Ces années, tes années, que j'aurais dû sentir
croître comme des grappes près de moi
pour que tu voies enfin comment soleil et terre
t'auraient destinée à mes mains de pierre,
toi qui, grain après grain, eus fait chanter
le raisin en vin dans mes veines.
Le vent ou le cheval
en s'égarant auraient pu me faire passer
par ton enfance,
tu as vu chaque jour le même ciel,
la même boue du sombre hiver,
les branches des pruniers, berceau sans fin,
avec leur violette douceur.
Un rien, quelques kilomètres de nuit,
les distances mouillées
de l'aurore champêtre,
une poignée de terre nous ont séparés, les murs
transparents
que nous n'avons pas traversés, pour que la vie
après cela mette entre nous
toutes les mers
et la terre, et pour que, malgré l'espace,
nous nous rapprochions, nous cherchant
pas à pas,
d'un océan à l'autre,
jusqu'à l'instant où j'ai vu le ciel s'embraser
tandis que tes cheveux volaient dans la lumière,
tu arrivais à mes baisers avec le feu
d'un météore déchaîné,
tu t'es fondue avec mon sang, ma bouche
a reçu, du prunier sauvage
de notre enfance, la douceur,
et je t'ai serrée sur mon coeur
comme si terre et vie étaient à nouveau miennes.
Pablo Neruda
Ode et germinations, in Les Vers du capitaine
trad Claude Couffion
Poésie / Gallimard p 265-267
crédit photo fruban |
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