mardi 17 mars 2015

Le Cantique des cantiques, André Chouraqui

Chapitre 1.- Poème des poèmes
"Poème des poèmes qui est à Shelomo.
Il me baisera des baisers de sa bouche; oui, tes étreintes sont meilleures que le vin.
À l'odeur, tes huiles sont bonnes, ton nom est une huile jaillissante; aussi, les nubiles t'aiment.
Tire-moi derrière toi, courons !
Le roi m'a fait venir en ses intérieurs.
Jubilons, réjouissons-nous en toi !
Mémorisons tes étreintes mieux que le vin ! Les rectitudes t'aiment.
Moi, noire, harmonieuse, filles de Ieroushalaîm, comme tentes de Qédar, comme tentures de Shelomo.
Ne me voyez pas, moi, la noirâtre: oui, le soleil en moi s'est miré.
Les fils de ma mère ont brûlé contre moi; ils m'ont mise gardienne de vignobles.
Mon vignoble à moi, je ne l'ai pas gardé !
Rapporte-moi, toi que mon être aime, où tu pais, où tu t'étends à midi ; car pourquoi serais-je comme affublée, auprès des troupeaux de tes amis ?
Si tu ne le sais pas pour toi, la belle parmi les femmes, sors pour toi sur les traces des ovins; pâture tes chevreaux aux demeures des pâtres.
À ma jument, aux attelages de Pharaon, je te compare, ô ma compagne !
Tes joues sont harmonieuses dans les pendeloques, ton cou dans les gemmes.
Nous ferons pour toi des pendeloques d'or, avec des pointes d'argent.
Le roi encore sur son divan, mon nard donne son odeur.
Mon amant est pour moi un sachet de myrrhe; il nuite entre mes seins.
Mon amant est pour moi une grappe de cypre, aux vignobles de 'Éïn Guèdi.
Te voici belle, ma compagne, te voici belle aux yeux palombes.
Te voici beau, mon amant, suave aussi; aussi notre berceau est luxuriant.
Les cèdres sont les poutres de nos maisons; nos lambris, des genévriers."


Chapitre 2.- Lotus des vallées
Moi, l'amaryllis du Sharôn, le lotus des vallées.
Comme un lotus parmi les vinettiers, telle est ma compagne parmi les filles.
Comme un pommier parmi les arbres de la forêt, tel est mon amant parmi les fils.
Je désirais son ombre, j'y habite; son fruit est doux à mon palais.
Il m'a fait venir à la maison du vin; son étendard sur moi, c'est l'amour.
Soutenez-moi d'éclairs, tapissez-moi de pommes: oui, je suis malade d'amour.
Sa gauche dessous ma tête, sa droite m'étreint.
Je vous adjure, filles de Ieroushalaîm, par les gazelles ou par les biches du champ, n'éveillez pas, ne réveillez pas l'amour avant qu'il le désire !
Va vers toi-même
La voix de mon amant ! Le voici, il vient !
Il bondit sur les monts, il saute sur les collines.
Il ressemble, mon amant, à la gazelle ou au faon des chevreuils...
Le voici, il se dresse derrière notre muraille !
Il guette aux fenêtres, il épie aux treillages !
Il répond, mon amant, et me dit: Lève-toi vers toi-même, ma compagne, ma belle, et va vers toi-même !
Oui, voici, l'hiver est passé, la pluie a cessé, elle s'en est allée.

Les bourgeons se voient sur terre, le temps du rossignol est arrivé, la voix de la tourterelle s'entend sur notre terre.

Le figuier embaume ses sycones, les vignes en pousse donnent leur parfum.
Lève-toi vers toi-même, ma compagne, ma belle, et va vers toi-même !
Ma palombe aux fentes du rocher, au secret de la marche, fais-moi voir ta vue, fais-moi entendre ta voix !
Oui, ta voix est suave, ta vue harmonieuse.
Saisissez pour nous les renards, les petits renards, saboteurs de vignobles ! Nos vignobles sont en pousse.

Mon amant à moi, et moi à lui, le pâtre aux lotus.

Jusqu'à ce que le jour se gonfle, s'enfuient les ombres,
fais volte-face, ressemble pour toi, mon amant,
à la gazelle ou au faon des chevreuils, sur les monts de la rupture.




Chapitre 3.- Noces
Sur ma couche, dans les nuits, j'ai cherché celui qu'aime mon être.
Je l'ai cherché, mais ne l'ai pas trouvé.
Je me lèverai donc, je tournerai dans la ville, dans les marchés, sur les places.
Je chercherai celui qu'aime mon être. Je l'ai cherché mais ne l'ai pas trouvé.
Les gardes qui tournaient dans la ville m'ont trouvée. « Celui qu'aime mon être, l'avez-vous vu ? »
De peu les avais-je dépassés que je trouvai celui qu'aime mon être.
Je l'ai saisi et ne le lâcherai pas avant de l'avoir fait venir à la maison de ma mère, dans l'intérieur de ma génitrice.
Je vous adjure, filles de Ieroushalaîm, par les gazelles ou par les biches du champ, n'éveillez pas, ne réveillez pas l'amour avant qu'il le désire !
Qui est celle qui monte du désert, comme palmes de fumée, encensée de myrrhe et d'oliban, de toutes les poudres du colporteur ?
Voici le lit de Shelomo, soixante héros sont autour de lui, des héros d'Israël;
tous armés d'épée, initiés à la guerre, chaque homme son épée sur sa cuisse, contre le tremblement des nuits.
Le roi Shelomo s'est fait un palanquin en bois du Lebanôn.
Il fait ses colonnes d'argent, sa tapisserie d'or, ses montants de pourpre, son intérieur tapissé d'amour par les filles de Ieroushalaîm.
Sortez, voyez, filles de Siôn, le roi Shelomo,
le nimbe dont sa mère l'a nimbé le jour de sa noce, le jour de la joie de son coeur !



Chapitre 4.- Viens avec moi
Te voici belle, ma compagne, te voici belle !
Tes yeux palombes à travers ton litham; tes cheveux tel un troupeau de caprins qui dévalent du mont Guil'ad;
tes dents tel un troupeau de tondues qui montent de la baignade; oui, toutes jumelées, sans manquantes en elles.

Tes lèvres, tel un fil d'écarlate, ton parler harmonieux; telle une tranche de grenade, ta tempe à travers ton litham ;
et telle la tour de David, ton cou, bâti pour les trophées: mille pavois y sont suspendus, tous les carquois des héros.
Tes deux seins, tels deux faons, jumeaux de la gazelle, pâturent dans les lotus.

Avant que le jour se gonfle et s'enfuient les ombres, j'irai vers moi-même au mont de la myrrhe, à la colline de l'oliban.
Toi, toute belle, ma compagne, sans vice en toi.

Avec moi du Lebanôn, fiancée, avec moi du Lebanôn, tu viendras !
Tu contempleras de la cime d'Amana, de la cime du Senir et du Hermôn, des tanières de lions, des monts de léopards !
Tu m'as incardié, ma soeur-fiancée, tu m'as incardié d'un seul de tes yeux, d'un seul joyau de tes colliers.
Qu'elles sont belles, tes étreintes, ma soeur-fiancée, qu'elles sont bonnes tes étreintes, plus que le vin !
L'odeur de tes huiles plus que tous les aromates !
De nectar, elles dégoulinent, tes lèvres, fiancée !
Le miel et le lait sous ta langue, l'odeur de tes robes; telle l'odeur du Lebanôn !
Jardin fermé, ma soeur-fiancée, onde fermée, source scellée !
Tes effluves, un paradis de grenades, avec le fruit des succulences, hennés avec nards;
nard, safran, canne et cinnamome avec tous les bois d'oliban; myrrhe, aloès, avec toutes les têtes d'aromates !
Source des jardins, puits, eaux vives, liquides du Lebanôn !
Éveille-toi, aquilon ! Viens, simoun, gonfle mon jardin !
Que ses aromates ruissellent !
Mon amant est venu dans son jardin; il mange le fruit de ses succulences.






Belle interprétation en grec du Cantique des cantiques, par la grande actrice Irène Papas

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