


Maria Polydouri (1902-1930)
et Kostas Karyotakis (1896-1928)

Quand Maria, rencontre Kostas en 1922, elle a vingt ans, et lui vingt-six. Une attirance irrésistible les pousse l’un vers l’autre mais la vie les sépare. Quelques années plus tard, en 1928, le poète met fin à ses jours, tandis qu’elle est emportée par la tuberculose, dans le sanatorium où séjournait Yannis Ritsos.

3 commentaires:

  1. Un poème à bout de vie où tapie dans l'ombre propice, juste ce qu'il faut, la mort avant que d'exister est déjà présente. Il n'y a rien à faire, c'est écrit avant que d'écrire le poème. CR.

    RépondreSupprimer
  2. Sans doute cher Cristian. Je te conseille ce livre dans l'édition bilingue.
    Je suis contente de te retrouver ici, sur le sentier des dunes.

    RépondreSupprimer
  3. J'en prends bonne note ma chère Françoise et je me l'achèterai la semaine prochaine. J'ai des bouquins à aller chercher chez mon libraire.

    RépondreSupprimer