jeudi 29 septembre 2016

Sylvie Brès, poète (1954-2016)



Sylvie Brès


"Que dire dans une biographie qui ne griffe la vie de celui qu'elle décrit ? Je suis née en 1954 dans une petite ville de la Drôme ; l'essentiel de ma vie s'est passée dans ce département, hormis une incursion dans le Gard. La littérature a été un fruit défendu auquel j'ai vraiment mordu très tôt et qui m'a peut-être en partie jetée hors du Paradis de l'Enfance, précocement , si on le conçoit comme Éternité de l'Instant. J'ai fait des études littéraires et d'histoire de l'art et archéologie, et j'ai passé ma vie active auprès d'enfants très jeunes, prenant plaisir à découvrir et redécouvrir le Monde dans le partage du rire et de la connaissance, je dirais de la conscience à la fois naissante et entière. Que dire dans une biographie sans décrier l'étrangeté d'être-au-monde, sans banaliser et ternir la Merveille d'une vie ?" Sylvie Brès

dans la rumeur libre éditions

Quelques ouvrages

SYLVIE BRÈS
Affleure l'abîme
poésie


Patrick Laupin Dédicace à l'auteur
(à propos de Affleure l'abîme)

"Mon souhait est que tu adoucisses jusqu’au plein silence de ta voix, et tes ellipses et tes élans, ce grand cercle magique de tendresse visité par le génie de ta syntaxe. Ce sera un Livre de toi et de ton écriture que j’admire."



Yves Bonnefoy Lettre à l’auteur, 6 janvier 2010
(à propos de Affleure l'abîme)

"Je vous remercie de votre envoi-de cette belle méditation sur la vie, à laquelle vous savez donner un sens, par votre parole. Je suis très sensible à cet acte de lucidité, de courage, de foi, et forme des vœux pour vous et ce travail de poésie que vous menez et allez mener encore."








SYLVIE BRÈS
Une Montagne d'enfance
poésie
Une Montagne d'enfance (Sylvie Brès)









SYLVIE BRÈS
L'incertaine limite de nos gestes
poésie







Dans Revue Textures

Les critiques de Lucien Wasselin



Sylvie Brès : « L’incertaine limite de nos gestes »


C’est le troisième recueil de Sylvie Brès que je lis. Et j’avais relevé dans « Cœur troglodyte » ces vers : « Et quand viendra / notre dernier baroud d’honneur / contre la maladie de vivre - / que personne ne songe à critiquer / nos illusions et notre tentative ». Il est vrai que ces poèmes disaient crûment la maladie et la lutte contre cette dernière et cet appel à ne pas critiquer illusions et tentative était recevable lorsqu’on mettait en regard poèmes et maladie tant l’expérience de Syvie Brès méritait le respect. « L’incertaine limite de nos gestes » est à inscrire dans ce respect, non par décence mais par sa qualité d’écriture.
Ce livre est composé de 14 suites de poèmes, à moins qu’il ne s’agisse de longs poèmes tant leur proximité est forte. L’ensemble titré « Sanctification » est révélateur du travail qu’opère Sylvie Brès sur les mots : « Comment trouver le mot cherché ? / S’il n’a pas été éprouvé / un jour / dans la bouche / longuement mâché / un peu ânonné - sucé - mordillé - testé - ». Ce travail traduit la quête éperdue de connaissance qui est celle de Sylvie Brès qui se pose dans « Sanctification » la question : « et advient-il / le bonheur de nommer l’être / dans une conscience effrénée ? » Ce goût des mots, cette lutte acharnée à trouver le mot juste serait la métaphore du désir (vivre et aimer). Comme la rose est celle de la vie qui continue… Sylvie Brès pose plus de questions qu’elle n’exprime d’affirmations. Mais procédant ainsi, elle dit aussi sa révolte et accède à une certaine vérité : « Le Minotaure veille. / Elle est songe dans ses bras », sans que l’on sache si ce elle désigne l’auteur, la mélancolie, l’absence ou la présence. La présence au monde ?
L’oubli est impossible note-t-elle dès le début de " "L’incertaine limite de nos gestes " malgré la règle inflexible de l’éphémère : « Nous n’habiterons pas toujours / l’ébullition rêveuse / de nos pensées » avant d’écrire, plus loin, « Et l’éternité, pourtant quel non-sens ! / Y aurait-il prison plus absurde pour nous / qui ne savons nous débattre que dans la durée ? » Le lecteur a l’impression que ces poèmes ne sont écrits que pour lutter contre l’évaporation de la pensée ou pour conjurer l’inéluctable qui nous attend tous… En tout cas, Sylvie Brès fait mentir avec ce recueil exigeant André Gide qui écrivait qu’on ne faisait pas de bonne littérature avec de bons sentiments. S’agit-il d’ailleurs de bons sentiments avec cette révolte ancrée au plus profond de la chair ? Car de « L’incertaine limite de nos gestes », elle tire une ode à la vie, elle dépasse « les tangentes du silence / pour humecter / les lèvres du monde ». Tant elle fait corps avec le monde.

(Sylvie Brès : « L’incertaine limite de nos gestes ». La Rumeur libre éditions, 96 pages. 15 €. Dans les bonnes librairies.)


Coeur troglodyte, Le Castor astral, 2014







éditions Le Castor astral

"Au regard de tous les discours lénifiants à propos du cancer, qui touchent parfois au grand n’importe quoi, ce livre témoigne d’un immense désir : que cette souffrance puisse avoir une forme d’utilité à la fois tendre et révoltée à travers le langage poétique et qu’elle touche l’autre dans son humanité profonde.

Cœur troglodyte réunit chronologiquement deux ensembles de poèmes : Et soudain le pas manque et Cœur troglodyte proprement dit.
Et soudain le pas manque s’attache à dire, à faire comprendre dans toute son ampleur, cette bascule qui, du jour au lendemain, renverse l’individu et ses valeurs, l’oblige à une révolution copernicienne, le surprend, le suspend entre vie et mort, et le soumet à la conscience entière et désespérée de sa fragilité. C’est le temps de l’hôpital, un temps non pas de chien, mais de patient, qui enferre, enferme une vie devenue autre et suspendue aux traitements, une vie défigurée par l’ennemi intérieur. À cela, pour Sylvie Brès, à cette prison de mots, d’images, de conventions, seule la poésie peut résister.

Cœur troglodyte marque le temps d’une rémission possible, d’un espoir entrevu, une voie pour dépasser cette solitude ontologique, en quête de moments de bienveillance, de solidarité, de ré-émerveillements. Une façon, malgré tout, de ressentir à nouveau et de rejoindre la vie au-delà de l’enfermement. Une vie désirable, qui ne serait plus assujettie au couperet des résultats d’analyses. La parole alors se refait chant pour tenter d’habiter le monde sans les entraves du lendemain. La poésie redonne chair à l’image de soi que la maladie avait dévastée. Littéralement et dans tous les sens, elle la re-vivifie."






Poèmes choisis (extraits de "Coeur troglodyte")



Comme la petite seiche jette son encre, fragile parade, écrire l’extrême de l’expérience
pour tromper la mort — cache-cache indécent peut-être et pourtant pudeur du partage avec
ceux qui sont touchés par la maladie, et ceux qui l’ignorent
— sauvegarde partielle et
dérisoire.
Revendiquer, pied à pied, terme à terme, cette humanité qui vacille et pourtant
qui résiste, me semble par-delà l’effeuillage absolu, une douceur octroyée, une irruption de conscience.
L’encre jetée, la limpidité revient…
Nous nous baignons dans la même mer.
Nous respirons le même air et le tissu de nos songes n’est pas si différent !
Les larmes n’ont-elles pas toujours ce goût salé à travers l’univers ?

Sylvie Brès

in, Coeur troglodyte p 126
éd Le Castor astral


Oui la vie
a pris des accents gris
depuis que j'ai basculé
dans la blancheur monotone
des draps amidonnés...
Oui, je ne sais
plus convoquer
l'hystérie de mes désirs
aux pointes acérées...
Je suis couturée
et cela suffit
au fauve tapi,
        barrières symboliques
        où il ébroue son ennui.

                     ibidem, p 45



Et si nous ne sommes pas
du côté du manche ? de quel côté ?
côté de la lame ?
de la cognée ?
Effiler nos pensées __
Aiguiser nos sens __  Affûter nos révoltes __
Ne pas nous blesser
__résister__


                            ib p 98



Tu les entailles
au diamant
tes mots
tu leur voudrais
tant d'éclat
mais les voilà qui saignent
et rien ne peut arrêter
cet épanchement.

                           ib p 124

1 commentaire:

  1. Il est des blessures mortelles avec lesquelles on vient au monde et qu'on emporte avec soi, le dos encore plus courbé de la charge trop longtemps portée. CR

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