Editorial, par François Régis Hutin
« Le pas des mendiants fera trembler la terre »
Voici longtemps déjà, nous avons cité cette phrase de Bernanos : « Le pas des mendiants fera trembler la terre ». En 1990, nous posions la question : « Aurons-nous un jour, des boat-people qui s'efforceront de traverser la Méditerranée ? Enverrons-nous alors la Royale pour les repêcher ou pour les refouler ? (1) »
Voici que la prophétie de Bernanos se réalise aujourd'hui. Voici que l'interrogation d'hier devient tragique réalité. Les années passent avec leur lot de naufrages dans cette Méditerranée lumineuse, berceau de notre civilisation. Les plus importants connus ont fait environ deux cents morts chaque fois. Mais l'intensité va croissant avec, pour un seul naufrage, quatre cents victimes le 12 avril. Le total des noyades connues atteint 3 400 en 2014. Depuis le début de l'année, 900 personnes ont péri.
Le dispositif Mare Nostrum mis en place en 2013 a permis le sauvetage de 150 000 personnes. Mais ceux qui se préoccupent de ces mouvements migratoires estiment que plus de 500 000 migrants sont en marche vers l'Europe, provenant soit de l'Est ou de l'Ouest africain, soit du Moyen-Orient. C'est la grande fuite devant la misère, devant la faim et plus encore, ces dernières années, devant les guerres, les exclusions ethniques, les persécutions religieuses, les exactions dictatoriales.
Mare Nostrum , coûtant très cher, a été remplacé par le dispositif Triton, moins onéreux, sans doute moins efficace, alors que la situation se tend. Désormais, les passeurs sont armés. Ils n'hésitent pas à faire usage de leurs armes pour récupérer les embarcations vides dont les passagers ont été sauvés par les navires de secours. De plus, on se bat entre migrants à bord de ces esquifs. On a vu des passagers jetés à la mer à la suite de querelles ethniques ou religieuses.
« La Méditerranée, c'est la route la plus mortelle du monde », a déclaré un représentant du HCR (2) .
Endiguer et organiser la migration
L'Union européenne, confrontée à cet énorme problème, ne sait toujours pas comment le traiter. A cause de la convention de Dublin qui prévoit que le premier Etat où arrive le migrant doit le prendre en charge, les pays riverains les plus proches de l'Afrique sont en première ligne. L'Italie n'en peut plus : 10 500 réfugiés y ont débarqué en deux semaines. « L'Italie porte un fardeau énorme pour l'Europe... Cela ne va plus », déclarent les autorités italiennes. Il devient évident, nécessaire, urgent que l'Union européenne mette en marche les dispositifs de solidarité, donc d'accueil par chacun des pays européens, selon ses moyens. Malheureusement, la France ne brille pas par sa générosité en ce domaine. L'Allemagne est beaucoup plus ouverte...
N'oublions pas que la Turquie, le Liban, la Jordanie abritent chacun des centaines de milliers de réfugiés. Il faut rapidement, en Union européenne, un grand sursaut. Il faut regarder les choses en face. Agir efficacement vaut mieux que de détourner les regards comme nous le faisons actuellement. Plutôt que de laisser se dérouler anarchiquement une migration jusqu'à présent inévitable, il faut s'efforcer de l'endiguer et de l'organiser et donc y mettre tous les moyens.
Par ailleurs, après le bombardement d'une école d'Alep, Andrea Riccardi de la Communauté de Sant'Egidio lance un appel : « Il faut mettre en place des couloirs humanitaires pour les civils et imposer la paix au nom de ceux qui souffrent. » C'est ainsi que l'on pourra peut-être tarir les migrations à leurs sources.
( 1) Ouest-France, 7-8 avril 1990
(2) Haut-Commissariat aux Réfugiés de l'Onu
François Régis Hutin
Dans la nuit du 18 au 19 avril, un nouveau naufrage aurait fait 700 morts !
Dans Ouest-France de dimanche 19 avril
http://www.ouest-france.fr/un-bateau-chavire-700-migrants-auraient-trouve-la-mort-3344964
"On redoute un nouveau drame de l'immigration en Méditerranée. La nuit dernière, un bateau transportant 700 migrants aurait chaviré.
Le chavirage d'un bateau transportant des migrants aurait fait jusqu'à 700 morts dans la nuit de samedi à dimanche au large des côtes libyennes, rapporte le Times of Malta.
Les secours ont repêché 28 rescapés après le naufrage, qui a eu lieu à la limite des eaux territoriales libyennes, à environ 120 miles nautiques au sud de l'île italienne de Lampedusa, écrit le journal maltais sur son site internet.
L'alerte a été lancée vers minuit. Le bateau aurait chaviré lorsque les migrants se sont massés du même côté à l'approche d'un navire marchand, ajoute-t-il.
« La pire hécatombe »
Si ces chiffres étaient confirmés, il s'agirait de la « pire hécatombe jamais vue en Méditerranée », a-t-elle Carlotta Sami, porte-parole du Haut-commissariat aux Nations unies pour les réfugiés en Italie.
Quelque 21 cadavres ont été récupérés, selon les médias italiens. L'AFP indique qu'il n'a pas été possible dans l'immédiat d'obtenir confirmation de cette information.
Une importante opération de secours a été mise en place avec le concours des marines italienne et maltaise, a indiqué à l'AFP un porte-parole de la marine maltaise.
500 à 1000 migrants récupérés chaque jour
Deux autres naufrages ont fait quelque 450 morts et disparus en moins d'une semaine. Là encore, ce sont les récits de survivants qui ont permis d'établir ces bilans, alors que le flux de migrants provenant de la Libye ne cesse de grossir. Entre 500 et parfois 1 000 personnes sont chaque jour récupérées par les garde-côtes italiens ou des navires marchands.
Plusieurs organisations internationales et humanitaires ont dénoncé ces derniers jours l'incurie des autorités européennes, réclamant davantage de moyens. « Il faut une opération Mare nostrum européenne », a ainsi déclaré la porte-parole du HCR. L'opération italienne Mare nostrum de sauvetage des migrants a été remplacée par l'opération Triton, une opération de surveillance des frontières beaucoup plus modeste. "
Ouest-France, 19 avril 2015
Dessin d'Herman, Tribune de Genève, 16 avril 2015 |
Ce que met en évidence, à mes yeux, François Régis Hutin dans son article, c'est l'ère de la damnation et de l'enfer dans lequel se sont engagés, l'Europe, le monde occidental dans sa totalité, les états tyranniques et sanguinaires, les pays déshérités et en déshérence, les peuples du monde entier qui subissent et tout cela pour finir dans un maelstrom épouvantable, un chaudron bouillonnant des humeurs malignes de ce qu'il reste d'humanité. Certes la planète n'est pas en danger, elle continuera de tourner autour de son étoile. En revanche, il y a un parfum de fin d'humanité.
RépondreSupprimerPour être plus pragmatique si j'ose dire, dans ces drames qui se déroulent en mer méditerranée, il faudra bien un jour, comme pour bien d'autres drames, qu'un problème se résout en amont. En aval les solutions sont temporaires et n'éradiquent pas la source du mal. Refuser de voir cela, ce qui se passe en ce moment, relève de la lâcheté de l'Homme et moi comme un autre j'en fais partie. Mais si ce dernier a envie de se suicider et d'entrainer l'Humanité dans cette voie, il en assumera la responsabilité et la culpabilité. Devant quel tribunal, je ne sais. Mais, à tout le moins, devant celui de sa conscience si tant est qu'il en reste quelque trace. C.R.
Chaque semaine, le nombre des victimes atteint des sommets inégalés jusqu'alors. Ce midi encore, des appels à l'aide d'un bateau de migrants... Et je pense moi aussi, que c'est en amont qu'il faut essayer de comprendre, puis trouver des solutions, s'il n'est pas déjà trop tard. Oui, je finis par avoir honte, mais je m'accroche, malgré tout, à ce que les Hommes font de beau, sinon... comment continuer à vivre ?
RépondreSupprimer