mardi 12 août 2014

Elle danse avec les anges ( Gaby Ferréol )


On ne l’entendra plus la plainte de l’impératrice. Maintenant elle danse avec les anges. Dans un improbable théâtre de verdure, des arbres passent sur un tango de Piazzolla, un long talon aiguille s’enfonce dans la boue, un homme ploie, se relève, avance une lourde armoire sur le dos, des masques de boue, assise dans un fauteuil une femme fume en observant le flot de la circulation, des courses effrénées dans les faubourgs de Wuppertal... Cette pâle silhouette frémissant sous les lumières ternes, je la connais bien : elle a brûlé mes envies, mes émotions. Quand je ferme les yeux, son fantôme sauvage se heurte aux chaises, aux murs, à la haute porte-tourniquet d’un certain café… Au matin, elle a laissé sa cigarette sur le rebord de ma fenêtre. Plus tard quand je feuilletterai mon album de souvenirs, nulle trace de son mince sourire, de l’éclatante douceur de ses yeux bleus, de ses longues robes de bal, des smokings, des œillets et d’un accordéon, des airs qui habitaient ses magnétiques créations. On ne l’entendra plus la plainte éblouissante de l’impératrice… elle danse avec les anges le sacre d’un éternel printemps.



« mon petit hommage à Pina Bausch »

1 commentaire:

  1. Entre abstraction lyrique, abstraction expressionniste et abstraction numérique, je m'y perds mais le texte ci-dessus me rapproche de l'auteur de ce goût que nous partageons pour Tadeusz Kantor au fond d'une classe morte depuis longtemps.
    Cristian

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